Diplomatie : Tournée européenne « électrisante » pour Li Qiang

Tournée européenne « électrisante » pour Li Qiang

Alors que le Président Xi Jinping a les yeux rivés sur l’Asie Centrale, son Premier ministre, Li Qiang, a choisi l’Europe pour son premier déplacement à l’étranger du 18 au 23 juin. Li se rendra à Berlin et à Paris, où il assistera au septième cycle de consultations gouvernementales sino-allemandes et au Sommet pour un nouveau pacte financier mondial, qui ambitionne de réformer l’architecture de la finance mondiale pour mieux répondre aux défis du réchauffement climatique – un sujet cher à la Chine.

« Le fait que le Premier ministre Li Qiang ait choisi l’Allemagne et la France pour sa première visite à l’étranger après son entrée en fonction démontre la haute estime que porte la Chine envers le développement de ses liens avec ces deux pays », a souligné Wang Wenbin, un porte-parole du ministère des Affaires étrangères.

Malgré ces mots chaleureux, la visite de Li Qiang devrait se faire dans un climat tendu avec Berlin, puisque le chancelier allemand Olaf Scholz vient de dévoiler un document dans lequel il décrit la Chine comme une « force hostile » à son pays. Le dirigeant a en effet déploré dans sa « stratégie nationale de sécurité » dévoilée le 14 juin que la Chine, pourtant premier « partenaire » commercial de l’Allemagne, agit « à l’encontre de nos intérêts et valeurs ».

Si l’Allemagne a longtemps ménagé la Chine, elle a toutefois durci le ton depuis plus d’un an et appelle ses entreprises à réduire leur exposition à la Chine face au risque de conflit avec Taïwan. Berlin s’aligne également sur la nouvelle doctrine de l’Union Européenne (UE) qui devrait être débattue au Conseil Européen fin juin : à savoir, ne pas se « découpler » de la Chine, mais « réduire les risques ». Une approche qui, selon toute vraisemblance, devrait sonner le glas du déploiement de la 5G de Huawei à travers le Vieux Continent.

Mais un autre sujet de contentieux se dessine déjà : il s’agit de la montée en puissance des constructeurs automobiles chinois. D’ici 2025, les marques chinoises comme BYD, Nio, Xpeng devraient représenter 15% des ventes en Europe selon les estimations de KPMG, contre un peu moins de 10% en 2022. La concurrence sera particulièrement féroce sur les segments d’entrée de gamme, où sont positionnés les constructeurs automobiles hexagonaux tels que Renault et Stellantis.

Bien conscient de cette menace qui plane sur une industrie française qu’il cherche justement à redynamiser en accueillant des fabricants de batteries (chinois comme taïwanais), le Président Macron ferait donc du lobby auprès de la Commission Européenne pour qu’elle réagisse face aux « avantages déloyaux » de la Chine. Ses inquiétudes portent sur les subventions étatiques dont bénéficient les constructeurs chinois, qui leur permettraient d’inonder le marché européen de véhicules électriques à des prix quasi-imbattables, et en moins de temps qu’il ne faudrait pour le dire. Pour les contrer, Paris plaide pour l’ouverture d’une enquête « anti-dumping » qui permettrait d’imposer des tarifs douaniers.

A Berlin, les responsables politiques ne sont pas convaincus et craignent que la puissante industrie automobile allemande ne se retrouve victime de représailles de la part de Pékin, si Bruxelles devait adopter des mesures protectionnistes. Pour les constructeurs automobiles allemands, l’accès au marché chinois – sur lequel ils sont d’ailleurs en train d’être distancés par leurs concurrents locaux – est d’autant plus essentiel qu’ils y enregistrent une bonne partie de leur chiffre d’affaires mondial.

Ces inquiétudes sont partagées à Bruxelles, qui hésite à risquer une nouvelle guerre commerciale avec la Chine, gardant en mémoire le fiasco de l’enquête « anti-dumping » visant les panneaux solaires chinois en 2013. A l’époque, il avait suffi que Pékin menace de boycotter Airbus et les vins français et espagnols pour que l’Union Européenne vacille …

Cependant, le contexte géopolitique a bien changé en dix ans. Il y a désormais un consensus au sein de l’UE sur la nécessité d’adopter une position plus ferme vis-à-vis de la Chine. Bruxelles a également mis ces années à profit pour mettre sur pied un arsenal commercial défensif, dont un outil « anti-coercition » – c’est-à-dire « anti-chantage » économique – suite au gel des exportations lituaniennes provoqué par l’ouverture d’un bureau de représentation de Taïwan à Vilnius. Il n’en est pas moins que Bruxelles préférerait certainement que ces instruments aient un effet dissuasif sur la Chine plutôt que d’avoir à s’en servir… 

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