Politique : Le XXème Congrès en 10 questions

Le XXème Congrès en 10 questions

Quels sont les grands enjeux du XXème Congrès du Parti, qui s’est ouvert ce dimanche 16 octobre ? Quels sont les personnages à suivre ? Les slogans politiques à attendre ? Le Vent de la Chine vous propose un petit tour d’horizon en dix questions afin d’y voir plus clair. 

  1. L’idéologie de Xi Jinping sera-t-elle élevée au rang de celle de Mao ?

Il y a cinq ans, Xi Jinping réussissait le tour de force de faire inscrire sa doctrine éponyme, « la pensée de Xi Jinping sur le socialisme aux caractéristiques chinoises pour la nouvelle ère » à la Constitution du Parti, chose que n’avait pas réussi à faire ses deux prédécesseurs, Hu Jintao et Jiang Zemin.

Cette fois, Xi Jinping pourrait forcer son entrée au Panthéon du PCC en faisant raccourcir la dénomination de son idéologie, de manière à lui donner un poids égal à « la pensée » de Mao et à surpasser « la théorie » de Deng Xiaoping.

En parallèle, le Secrétaire général pourrait également chercher à enchâsser dans la charte du Parti la théorie des « deux établissements » (ou « deux affirmations »), qui renforce sa position de « noyau » du Parti et le rôle directeur de sa « pensée » – une manière de garantir son héritage face à ses successeurs.

Si Xi Jinping réussit, cela signifiera qu’à l’heure actuelle, les autres dirigeants et factions politiques ne jouissent pas d’une influence suffisante pour l’empêcher d’asseoir son pouvoir. À l’inverse, s’il n’arrive pas à faire raccourcir le nom de sa doctrine, cela pourrait être interprété comme le signe d’un certain niveau de résistance au sein du Parti, ou du moins de la nécessité de trouver des compromis avec certains groupes politiques.

  1. Xi Jinping va-t-il obtenir un nouveau titre honorifique ?

Ces trois dernières années, la presse officielle a sporadiquement employé différents termes pour faire référence à Xi Jinping, laissant entrevoir qu’il pourrait obtenir un nouveau titre honorifique. Celui de « leader du peuple » (人民领袖) a longtemps été évoqué, mais aujourd’hui, la propagande semble davantage mettre en avant le terme de « navigateur » (领航), version revisitée du titre de « timonier » (舵手) accordé à Mao.

  1. Xi Jinping va-t-il conserver ses trois postes actuels ? Le statut de Président du Parti sera-t-il ressuscité ?

À ce jour, Xi Jinping détient trois postes, celui de Secrétaire général du Parti, celui de Président de la Commission Militaire Centrale (CMC) et enfin celui de Président de la République Populaire de Chine (RPC). Depuis 1993, il est de coutume que chaque nouveau dirigeant obtienne ces trois postes en même tempsquoique Jiang Zemin ait renâclé pendant près de deux ans (2002-2004) à céder celui de Président de la CMC à son successeur Hu Jintao. Aujourd’hui, il est quasi acquis que Xi Jinping conserve ces trois postes pour son troisième quinquennat.

Certains analystes prédisent même que Xi pourrait bien exhumer le titre de « Président du Parti » créé pour Mao en 1945 et aboli par Deng en 1982 pour redonner la prééminence au rôle de « Secrétaire général du Parti ». Ce scénario présenterait l’avantage pour Xi Jinping de lui permettre de superviser sa propre succession en abandonnant progressivement certains de ses trois postes. En effet, le dirigeant refuse que ses prédécesseurs choisissent son successeur et mettent ainsi en péril son héritage. Xi Jinping, qui connaît l’histoire du Parti mieux que personne, veut également éviter que son propre poulain soit évincé, comme Hua Guofeng – protégé de Mao – l’avait été… L’hypothèse de la résurrection du titre de Président du Parti est néanmoins jugée peu probable actuellement (voir question n°4 ci-dessous).

