Le Vent de la Chine Numéro 35 (2022) – Spécial XXème Congrès

du 16 au 22 octobre 2022

Editorial : Un XXème Congrès entre rupture et continuité
Un XXème Congrès entre rupture et continuité

Les compositions florales le long des grands axes de la capitale et une forte présence policière à chaque carrefour ne laissent que peu de place au doute : le XXème Congrès du Parti, grand-messe de la politique chinoise, a enfin débuté le 16 octobre à Pékin.

Même si cet événement a lieu tous les cinq ans, cette XXème édition s’annonce unique sous plusieurs aspects. Ce Congrès sera à la fois celui de la rupture (des règles de succession) et de la continuité (du leadership de Xi Jinping et de ses politiques), et oscillera entre le prévisible (le statut de Xi en sortira renforcé) et l’imprévisible (la composition du nouveau leadership, qui sera dévoilée le lendemain de la clôture de l’évènement, le 22 octobre). Signe que le dirigeant a la situation bien en main, rien n’a filtré sur ces nominations et aucun leader ne s’est aventuré à un « chant du cygne » pour exprimer son éventuelle désapprobation.

Seul un quidam a osé accrocher, 48h avant l’ouverture du Congrès, des calicots rouges sur le pont Sitong (Haidian) à Pékin, réclamant notamment la destitution de Xi Jinping. « Pas de tests Covid, mais de la nourriture. Pas de Révolution culturelle, mais des réformes. Pas de confinement, mais de la liberté. Pas de dirigeants, mais le droit de vote. Pas de mensonge, mais de la dignité. Je ne veux pas être un esclave, mais un citoyen », pouvait-on lire sur l’une des banderoles, rapidement décrochées par les forces de l’ordre….

Ce geste de défiance isolé n’a naturellement pas suffi à venir troubler l’un des moments forts du Congrès du Parti, à savoir le discours d’ouverture de son Secrétaire général. C’est à cette occasion que le leader dévoile les grandes lignes de son programme politique pour les cinq prochaines années et « au-delà ».

Durant son intervention abrégée à 1h40 (deux fois moins longue qu’il y a cinq ans), Xi Jinping s’est livré à un autosatisfecit en passant en revue la lutte contre la corruption, l’éradication de la grande pauvreté ou encore la reprise en main de Hong Kong, passé « du chaos à la gouvernance »…

Le leader a également fermement défendu sa politique « zéro Covid » devant un parterre de 2 300 délégués rassemblés dans l’immense Palais du Peuple et tous masqués, à l’exception du premier rang réservé aux hauts dignitaires du Parti. « Nous avons protégé les vies et la santé du peuple chinois et avons atteint des résultats significatifs en matière de prévention épidémique », a jugé Xi Jinping. Ce n’est pas exactement une surprise : les jours précédents, la presse officielle avait affirmé à plusieurs reprises que la stratégie « zéro Covid » était la seule option possible pour le pays d’1,4 milliard d’habitants.

Au plan idéologique, aucun des concepts mis en avant par Xi Jinping durant ses deux quinquennats n’ont manqué à l’appel : les « nouvelles routes la soie » (BRI), la « sécurité nationale », la « civilisation écologique », la « communauté de destin partagée pour l’humanité », le principe « d’auto-suffisance », la « circulation duale », la « prospérité commune » … Tous ont eu droit de cité, énième signe s’il en fallait, que le « nouveau timonier » est fermement aux commandes du Parti.

