Le Vent de la Chine Numéro 4

du 6 au 12 février 2012

Editorial : La locomotive allemande fait halte en Chine

Angela Merkel, Chancelier d’Allemagne, fut reçue en Chine ( 01-03/02), en leader d’une puissance dont les échanges bilatéraux s’élevaient à 169 milliards de $ (+18,9%) en 2011, avec rare excédent à l’Allemagne 92,7 milliards de $ (+24,9%). Aussi Angela Merkel fut-elle reçue par le Président Hu Jintao et le 1er Ministre Wen Jiabao, lequel prit soin de l’accompagner le dernier jour à Canton, à un forum d’affaires entre 500 firmes allemandes de la province, et le Gotha local en énergie, ingénierie, banque et l’électronique.

Ces égards virent cependant vite leurs limites. La patronne de l’Allemagne ne put pas dîner (à son ambassade) avec le dissident Mo Shaoping ni rencontrer à Canton le Rédacteur en Chef du Nanfang Zhoumou, un des journaux les plus courageux. Quand elle plaida au nom de l’Union Européenne, que la Chine s’abstienne de récupérer les volumes de pétrole iranien que l’Europe vient de mettre sous embargo, la réponse sèche tomba auQuotidien du Peuple : cette pression serait malvenue, «compromettant la reprise mondiale» en faisant flamber les prix du brut.

Pour ce voyage sous le signe du 40ème anniversaire des relations, le chancelier allemand était venu défendre l’image de l’Euro, et plaider pour un influx de devises chinoises à son secours.  Car depuis 20 ans, les réserves de l’Europe partent en Chine à sens unique, en échange de l’export chinois à bas prix. Il en résulte un vide dans les banques de l’Ouest, face aux 3200MM$ de réserves en Chine, dont 15% en euros (500MM² estimés). Certes, les fortunes du pays rachètent déjà en Europe des PME de pointe (cf notre photo p.3). Mais le soutien de l’Etat chinois est aussi indispensable. A Canton, pour Mme Merkel, Wen Jiabao confirma que son pays cofinancerait les fonds européens MSE ( Mécanisme Européen de Stabilité )et FESF (Fonds Européen de Stabilité Financière). Surtout depuis que l’Union Européenne s’est engagée dans un pacte fiscal (à Bruxelles, le 30/01, à 25 Etats sur 27).

Le chancelier revendiqua aussi pour ses firmes concitoyennes, d’être traitées localement  «à pied d’égalité». Le contentieux porte surtout sur les marchés publics dont la Chine, sans l’admettre, écarte tout groupe étranger. Or en ce pays où le Parti tient toujours les affaires d’une main de fer, ces adjudications en centaines de milliards de US$ par an sont le ressort de sa croissance. Leur manipulation lui permet de créer, à partir de technologies «dérivées» de l’Occident, des géants industriels capables de lui damer le pion en énergies nouvelles, TGV, équipements à bas carbone. Une pratique envers laquelle, par temps de récession, la patience de l’Ouest s’évapore vite.

En janvier à Pékin, Michel Barnier, Commissaire responsable du marché intérieur, témoignait de «progrès», d’une volonté chinoise de dépasser ce protectionnisme et de rejoindre un accord de l’OMC à 30 pays pour s’ouvrir mutuellement leurs marchés. Mais le 30/01 à Bruxelles, un autre commissaire, K. de Gucht, annonce un règlement de l’Union Européenne sur les marchés publics, destiné à pénaliser les groupes chinois, si leur pays «continue à barrer aux firmes de l’Union Européenne l’accès … à son marché ».

Renseignements pris, les deux tendances sont réelles, et complémentaires. La Chine se prépare -peut-être- à éliminer ses pratiques cocardières. Mais l’Europe préfère se doter d’un levier pour l’inciter à accélérer le tempo.