  1. Un successeur sera-t-il nommé ?

C’est l’une des grandes questions de ce XXème Congrès. En omettant de désigner un successeur lors du XIXème Congrès en 2017, Xi Jinping a repoussé cette question à plus tard. Si le leader envisage de ne faire qu’un mandat supplémentaire jusqu’en 2027, la tradition voudrait qu’il intègre dès maintenant un successeur au Comité Permanent. Cependant, les experts s’accordent à dire qu’une telle nomination est peu probable puisqu’elle créerait un centre de pouvoir alternatif à celui de Xi Jinping, ce qui serait susceptible d’affaiblir sa propre autorité. Si aucun successeur n’est nommé, cela signifierait que Xi envisage de se maintenir au pouvoir jusqu’en 2032.

  1. La taille du Comité Permanent restera-t-elle la même ?

Véritable pinacle du pouvoir, la taille de cet organe suprême n’est pas immuable. Actuellement constitué de sept membres, il en comptait neuf sous l’ère de Hu Jintao (2002-2012), mais seulement cinq durant les années 80. La plupart des analystes considèrent qu’un Comité Permanent élargi est synonyme de davantage de collégialité dans les décisions. Au contraire, un Comité Permanent restreint indiquerait une plus grande concentration des pouvoirs aux mains du Secrétaire général du Parti. Cette interprétation dépend bien sûr de l’influence de ce dernier et des différentes factions politiques représentées. Par exemple, si Xi Jinping arrive à s’entourer de ses fidèles au Comité Permanent, le degré d’opposition qu’il rencontrera sera négligeable, qu’ils soient 4 ou 8. À l’inverse, la présence de personnalités issues de différents groupes politiques n’est pas forcément synonyme d’opposition ouverte, comme l’ont prouvé les mandats de Li Keqiang et de Wang Yang, tous deux associés à la faction de la  « Ligue de la jeunesse ». Au final, la plupart des observateurs s’accordent à dire que la taille du Comité Permanent devrait rester la même, sauf si la question de la nomination d’un successeur entre en ligne de compte dès le XXème Congrès.

  1. Quelles seront les factions politiques représentées au sein du pinacle du pouvoir ?

Les experts s’attendent à ce que Xi Jinping obtienne une majorité encore plus écrasante qu’il y a cinq ans au sein du Politburo : 90% d’alliés ou de « ralliés » contre seulement 70% auparavant. Il faut donc s’attendre à une surreprésentation au sein de l’organe dirigeant de cadres ayant croisé Xi Jinping à l’université Tsinghua, lorsqu’il était en poste à Shanghai, dans le Hebei, le Zhejiang, au Fujian, de dirigeants originaires du Shaanxi ou de membres du « club de l’aérospatiale » ayant connu une ascension fulgurante depuis l’arrivée au pouvoir du leader.

À l’inverse, la présence de membres de la faction de la « Ligue de la Jeunesse » pourrait bien se résumer à Li Keqiang, Wang Yang, Hu Chunhua et éventuellement à la vice-présidente du Comité Permanent de l’Assemblée Nationale Populaire, Shen Yueyue (cf photo), si elle vient à remplacer la vice-première ministre Sun Chunlan, tandis que les membres du « gang de Shanghai » de l’ex-Président Jiang Zemin pourraient bien ne plus être présents du tout au Politburo si Han Zheng est remercié.

  1. La limite d’âge officielle pour les hauts dirigeants sera-t-elle respectée ?

Si la limite d’âge officielle de 68 ans est respectée, 2 des 7 membres du Comité Permanent (Li Zhanshu et Han Zheng) sont censés prendre leur retraite. Au niveau du Politburo, c’est 9 dirigeants sur 18 (Wang Chen, Chen Xi, Wang Xiaodu, Liu He, Sun Chunlan, Yang Jiechi, Guo Shengkun, Zhang Youxia et Xu Qiliang) qui sont concernés. Il faut rappeler que cette règle est relativement nouvelle (2002) et que Xi Jinping n’a pas hésité à en faire fi pour lui-même et certains de ses alliés promis à la retraite de par le passé. Cependant, dans la configuration actuelle, le leader aurait tout intérêt à la respecter de manière à « faire de la place » au Comité Permanent pour un maximum de ses poulains.