Alors que Xi Jinping a réitéré son objectif de faire de la Chine une grande nation « socialiste moderne » à horizon 2049, date du centenaire de la République Populaire de Chine, le leader a réaffirmé son désir de réunification avec Taïwan, si besoin par la force. « Nous œuvrerons avec la plus grande sincérité pour une réunification pacifique avec Taïwan, mais nous ne renoncerons jamais à avoir recours à la force », a-t-il déclaré. Mettant en garde contre « toute ingérence étrangère » (lire entre les lignes, « américaine »), le leader a précisé que « la résolution de la question de Taïwan est l’affaire seule du peuple chinois ». « La réunification de la patrie doit être et sera réalisée », a-t-il martelé sous une salve d’applaudissements savamment orchestrée. On est donc bien loin de la branche d’olivier tendue aux « compatriotes taïwanais » cinq ans plus tôt…

Enfin, s’adressant aux investisseurs étrangers, le leader s’est contenté de leur promettre « un haut niveau d’ouverture de la Chine sur le reste du monde ». Mais pour convaincre, il faudra joindre les actes à la parole.


Politique : Le XXème Congrès en 10 questions
Le XXème Congrès en 10 questions

Quels sont les grands enjeux du XXème Congrès du Parti, qui s’est ouvert ce dimanche 16 octobre ? Quels sont les personnages à suivre ? Les slogans politiques à attendre ? Le Vent de la Chine vous propose un petit tour d’horizon en dix questions afin d’y voir plus clair. 

  1. L’idéologie de Xi Jinping sera-t-elle élevée au rang de celle de Mao ?

Il y a cinq ans, Xi Jinping réussissait le tour de force de faire inscrire sa doctrine éponyme, « la pensée de Xi Jinping sur le socialisme aux caractéristiques chinoises pour la nouvelle ère » à la Constitution du Parti, chose que n’avait pas réussi à faire ses deux prédécesseurs, Hu Jintao et Jiang Zemin.

Cette fois, Xi Jinping pourrait forcer son entrée au Panthéon du PCC en faisant raccourcir la dénomination de son idéologie, de manière à lui donner un poids égal à « la pensée » de Mao et à surpasser « la théorie » de Deng Xiaoping.

En parallèle, le Secrétaire général pourrait également chercher à enchâsser dans la charte du Parti la théorie des « deux établissements » (ou « deux affirmations »), qui renforce sa position de « noyau » du Parti et le rôle directeur de sa « pensée » – une manière de garantir son héritage face à ses successeurs.

Si Xi Jinping réussit, cela signifiera qu’à l’heure actuelle, les autres dirigeants et factions politiques ne jouissent pas d’une influence suffisante pour l’empêcher d’asseoir son pouvoir. À l’inverse, s’il n’arrive pas à faire raccourcir le nom de sa doctrine, cela pourrait être interprété comme le signe d’un certain niveau de résistance au sein du Parti, ou du moins de la nécessité de trouver des compromis avec certains groupes politiques.

  1. Xi Jinping va-t-il obtenir un nouveau titre honorifique ?

Ces trois dernières années, la presse officielle a sporadiquement employé différents termes pour faire référence à Xi Jinping, laissant entrevoir qu’il pourrait obtenir un nouveau titre honorifique. Celui de « leader du peuple » (人民领袖) a longtemps été évoqué, mais aujourd’hui, la propagande semble davantage mettre en avant le terme de « navigateur » (领航), version revisitée du titre de « timonier » (舵手) accordé à Mao.

  1. Xi Jinping va-t-il conserver ses trois postes actuels ? Le statut de Président du Parti sera-t-il ressuscité ?

À ce jour, Xi Jinping détient trois postes, celui de Secrétaire général du Parti, celui de Président de la Commission Militaire Centrale (CMC) et enfin celui de Président de la République Populaire de Chine (RPC). Depuis 1993, il est de coutume que chaque nouveau dirigeant obtienne ces trois postes en même tempsquoique Jiang Zemin ait renâclé pendant près de deux ans (2002-2004) à céder celui de Président de la CMC à son successeur Hu Jintao. Aujourd’hui, il est quasi acquis que Xi Jinping conserve ces trois postes pour son troisième quinquennat.