Pendant ce temps, Pékin et Bruxelles peaufinent le 7e sommet Europe-Chine, reporté en octobre 2011, pour cause de crise grecque. Il ouvrira le 14/02, parallèlement à un sommet Chine-UE des affaires. Avec au moins, un litige de plus : le mécanisme européen qui  impose aux compagnies aériennes, une réduction de leurs émissions de CO2 dans son espace aérien, ou bien des taxes. Voté depuis 5 ans, le règlement est  irrévocable et applicable. Pékin mène un baroud d’honneur, prétendant (avec l’Inde) le boycotter, au nom des  100M² qu’il coûtera dès cette année à ses transporteurs : elle bloque les commandes d’Airbus A380, menace d’autres rétorsions. Il faudra, sur ce litige, trouver un modus vivendi : afin de matérialiser le vertueux espoir de J.T. Katainen, le 1er ministre finnois au Sommet de Davos, « Chine et Europe, aujourd’hui, sont dans le même bateau » !


Energie : Énergie—l’Etat propose, les provinces disposent !

Sur le front des énergies renouvelables arrivent d’étranges et fortes nouvelles.

[1] Anticipant la baisse annoncée de 13% du tarif de rachat du courant solaire (avec 1¥uan de « boni » par kW/h sur le tarif normal), pour les fermes raccordées à partir de 2012, le parc solaire chinois, a quintuplé de 2010 à 2011, atteignant 2,9GW. Nombre d’unités puissantes (jusqu’ à 30MW) ont alors émergé au sol, en quelques semaines.

Or ces créations ont dépassé de 33% les prévisions de l’Etat et pour 2012, la même difficulté se profile. Afin d’éviter de surcharger le réseau, Pékin voudrait limiter les créations à 3Gw. Mais au vu des commandes existantes, l’interprofession s’attend à 4Gw: les opérateurs trouvent l’activité rentable, même sous le nouveau tarif de rachat. Quant aux équipementiers, en terrible surcapacité (de 5Gw/an), ils maintiendront leur concurrence sauvage et des prix déprimés.

[2] State Grid, monopole de distribution en Chine du Nord, dévoile à Zhangbei (Hebei) le plus puissant centre de stockage électrique au monde, d’une capacité de 36MWh. Il comporte une transmission « intelligente » permettant d’éviter 5 à 10% des déperditions, et est alimenté par une ferme éolienne de 100MW et une solaire de 40MW. Coût estimé : 500 millions de $ au moins.

Ce centre tente de résoudre la faiblesse générique des énergies renouvelables : produisant souvent hors des heures de pointe, elles sont donc perdues.

Les batteries ont été fournies par BYD, plus connu pour ses voitures. Bonne affaire pour le groupe de Shenzhen, qui en 2011 perdait 94% de ses ventes de VE -prix à payer pour une production précurseur. Aujourd’hui en JV avec Daimler-Benz, BYD parachève sa nouvelle génération de Voiture électrique, peut-être la chance de sortir la 1ère génération en Chine de Voiture électrique réellement commerciaux et utiles.

Cette percée des renouvelables révèle le temps limité disponible pour changer de mode de croissance, vers une économie à bas carbone. La Chine a 10 ans devant elle pour réduire sa dépendance au charbon (pour nettoyer son air), et celle au pétrole, pour cause de coûts d’import bientôt insupportables, estimés à 1000 milliards de $ en 2020 (l’Etat a 3200 milliards de $ de réserves, mais d’autres obligations à financer que son énergie).

L’Etat se donne donc des objectifs et les ventile entre provinces… lesquelles les ignorent, au nom du « toujours plus » ! Dans le solaire comme on a vu, mais aussi dans le charbon. Le XII. Plan prévoyait 4,1 milliards de tonnes par an de consommation de houille en 2015. Mais le cumul des plans des provinces, à la même échéance, aboutit à 4,6milliards de tonnes (+12%) !

Cette course au durable explique aussi la reprise « lente et réduite », selon Xiao Xinjian, del’Institut national de recherche énergétique, des licences de nouveaux réacteurs nucléaires, limitées à « 3 à 4 par an ». L’effet Fukushima joue. Mais la demande incompressible prive la Chine du luxe dont dispose l’Allemagne, de renoncer à cette filière. Et en nucléaire, la classification « stratégique » du secteur, presque militaire, permet encore à l’Etat central d’imposer sa discipline -pour l’instant !


