A la loupe : Portrait : L’ascension brisée du seigneur Bo Xilai

Bo Xilai avait pourtant tout pour réussir.
Né en 1949, comme la RP Chine, il avait pour père Bo Yibo, un des plus illustres témoins de la Longue Marche, puis un des 8 « immortels » compagnons de Deng. Durant la Révo’ culturelle, il prouva que l’appareil comptait le plus pour lui, en rossant son père à son procès public (3 côtes brisées). Paysan à 19 ans, ouvrier à 23, il entre au PCC à 31 ans – un peu tard cependant, peut-être faute d’avoir déjà réussi à convaincre tout le monde. 

Ses études de journalisme ne sont pas non plus dans la droite ligne. Heureusement son père réhabilité est là pour le propulser : en 1982 au Secrétariat général du Comité Central (1982), en 1984 au Liaoning. A Dalian en 1987, il déploie un talent pour attirer capitaux coréens, et savoir-faire nippon. 20 ans après, il en devient gouverneur.

Là, il rencontre N. Heywood, jeune prof d’anglais aux dents longues, qui l’aide à placer son fils Bo Guagua à l’école londonienne de Harrow. La vie est belle dans son compound militaire avec vue sur la mer Jaune. Gu Kailai, sa femme avocate fournit aux entreprises locales et étrangères des « conseils immobiliers » contre de vertigineux cachets qui couvrent, dit la rumeur, l’octroi des meilleurs terrains de la ville. Dès les années ‘90, le couple accumule une fortune dans la pierre, de Pékin à Londres. 

Dans les media, Bo reste un homme intègre menant « une vie simple ». Son look alterne sourires charmeurs, décontraction et costume élégant. Mais derrière les volets, on le dit buveur et amateur de prostituées. Une « Bo’s touch » composite donc, qui tranche avec le style compassé du Parti, et qui ne plait pas à tous.

Avec le décollage du Liaoning, sa carrière s’accélère : au Comité Central dès 2002 (à 53 ans), au Politburo à 58 ans, puis ministre du Commerce en 2004. En 2007, il est Secrétaire à Chongqing. En fait, c’est un moyen pour retarder la promotion suprême, et tester ses capacités sur la métropole la plus grande (33 millions d’âmes) et la plus pauvre. 

Il en fera son tremplin, par trois politiques-choc : 
– la lutte anti-triades,
– un délirant plan d’infrastructures (100 milliards de $ d’investissements en 2011) et
– une campagne maostalgique de chants révolutionnaires (2011). N’ayant pas pu convaincre en « jeune 1er » américain, Bo s’est fait héraut de la « nouvelle gauche », coalition de jeunes et vieux admirateurs du Timonier, de déçus des nouvelles règles du jeu économique, et de citoyens inquiets des écarts de richesse et d’une dérive vers l’Occident.

Au faîte de sa gloire, il est l’auteur acclamé d’un « modèle de Chongqing », basé sur l’industrie géante, les HLM, et l’intégration accélérée de 3 millions de migrants. Un système volontariste et peu respectueux des lois cependant, et sous lequel se multiplient vols des possédants privés, torture et abus de pouvoir. Cette fois, pense-t-il, sa place au Comité Permanent ne peut lui échapper. C’est oublier qu’il a beaucoup d’ennemis : quand est dévoilé le meurtre de Heywood par Gu Kailai, Bo est d’abord protégé par l’appareil, mais au final, même Jiang Zemin, son soutien de toujours, irrité par ses intrigues, finit par le lâcher. 

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