Certains analystes prédisent même que Xi pourrait bien exhumer le titre de « Président du Parti » créé pour Mao en 1945 et aboli par Deng en 1982 pour redonner la prééminence au rôle de « Secrétaire général du Parti ». Ce scénario présenterait l’avantage pour Xi Jinping de lui permettre de superviser sa propre succession en abandonnant progressivement certains de ses trois postes. En effet, le dirigeant refuse que ses prédécesseurs choisissent son successeur et mettent ainsi en péril son héritage. Xi Jinping, qui connaît l’histoire du Parti mieux que personne, veut également éviter que son propre poulain soit évincé, comme Hua Guofeng – protégé de Mao – l’avait été… L’hypothèse de la résurrection du titre de Président du Parti est néanmoins jugée peu probable actuellement (voir question n°4 ci-dessous).

  1. Un successeur sera-t-il nommé ?

C’est l’une des grandes questions de ce XXème Congrès. En omettant de désigner un successeur lors du XIXème Congrès en 2017, Xi Jinping a repoussé cette question à plus tard. Si le leader envisage de ne faire qu’un mandat supplémentaire jusqu’en 2027, la tradition voudrait qu’il intègre dès maintenant un successeur au Comité Permanent. Cependant, les experts s’accordent à dire qu’une telle nomination est peu probable puisqu’elle créerait un centre de pouvoir alternatif à celui de Xi Jinping, ce qui serait susceptible d’affaiblir sa propre autorité. Si aucun successeur n’est nommé, cela signifierait que Xi envisage de se maintenir au pouvoir jusqu’en 2032.

  1. La taille du Comité Permanent restera-t-elle la même ?

Véritable pinacle du pouvoir, la taille de cet organe suprême n’est pas immuable. Actuellement constitué de sept membres, il en comptait neuf sous l’ère de Hu Jintao (2002-2012), mais seulement cinq durant les années 80. La plupart des analystes considèrent qu’un Comité Permanent élargi est synonyme de davantage de collégialité dans les décisions. Au contraire, un Comité Permanent restreint indiquerait une plus grande concentration des pouvoirs aux mains du Secrétaire général du Parti. Cette interprétation dépend bien sûr de l’influence de ce dernier et des différentes factions politiques représentées. Par exemple, si Xi Jinping arrive à s’entourer de ses fidèles au Comité Permanent, le degré d’opposition qu’il rencontrera sera négligeable, qu’ils soient 4 ou 8. À l’inverse, la présence de personnalités issues de différents groupes politiques n’est pas forcément synonyme d’opposition ouverte, comme l’ont prouvé les mandats de Li Keqiang et de Wang Yang, tous deux associés à la faction de la  « Ligue de la jeunesse ». Au final, la plupart des observateurs s’accordent à dire que la taille du Comité Permanent devrait rester la même, sauf si la question de la nomination d’un successeur entre en ligne de compte dès le XXème Congrès.

  1. Quelles seront les factions politiques représentées au sein du pinacle du pouvoir ?

Les experts s’attendent à ce que Xi Jinping obtienne une majorité encore plus écrasante qu’il y a cinq ans au sein du Politburo : 90% d’alliés ou de « ralliés » contre seulement 70% auparavant. Il faut donc s’attendre à une surreprésentation au sein de l’organe dirigeant de cadres ayant croisé Xi Jinping à l’université Tsinghua, lorsqu’il était en poste à Shanghai, dans le Hebei, le Zhejiang, au Fujian, de dirigeants originaires du Shaanxi ou de membres du « club de l’aérospatiale » ayant connu une ascension fulgurante depuis l’arrivée au pouvoir du leader.

À l’inverse, la présence de membres de la faction de la « Ligue de la Jeunesse » pourrait bien se résumer à Li Keqiang, Wang Yang, Hu Chunhua et éventuellement à la vice-présidente du Comité Permanent de l’Assemblée Nationale Populaire, Shen Yueyue (cf photo), si elle vient à remplacer la vice-première ministre Sun Chunlan, tandis que les membres du « gang de Shanghai » de l’ex-Président Jiang Zemin pourraient bien ne plus être présents du tout au Politburo si Han Zheng est remercié.