Transports : Supervraquiers pas si boudés

Le ministère des Transports vient de bannir des ports chinois les vraquiers de plus de 300 000TJB (tonne de jauge brute) (31/01) : par sécurité, et pour satisfaire les armateurs locaux.

La mesure ne vise qu’un groupe : Vale, minéralier brésilien qui assure lui-même le transport de son minerai et est en train de s’équiper de 35 supergéants « Valemax » d’une capacité de 400 000t et d’une taille de 3 terrains de foot.

Il n’avait pas le choix, étant à 45 jours de la Chine son 1er client, quand Rio Tinto et BHP (Australie) n’en sont qu’à 10 jours. Il devait baisser ses coûts de transport, ce que lui permet le Valemax (-20 à 25% d’économie de fuel). L’investissement, énorme (2,3MM$ pour les 19 premiers bateaux) était impératif… Mais c’est sans compter sur l’opposition de la marine marchande chinoise, qui se voyait à terme balayée du marché. Aussi, le ministère, après avoir laissé passer un Valemax à Dalian (28/12), a interdit les autres.

Mais le feu rouge allume un imbroglio. Cette mesure peut pénaliser les chantiers chinois, qui ont déjà engrangé la commande de 12 de ces minéraliers. Et puis il y a aussi le sort du terminal-Vale de distribution en Chine -un projet en l’air depuis 2009. Les armateurs chinois crient au monopole du marché, du transport et du minerai. Les aciéries-elles, n’en sont pas si sûres, pouvant en espérer une concurrence renforcée entre brésiliens, indiens et australiens. Et les ports (Dalian, Qingdao) bien-sûr, lui font les yeux doux. En dernière rumeur, Vale s’installe en Malaisie, puis aux Philippines en 2014, d’où il transbordera… Provisoirement sans doute… Le temps pour le ministère, de réfléchir… et de négocier !


Environnement : Guangxi, un dragon… au cadmium

Avant le Chunjie, les plus pauvres des 3,7 millions d’habitants de Liuzhou buvaient au robinet. Mais depuis le 15/01, quand les tests révélèrent une teneur en cadmium 80 fois supérieure au plafond légal de 0,005 mg/l, tout le monde se jeta sur les bombonnes. Dix jours plus tôt, au moins 20 tonnes d’effluents de ce métal avaient été secrètement déversés dans la rivière Long. C’était en Chine la plus forte contamination aux métaux lourds de tous les temps, les 3/4 des rejets nationaux de 2011 en cadmium, cancérigène grave, inhibant les fonctions rénales et hépatiques.

Découvrant des tonnes de poissons morts  à la surface, le bureau de l’environnement de Hechi n’a pu que constater la catastrophe: la mort de centaines de fermes d’aquaculture, sur les affluents en aval, telle la Liu, réservoir en eau potable de Liuzhou, en contact avec le delta des Perles (Guangdong).

Aux riverains comme aux planificateurs, l’accident pose un nombre de questions dérangeantes.

[1] D’où vient la contamination ? Sept cadres ont été emprisonnés – soupçonnés d’entente pour déverser en même temps leurs effluents pendant les fêtes, afin de brouiller les traces par un délit collectif. Au 21/02, près d’un mois plus tard, la police nationale confirmait l’hypothèse en inculpant trois cadres du groupe minier Jinhe , cinq de l’usine de galvanoplastie Jinchengjiang, tout en annonçant des poursuites contre quatre autres.

[2] Pourquoi avoir perdu deux semaines avant de donner l’alarme ? Une telle pollution ne pouvait passer inaperçue. Mais par inaction (peur d’assumer?), une nappe mortifère de 100 à 300km selon les sources, s’est diluée en route vers la mer.  

 [3] En dépit des propos rassurants de Zheng Junkang, le maire de Liuzhou, et de Xu Zhencheng, un des patrons de la cellule de crise (« la concentration en cadmium dans la section… restera dans la teneur officielle »), les moyens de lutte n’ont pas convaincu.