La grande question tourne plutôt autour de ceux n’ayant pas encore été frappés par la limite d’âge, à savoir Li Keqiang (67 ans), Wang Yang (67 ans), Zhao Leji (65 ans) et Wang Huning (67 ans). Vont-ils obtenir un autre mandat au Saint des Saints ? Reconduire uniquement certains d’entre eux pourrait susciter le mécontentement de ceux qui sont remerciés. À l’inverse, tous les maintenir en poste pourrait bloquer l’ascension de leaders de la « 6ème génération » (nés en 1960), coincés au Politburo. Il se pourrait également que les six membres actuels du Comité Permanent soient tous remplacés. Tous les scénarios sont envisageables à ce stade.

  1. Qui sera le nouveau Premier ministre ?

Li Keqiang a déjà annoncé lors de la dernière session du Parlement en mars dernier qu’il cédera sa place en tant que patron du Conseil d’État. Même si Li Keqiang est en théorie assez jeune (67 ans) pour prétendre à un troisième mandat au Comité Permanent, la Constitution de la RPC exige que le Premier ministre ne reste en place que pour deux termes consécutifs. Cela ne laisse que trois possibilités d’avenir pour Li :

–        il devient le patron de l’Assemblée Nationale Populaire (ANP), muté au poste de n°3 du Parti (comme Li Peng en 1998) ;

–        il assume la présidence de la Conférence Consultative Politique du Peuple Chinois (CCPPC), relégué au rang de n°4 du Parti ;

–        il part à la retraite – l’hypothèse préférée des observateurs et peut-être celle de Li Keqiang lui-même, après 10 ans passés dans l’ombre de Xi Jinping.

Pour le remplacer, plusieurs prétendants se profilent (cités par ordre de probabilité) : Wang Yang, l’actuel n°4 avec une expérience longue comme le bras, éligible pour un seul mandat seulement ce qui est un avantage aux yeux de Xi Jinping ; Hu Chunhua, vice-premier ministre fort de deux mandats au Politburo, mais dont la relative jeunesse pourrait déplaire à Xi ; Li Qiang, secrétaire du Parti de Shanghai et proche allié de Xi ; et Han Zheng, le n°7 du Parti, poids lourd de l’exécutif, qualifié d’outsider puisqu’il est censé prendre sa retraite.

Étant donné que ni Wang Yang ni Hu Chunhua ne sont directement associés à Xi Jinping, ils pourraient être plus susceptibles d’exprimer des vues divergentes, même si leur base arrière, la « Ligue de la Jeunesse », n’est plus que l’ombre d’elle-même… À l’inverse, si Xi Jinping arrive à propulser Li Qiang (ou un autre de ses alliés) au poste de Premier ministre au détriment de ces deux solides concurrents, ce sera le signal le plus clair que le leader a les mains libres pour faire ce qu’il désire.

  1. Quid du vice-premier ministre en charge des finances ? 

Proche conseiller de Xi Jinping et « tsar de l’économie », Liu He devrait tirer sa révérence en tant que vice-premier en charge des finances. Trois hommes sont sur les rangs pour le remplacer : He Lifeng, président de l’organe de planification de l’économie (NDRC) et proche de Xi Jinping ; Guo Shuqing, président de la tutelle des banques et des assurances (CBIRC) ; et Xiao Jie, secrétaire général au Conseil d’État, politiquement associé à Li Keqiang.

Le grand favori est bien sûr He Lifeng (cf photo) étant donné sa proximité avec Xi Jinping. Si He obtient le poste, il devrait s’attacher à réaliser la vision économique de Xi (plus grande intervention de l’État dans des secteurs stratégiques, contrôle plus étroit des entreprises privées, mise en pratique du concept de « prospérité commune »…). Les deux autres candidats seraient plus enclins à plaider pour des réformes plus libérales.

  1. Et enfin, qui sera le prochain vice-président de la RPC ?

En l’absence de désignation d’un successeur qui occupe traditionnellemnt ce poste, il faudra bien remplacer le vice-président sortant, Wang Qishan (74 ans), qui sera d’ailleurs probablement absent pour le Congrès, à peine de retour d’un voyage officiel au Kazakhstan. Plusieurs candidats se démarquent et serviraient des objectifs bien différents aux yeux de Xi Jinping : obtenir certaines concessions d’autres groupes politiques en nommant Li Keqiang ou Han Zheng ; ou s’assurer que sa vision soit fidèlement représentée à l’international en nommant ses alliés Li Zhanshu ou Liu He. L’heureux élu sera intronisé lors de la prochaine session du Parlement en mars 2023.

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