  1. La limite d’âge officielle pour les hauts dirigeants sera-t-elle respectée ?

Si la limite d’âge officielle de 68 ans est respectée, 2 des 7 membres du Comité Permanent (Li Zhanshu et Han Zheng) sont censés prendre leur retraite. Au niveau du Politburo, c’est 9 dirigeants sur 18 (Wang Chen, Chen Xi, Wang Xiaodu, Liu He, Sun Chunlan, Yang Jiechi, Guo Shengkun, Zhang Youxia et Xu Qiliang) qui sont concernés. Il faut rappeler que cette règle est relativement nouvelle (2002) et que Xi Jinping n’a pas hésité à en faire fi pour lui-même et certains de ses alliés promis à la retraite de par le passé. Cependant, dans la configuration actuelle, le leader aurait tout intérêt à la respecter de manière à « faire de la place » au Comité Permanent pour un maximum de ses poulains.

La grande question tourne plutôt autour de ceux n’ayant pas encore été frappés par la limite d’âge, à savoir Li Keqiang (67 ans), Wang Yang (67 ans), Zhao Leji (65 ans) et Wang Huning (67 ans). Vont-ils obtenir un autre mandat au Saint des Saints ? Reconduire uniquement certains d’entre eux pourrait susciter le mécontentement de ceux qui sont remerciés. À l’inverse, tous les maintenir en poste pourrait bloquer l’ascension de leaders de la « 6ème génération » (nés en 1960), coincés au Politburo. Il se pourrait également que les six membres actuels du Comité Permanent soient tous remplacés. Tous les scénarios sont envisageables à ce stade.

  1. Qui sera le nouveau Premier ministre ?

Li Keqiang a déjà annoncé lors de la dernière session du Parlement en mars dernier qu’il cédera sa place en tant que patron du Conseil d’État. Même si Li Keqiang est en théorie assez jeune (67 ans) pour prétendre à un troisième mandat au Comité Permanent, la Constitution de la RPC exige que le Premier ministre ne reste en place que pour deux termes consécutifs. Cela ne laisse que trois possibilités d’avenir pour Li :

–        il devient le patron de l’Assemblée Nationale Populaire (ANP), muté au poste de n°3 du Parti (comme Li Peng en 1998) ;

–        il assume la présidence de la Conférence Consultative Politique du Peuple Chinois (CCPPC), relégué au rang de n°4 du Parti ;

–        il part à la retraite – l’hypothèse préférée des observateurs et peut-être celle de Li Keqiang lui-même, après 10 ans passés dans l’ombre de Xi Jinping.

Pour le remplacer, plusieurs prétendants se profilent (cités par ordre de probabilité) : Wang Yang, l’actuel n°4 avec une expérience longue comme le bras, éligible pour un seul mandat seulement ce qui est un avantage aux yeux de Xi Jinping ; Hu Chunhua, vice-premier ministre fort de deux mandats au Politburo, mais dont la relative jeunesse pourrait déplaire à Xi ; Li Qiang, secrétaire du Parti de Shanghai et proche allié de Xi ; et Han Zheng, le n°7 du Parti, poids lourd de l’exécutif, qualifié d’outsider puisqu’il est censé prendre sa retraite.

Étant donné que ni Wang Yang ni Hu Chunhua ne sont directement associés à Xi Jinping, ils pourraient être plus susceptibles d’exprimer des vues divergentes, même si leur base arrière, la « Ligue de la Jeunesse », n’est plus que l’ombre d’elle-même… À l’inverse, si Xi Jinping arrive à propulser Li Qiang (ou un autre de ses alliés) au poste de Premier ministre au détriment de ces deux solides concurrents, ce sera le signal le plus clair que le leader a les mains libres pour faire ce qu’il désire.