Bloquer la Liu derrière le barrage de Honghua (500millions de m 3 stockés au 31/01) est le contraire de la pratique normale en telle catastrophe : ouvrir les vannes, est le plus rapide moyen d’assurer la dilution. Idem, le traitement au chlorure d’aluminium (qui précipite le cadmium) est efficace, mais les 3000t déversées, avant d’arriver à épuisement des stocks, n’ont permis de traiter qu’environ un tiers du poison.

[4] Surtout, les autorités (centrales) réalisent aujourd’hui que ce sous-sol quartzique poreux, où une table aquifère abondante connecte bien des cours d’eau, n’est pas un bon socle pour une industrie de métaux lourds. Or celle ci est pourtant très présente dans le Guangxi. Pourquoi, demande la presse, les règlements ont-ils été ignorés, les licences accordées en l’absence d’études d’impact sur l’environnement ?

Pour l’heure, les sept usines soupçonnées sont immobilisées et 11 autres, ordonnées en urgence de repenser à fond leur réseau de retraitement des effluents. Mais au plan local et national, des leçons fondamentales sont à tirer.

Le ministère de l’Environnement rappelle alors que « 50% des rivières et des lacs du pays sont inaptes au contact humain » et que ce type d’accident, à plus faible échelle, est monnaie courante. Rappel cruel du chemin qui reste à parcourir – de l’éveil en général, encore en souffrance.


Agroalimentaire : La Chine—Jean-sans-Terres

La Chine a soif de terres hors frontières. De 2006 à 2011, une enquête la plaçait 2ème acheteur mondial derrière l’Afrique du Sud avec 16% du marché, 10,289 millions d’ha acquis sur les 5 continents.

A terme, c’est une solution pour nourrir ses 19% de l’ humanité sur 9% des sols arables, garantir ses achats à une ferme mondialede moins en moins capable de nourrir toutes les bouches. En 2011-12, elle importera 3millions de tonnes de maïs (+50%), 3millions de tonnes de sucre (20% de ses besoins), 60% du soja mondial.

Ses achats de terres à l’étranger sont souvent le fait de discrets groupes d’Etat.

Mais bientôt, un sentiment nationaliste vient endiguer la vague, comme en Argentine et Brésil par voie législative. Aussi la Chine cherche à améliorer l’offre, en Afrique par exemple avec de généreux programmes de formation agronomique et de fourniture de riz hybrides. Ses programmes sont inclusifs, enrobant d’autres deals du type «routes + ports contre minerai».  Beidahuang (Heilongjiang) fournit machines agricoles et main d’oeuvre au Zimbabwe contre 20% des récoltes… D’autres prennent des parts dans des compagnies locales, ou concluent des accords à deux étapes, comme les 7,5MM$ d’investissements de Sanhe au Brésil dans des usines de soja, et un chemin de fer contre 6 millions de tonnes de soja par an. Les derniers accords annoncés en janvier, parlent d’exploitation de 30 000 ha au Sierra-Leone et de redéveloppement de 570 000 ha de fermes au Venezuela.

Nourrie par la richesse en cash de la Chine du moment, la tendance est là pour durer, rapport gagnant-gagnant où la Chine apporte’machines, écoles, emplois, fonds, et partage l’aliment !


Minorités : Tibet : Heurts sanglants et « Neuf Indispensables »

Le « Far West » chinois vit une paix tendue. Depuis mars entre Tibet central et périphérique, 16 religieux(ses) se sont immolés par le feu. Puis les 23-24/01 en plein Chunjie, des incidents graves ont éclaté au Sichuan en préfecture de Ganzi.

Selon l’Etat, des séparatistes auraient choisi le Nouvel An chinois pour lancer pierres et cocktails Molotov à Luhuo et Seda contre la police, qui se serait défendue en tirant. Bilan : 2 Tibétains tués, 24 policiers blessés. A Dharamsala (Inde), ville des Tibétains en exil, on cite cinq morts, abattus parmi des milliers de manifestants pacifiques. Un autre incident eut lieu le 26/01 dans l’Aba, causant la mort d’un étudiant lors d’une distribution de tracts séparatistes.

