Editorial : Les premiers pas de Xi Jinping III

Les premiers pas de Xi Jinping III

A peine adoubé dans son troisième quinquennat, le Premier secrétaire du PCC, Xi Jinping, entame un agenda dense, manifestement concocté depuis des mois. 

L’« élection » du leader et des organes de direction eut lieu le 22 octobre. Quelques jours seulement ont suffi pour voir la première action du quinquennat, aux accents éminemment symboliques. Ainsi, le 27 octobre, avec les six autres membres de son nouveau Comité Permanent (alliés d’une loyauté indiscutable), Xi voyageait à Yan’an (Shaanxi), au « saint des saints » de la révolution chinoise.

Cette escapade touristique était là pour rappeler au peuple la prééminence de l’idéologie sous Xi Jinping. Yan’an est le site de la base de Mao, de 1937 à 1947, où il avait imposé la stalinienne dictature du prolétariat. Ce pèlerinage faisait pendant à deux autres, effectués en début de chacune de ses législatures : en 2012, à Pékin (à l’exposition du « rajeunissement national »), puis en 2017, à Shanghai (au siège du premier congrès clandestin du Parti). 

En l’occurrence, le voyage servait aussi à remémorer le recentrage maoïste opéré par Xi depuis 2012, après 30 ans d’une gouvernance plus libérale inspirée de Deng Xiaoping. A Yan’an, Xi devait rappeler « qu’à travers le mouvement de rectification de Yan’an, le Parti s’était uni sous la bannière de Mao, réalisant une unité sans précédent ». C’était un avertissement aux critiques qu’il venait d’essuyer au sein du Parti, de la part des militants inquiets d’une possible dérive totalitaire. Pour Bill Bishop, l’analyste américain, « un des messages de Xi (à ses objecteurs) semble être de se préparer à des temps difficiles, et à la lutte ».

A Yan’an, Xi Jinping cependant avait un autre souvenir en tête : celui de son père Xi Zhongxun qui avait conquis la zone par les armes et créé à Yan’an sa « base révolutionnaire du Nord-Ouest », gagnant ainsi ses galons historiques. Pour Xi Jinping, ce voyage mettait donc en valeur sa propre légitimité, en tant que fils de héros révolutionnaire, et en tant qu’ancien « jeune instruit » ayant vécu de 13 à 18 ans à Liangjiahe, en pleine « Terre Jaune » à quelques dizaines de kilomètres de là. De l’aveu de Xi lui-même, ce séjour aurait forgé son identité de communiste aux reins d’acier. Toute cette symbolique a bien sûr été mise en scène durant son voyage : à Yan’an, la visite dans un verger chargé de pommes écarlates (cf photo) fait allusion transparente à la récolte de fruits socialistes que le régime s’apprête à engranger après 73 ans de leadership.

En même temps, Xi a procédé à une série de chaises musicales de ses proches, à des postes clés. Le ministre de la Sécurité d’Etat Chen Wenqing entre au Politburo (c’est le 1er policier à obtenir une telle élévation), et va diriger la Commission Centrale des Affaires Politiques et Légales. Il est remplacé au ministère par Chen YixinChen Jining, maire de Pékin, devient secrétaire du Parti à Shanghai, à la place de Li Qiang, qui devrait devenir Premier ministre, en mars prochain. La mairie de la capitale reviendra à Yin Yong, jusqu’alors vice-maire et secrétaire du Parti. Le patron de la propagande Huang Kunming hérite du Guangdong. Il est remplacé par Li Shulei, 58 ans, qui prend au passage un siège au Politburo. Enfin Qin Gang, l’incendiaire « loup combattant » à la tête de l’ambassade chinoise à Washington, monte au Comité Central, un marchepied pour devenir ministre des Affaires étrangères l’an prochain. Qin Gang passe pour n’avoir aucune expérience en relations internationales, mais d’une fidélité et des relations des plus étroites avec Xi. Ce qui promet, si la prédiction se réalise, des jours difficiles pour les rapports avec les pays que Xi souhaite ouvertement « remettre à leur place ». 

Puis Xi Jinping reprit l’agenda des visites internationales qui rouvrent un carrousel mis en veilleuse le temps du Congrès. Le 1er novembre, Nguyen Phu Trong, secrétaire du Parti vietnamien, est reçu en grande pompe, avec 21 coups de canon. Xi désire renforcer les contacts économiques avec ce petit voisin « frère socialiste », y amenuiser tant que faire se peut l’influence occidentale, et lui faire oublier l’empiètement chinois sur ses eaux territoriales, et les archipels des Paracels et Spratley. 

Le 2 novembre, Xi recevait le Premier ministre du PakistanShahbaz Sharif, le pays le plus « gâté » par la Belt and Road Initiative (BRI), avec la construction d’un « corridor économique » nord-sud, ponctué d’infrastructures pour un total de 62 milliards de $. Les deux hommes ont discuté de la dette pakistanaise liée à ces travaux, de leur reprise « accélérée », et de la sécurité des personnels chinois – en butte à la violence au Baloutchistan, au sud du pays. Les deux leaders ont aussi discuté d’investissements communs en Afghanistan, comme manière de stabiliser ce pays, sous contrôle des Talibans, isolé et au bord de la faillite. 

Enfin et surtout, Xi rencontrait vendredi 4 novembre le chancelier allemand Olaf Scholz qui lui apporte un cadeau inespéré en validant, contre l’avis de six de ses ministres et l’ensemble des pays alliés, le rachat par l’armateur chinois COSCO de 24,9% d’un terminal au port de Hambourg. Ancien maire de cette ville hanséatique, Scholz, avec cette décision contestée, s’est mis à dos bon nombre de pays alliés, dont les Etats-Unis et la France, ainsi que le FDP, le partenaire minoritaire dans sa coalition. Sa visite exprime l’espoir d’une reprise économique chinoise déjà perceptible (+3,4% au 3ème trimestre), dont l’Allemagne bénéficierait et qui lui permettrait de prolonger son modèle basé sur l’export haut de gamme. Scholz en tout cas, offre ainsi à Xi, sans contrepartie, un autre cadeau précieux : le fait de briser l’encerclement international que Joe Biden rêvait de lui faire subir ! 

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1 Commentaire
  1. severy

    Scholz n’a guère les capacités intellectuelles pour comprendre la stratégie à long terme de la Chine et ne voit, comme les Occidentaux dans les années 80 et 90, que les perspectives d’enrichissement à court terme de son pays. Il ferait bien de se rappeler que Eindracht macht Stark, qui devrait être la devise de l’Union européenne.

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