  1. Quid du vice-premier ministre en charge des finances ? 

Proche conseiller de Xi Jinping et « tsar de l’économie », Liu He devrait tirer sa révérence en tant que vice-premier en charge des finances. Trois hommes sont sur les rangs pour le remplacer : He Lifeng, président de l’organe de planification de l’économie (NDRC) et proche de Xi Jinping ; Guo Shuqing, président de la tutelle des banques et des assurances (CBIRC) ; et Xiao Jie, secrétaire général au Conseil d’État, politiquement associé à Li Keqiang.

Le grand favori est bien sûr He Lifeng (cf photo) étant donné sa proximité avec Xi Jinping. Si He obtient le poste, il devrait s’attacher à réaliser la vision économique de Xi (plus grande intervention de l’État dans des secteurs stratégiques, contrôle plus étroit des entreprises privées, mise en pratique du concept de « prospérité commune »…). Les deux autres candidats seraient plus enclins à plaider pour des réformes plus libérales.

  1. Et enfin, qui sera le prochain vice-président de la RPC ?

En l’absence de désignation d’un successeur qui occupe traditionnellemnt ce poste, il faudra bien remplacer le vice-président sortant, Wang Qishan (74 ans), qui sera d’ailleurs probablement absent pour le Congrès, à peine de retour d’un voyage officiel au Kazakhstan. Plusieurs candidats se démarquent et serviraient des objectifs bien différents aux yeux de Xi Jinping : obtenir certaines concessions d’autres groupes politiques en nommant Li Keqiang ou Han Zheng ; ou s’assurer que sa vision soit fidèlement représentée à l’international en nommant ses alliés Li Zhanshu ou Liu He. L’heureux élu sera intronisé lors de la prochaine session du Parlement en mars 2023.

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Politique : Les dirigeants d’hier encore influents aujourd’hui ?
Les dirigeants d’hier encore influents aujourd’hui ?

La cérémonie d’ouverture du Congrès est l’une des rares occasions pour le monde extérieur d’avoir un aperçu des anciens dirigeants chinois, leurs apparitions publiques étant extrêmement rares et très encadrées par l’appareil. Un bâillement, une main dans le dos, un échange de sourires en coin… Les observateurs se pressent à interpréter leurs moindres faits et gestes.

Même si la plupart d’entre eux sont déjà octogénaires et n’occupent plus aucune fonction officielle, leur présence au Congrès permet d’offrir une image d’unité au sein du Parti et de soutien à l’équipe dirigeante en place.

Regroupées dans un « Présidium » du Comité Permanent, ces 46 personnalités sont censées superviser l’agenda du Congrès, mais aussi l’élection du nouveau Comité Central. Un rôle essentiellement symbolique.

Outre les grands absents pour des raisons de santé, à savoir l’ancien Secrétaire général Jiang Zemin (96 ans) que l’on n’a plus vu depuis les célébrations du centenaire du Parti le 1er juillet 2021, et l’ex-Premier ministre Zhu Rongji (93 ans), que l’on dit consterné par la politique « zéro Covid », la plupart des anciens dirigeants étaient présents.

Parmi les participants, l’ex-Président Hu Jintao (79 ans), assis à la gauche de Xi Jinping, mais aussi l’ancien premier ministre Wen Jiabao (80 ans), l’ex-n°7 du Parti Zhang Gaoli (75 ans) dont c’est la première apparition publique (cf photo) depuis qu’il a été accusé l’an passé d’avoir abusé sexuellement de la championne de tennis Peng Shuai, l’ancien-président de la conférence consultative (CCPPC) Jia Qinglin (82 ans), l’ex-vice-président de la RPC Zeng Qinghong (83 ans), ou encore le plus vieux membre du Comité Permanent encore vivant, Song Ping, qui a eu le mérite de rester alerte pendant tout le discours de Xi du haut de ses 105 printemps.