Ce sont les plus graves émeutes depuis celles du 14/03/2008 (22 morts). L’Etat a répliqué par les mesures classiques : renforcer les troupes, bloquer routes, communications, informations. La version officielle ne sort qu’une semaine après. Tout l’Ouest est en alerte, même la Région autonome du Tibet et le Xinjiang, pourtant épargnés par ces émeutes. Qi Zhala, Secrétaire du Parti à Lhassa appelle les garnisons à la mobilisation contre l’« agression des milieux du Dalaï-Lama ». Il officialise l’obligation à tous Tibétains (appliquée en fait depuis les émeutes de 2008) de présenter leurs papiers pour passer au «Toit du Monde» – une mesure qui durera au-delà du Losar, Nouvel An tibétain (22/02) jusqu’en mars, anniversaire du 14/03.

La plus rude mesure, la campagne des « neuf indispensables » impose à tout monastère, école et autre communauté de posséder un poster à l’effigie des 4 leaders depuis 1949 (Mao, Deng, Jiang, Hu), un drapeau national, une route d’accès, l’eau, l’électricité, radio et TV, un projecteur de films, une bibliothèque et deux quotidiens officiels. Début janvier, le seul Tibet avait reçu plus de 2 millions de ces posters et étendards (1 pour 2 habitants). Fait frappant, cette campagne datait de début décembre, bien avant les émeutes. N’a-t-elle pas, s’ajoutant aux rigueurs de l’hiver et à l’inflation alimentaire, contribué à leur éclatement, en poussant à bout les foules brimées? L’accusation d’une préméditation guidée depuis Dharamsala ne peut être écartée pour autant, mais malgré tout improbable, vu les dérapages violents que le pontife de l’église lamaïste n’aurait en aucun cas pu cautionner, sauf à abjurer sa propre règle et foi.

Au même moment, la presse égrène des mesures en faveur des Tibétains : sécurité sociale gratuite aux moines, opérations à 19 enfants atteints de malformation cardiaque. Mais par leur aspect anecdotique, de telles actions ne touchent pas au fond du contentieux : la demande d’autonomie religieuse de la minorité ethnique, qui avait été promise le 29/05/80 par le 1er secrétaire Hu Yaobang, puis abjurée 10 ans après.

On croit assister à un tournant. Une population désespérée ne se retient plus. Au Tibet formel, comme dans ses périphéries, elle s’enflamme. Depuis 20 ans, Pékin mise implicitement sur la fin du Dalaï Lama pour voir s’éteindre toute résistance, et attribue les escarmouches régulières aux menées des milieux exilés. Mais ce qui commence à apparaître, est l’image inverse : par son aura et la règle qu’il incarne, le pape lamaïste parvient (encore) à maintenir une paix parmi son peuple. Mais elle se fissure. Si la Chine laisse s’éteindre le prélat en exil sans avoir atteint avec lui une forme de deal, prédit R. Barnett, expert mondial de cette région (Columbia University, NY), « il faudra 50 ans pour rétablir la confiance » – durant lesquels le Tibet sera ingérable.


Petit Peuple : Jinhua – la banquière grise joue sa vie

La roue tourne, droit vers l’abîme pour Wu Ying, la banquière grise. Jolie, volontaire, la fille de Jinhua (Zhejiang) était pourtant bien partie, reprenant en 2003, à 23 ans, le salon de coiffure de sa tante, et manifestant tôt des dons pour la finance. En coiffant, elle faisait des prêts, mille fois plus lucratifs que ses shampoings et mises en plis. Elle boursicotait aussi. Dès février 2006, une martingale sur le cuivre lui permettait de racheter toute la grand-rue de sa ville, cent commerces rachetés à la pelle. Dans son parcours du combattant capitaliste, elle créait aussi sa holding Bense, qui faisait retenir son souffle à la finance de tout le pays. Sa main d’or attirait les épargnants de toute sorte. En 22 mois, elle prenait en dépôt 770M¥ (118M$).

Mais c’était oublier qu’en Chine, crédit gris et banque au noir sont un délit.