Le centenaire, ayant appelé au retrait total de Jiang Zemin du pouvoir en 2003, s’est récemment fait remarquer en déclarant lors d’un évènement caritatif que « la politique de réforme et d’ouverture est le seul chemin vers la concrétisation du rêve chinois », réutilisant les mêmes termes que Xi Jinping il y a cinq ans.

Cette prise de parole, à seulement un mois du Congrès, a donné lieu à toutes sortes de rumeurs : l’ancien secrétaire du Premier ministre Zhou Enlai chercherait-il à inciter Xi Jinping à promouvoir au sein du Comité Permanent un dirigeant issu de sa propre faction, la « Ligue de la Jeunesse », comme Hu Chunhua ? Nul ne le sait…

Mais cet épisode rappelle que si Xi Jinping devait se retrouver mis en difficulté politiquement, cela serait plus probablement le fait d’une critique publique de l’un de ces vieux dirigeants que d’un coup de l’armée ou d’un soulèvement populaire.

Conscient de cette éventualité et désireux d’empêcher ses prédécesseurs de s’ingérer constamment dans ses affaires (comme sous Hu Jintao), Xi Jinping s’est assuré que les caciques du Parti gardent leur langue dans leur poche.

Dès 2015, Xi Jinping leur adressait une mise en garde à peine voilée dans le Quotidien du Peuple, les priant « d’ajuster leur mentalité » à leur statut de retraité. « Une fois que l’on se retire, le thé refroidit », avertissait le commentaire. Plus tard cette année-là, le tsar de toutes les polices Zhou Yongkang et membre du Comité Permanent jusqu’en 2012, était condamné à la prison à vie pour avoir fomenté un coup contre Xi.

Encore en mai dernier, le Bureau Général du Comité Central, dirigé par l’un des fidèles de Xi, Ding Xuexiang, a publié une directive interdisant aux anciens dirigeants de « commenter négativement » les politiques en cours – en d’autres termes, de critiquer le leadership actuel.

Il est donc bien loin le temps des « huit immortels » (dont le père de Xi Jinping, Xi Zhongxun, faisait partie) tirant les ficelles du pouvoir. Aujourd’hui, l’influence de ces anciens peut se résumer à des entretiens en tête-à-tête avec Xi en vue des nominations des membres du Politburo et du Comité Permanent – une pratique instaurée lors du dernier Congrès en 2017, abolissant la procédure de vote qui prévalait en 2007 et 2012.

Cela signifie que les anciens conservent théoriquement une chance d’influencer la composition finale du leadership en soutenant la candidature de leurs protégés. Xi pourrait bien sûr choisir d’ignorer leurs conseils, mais il serait toutefois risqué pour lui de se les mettre à dos au point qu’ils se sentent obligés de braver les interdits.


Podcast : 36ème épisode des Chroniques d’Eric : « XXème Congrès : Xi entre fronde et Robespierre »
36ème épisode des Chroniques d’Eric : « XXème Congrès : Xi entre fronde et Robespierre »

Venez écouter le 36ème épisode des « Chroniques d’Éric », journaliste en Chine de 1987 à 2019 et fondateur du Vent de la Chine.

Pour Xi Jinping, le chef de l’Etat chinois et Secrétaire Général du PCC, l’heure décisive arrive, celle à laquelle depuis 10 ans il pense le jour et rêve la nuit, celle qui lui fera « sauter la banque » de l’histoire et s’octroyer un troisième quinquennat. La réussite est à portée de main, qui le mettra à la hauteur de Mao Zedong, peut-être au-dessus de Deng Xiaoping dont il s’est efforcé de détricoter l’œuvre. Par ces cinq ans de pouvoir absolu qu’il s’apprête à se faire voter, il brigue son quitus pour son action passée et carte blanche pour l’avenir – implicitement, le droit de faire main basse sur Taïwan

Mais dans ce podcast, j’espère vous mettre en garde : les choses ne sont pas si claires, la force n’est pas si univoque… De bonnes jumelles (que j’essaie de vous fournir), voire de simples lunettes peuvent suffire pour détecter les  craquelures qui s’insinuent dans la cuirasse ! 