Or son flair ne parvenait pas toujours à pallier son absence de formation, de métier. L’ivresse du succès aussi, était mauvaise conseillère, tout comme ses douteux amis. Dès 2005, son déficit s’élevait à 14 millions de ¥, la forçant à décaisser l’argent des épargnants sans le faire fructifier, à seule fin d’honorer ses traites ; de rééchelonner la dette à taux ruineux, et d’enrager les actionnaires. En novembre 2006, un gang de créanciers la kidnappa et séquestra huit jours, temps de la dépouiller de dizaines de millions de ¥ en cash, bijoux, cartes de crédits, titres de propriétés et lettres en blanc qu’ils utiliseraient ensuite pour la spolier à distance.

C’était le début de la fin. Par bouche à oreille, la rumeur fit une traînée de poudre dans le monde des prêteurs, qui lui fermèrent leur bourse. Les défauts de paiement s’accélérèrent. En février 2007, Wu Ying était derrière les barreaux pour faillite frauduleuse. Au début, son cas semblait valoir au pire 15 ans de prison. Mais bientôt vint la tempête : des rumeurs de détournements de fonds publics, passibles de la peine de mort !

Et là, devant les juges, la jeune femme commit sa seconde erreur : encore dans les limbes de sa gloire, se croyant toujours membre du club des riches, donc intouchable, elle nia tout en bloc, usure comme gabegie :: « son» argent lui venait d’« amis consentants ». Le résultat de cette défense intenable apparut deux ans plus tard lors du verdict : la peine capitale.

Ce coup l’ébranla, la fit réfléchir. Changeant de défense en appel, elle admit la « collecte de fonds publics » passible de 10 ans. Mais passant d’un extrême à l’autre, elle qui jusqu’alors restait muette comme une huitre, dénonça 17 cadres, ses clients, qui furent épinglés et condamnés. Ce faisant, elle avait voulu avertir en douceur ses puissants protecteurs et les convaincre de la tirer d’ennuis, faute de quoi elle se ferait bavarde. Mais elle n’obtint que l’effet inverse. Ses parents témoignent que les coupables effrayés se mirent à assiéger, bombarder le juge d’enveloppes rouges matelassées de gros billets, «petit cadeaux de Chunjie», pour l’inciter à expédier la fille vers le monde du silence tant que pouvait encore se faire.

Aussi le 18/01 sans surprise, le magistrat confirma la peine capitale. D’autant plus volontiers qu’en même temps Pékin lançait des consignes sévère contre ce crédit illégal qui gonflait à l’excès, atteignant 13MM² de janv. à sept 2011 dans la seule ville de Wenzhou. Dans les attendus du verdict, le magistrat cita des taux usuraires de 80%/an ou 5%/jour, qui établissaient «l’intention délictueuse de ne jamais vouloir rembourser ces fonds, propriété du peuple». Implicitement, on occirait la banquière anarchiste pour l’exemple : pour 杀鸡给猴看shājī gěi hóu kàn , « tuer le coq pour effrayer le singe ».

Mais voilà que par dizaines de milliers, les internautes s’agitent pour Wu Ying, leur «Robin des Bois» qui volait au poulailler de la finance socialiste et au secours des PME, qu’elle renflouait avec le crédit que les banques leur refusaient. Ils s’en prennent aussi à la liste Hurun des milliardaires de l’année. L’identifier comme 6ème plus riche Chinoise de 2006, lui aurait donné le baiser de la mort. Ils accusent enfin un establishment d’hommes de l’avoir abattue parce qu’elle était une femme- n’ayant jamais admis que le sexe « faible » puisse réussir mieux qu’eux.

Désormais la vie de la petite financière ne tient qu’à un fil. Sa seule chance : que les cris des supporters gonflent après les fêtes de Chunjie, au point de devenir un fleuve d’accusations contre la politique du crédit élitaire. Sinon, adieu Wu Ying !


Rendez-vous : Canton, Salon des accessoires automobiles
Canton, Salon des accessoires automobiles

6 – 8 février Pékin : China Fish, Salon int’l des équipements de pêche sportive

10 – 12 février, Canton : Salon international des accessoires automobiles

10 – 13 février, Shenzhen : Salon du bijou et pierres précieuses

14 février, visite de Xi Jinping aux Etats-Unis—40 anniversaire de la visite du Président Nixon en Chine (21 février 1972)