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Economie : Un débat anachronique
Un débat anachronique

La controverse est partie d’une interview d’un spécialiste des questions agricoles et du monde rural, Wen Tiejun (温铁军), exposant le concept « d’économie orientée vers le peuple » (人民经济). En quelques mots, cette théorie est basée sur les principes d’« autonomie » (le pays ne peut pas être dépendant des capitaux étrangers), de « localisation » des chaînes de production à des fins de souveraineté, d’ « inclusivité » (les entreprises privées ne doivent pas uniquement chercher à faire du profit mais avant tout à aider leurs communautés) et un « accent mis sur la population » (l’introduction d’un système de propriété collective).

En somme, le médiatique professeur de l’université Renmin propose de remplacer le système « d’économie de marché socialiste » officiellement adopté en 1992 par Jiang Zemin, par une version revisitée d’une « économie planifiée » mise en pratique sous Mao.

L’interview de Wen Tiejun, donnée il y a quelques mois déjà, aurait pu tomber dans l’oubli si une poignée d’économistes de renom (Ren Zeping, Ma Guangyuan, Xiang Songzuo…) ne l’avait pas ouvertement fustigé ces derniers jours, l’interprétant comme un dangereux retour en arrière. D’autres commentateurs, au contraire, ont pris la défense du professeur et qualifié ses détracteurs de « porte-paroles du capitalisme au service de groupes d’intérêts ». Face à cette polémique, les censeurs n’ont pas bougé d’un iota…

Si l’affaire mérite que l’on s’y attarde, c’est qu’il y a quelques années, un tel débat n’aurait probablement pas eu lieu. Cependant, depuis l’émergence sous Xi Jinping du concept de « circulation duale », de « prospérité commune », de l’avènement de la politique isolationniste « zéro Covid » et de la reprise en main du secteur privé, des voix décomplexées s’élèvent désormais pour s’opposer aux principes d’une économie de marché, modèle qui a pourtant permis le « miracle » économique chinois des trois dernières décennies. Selon eux, la Chine doit désormais trouver sa propre voie, loin du modèle « capitaliste » des démocraties occidentales « en déclin » …

Sous cette perspective, certains sont convaincus que la polémique autour du concept « d’économie orientée vers le peuple » serait un moyen pour le leadership de tester la réaction du public avant un changement de ligne officielle, pourquoi pas lors du XXème Congrès du Parti, événement politique qui doit définir les grandes orientations politiques et économiques du pays pour les années à venir.

Il serait probablement plus prudent d’interpréter cette controverse comme une vaine tentative d’influencer les décisions prises au sommet et – plus fondamentalement – comme l’expression du sentiment d’inquiétude grandissant qui prédomine dans certains cercles quant à la perspective que la Chine renonce à sa politique de réforme et d’ouverture qui lui a si bien réussi jusqu’à présent.


Petit Peuple : Heilongjiang – Hu Yongxu, un Icare chanceux
Heilongjiang – Hu Yongxu, un Icare chanceux

Dans le Heilongjiang, province la plus froide de Chine, limitrophe de la Russie et riche de grandes forêts, les mois de septembre et octobre sonnent la récolte des pignons de pin, une denrée très appréciée au Nord-Est du pays. Au matin du 4 septembre, Hu Yongxu, la quarantaine rondelette, s’est levé aux aurores pour cueillir des pommes de pin. Il a failli ne pas en revenir…

Les pignons de pin sont aux habitants de Mongolie Intérieure et de l’ancienne Mandchourie ce que les cacahuètes sont aux Américains, le snack par excellence, sain qui plus est, source de potassium, phosphore et vitamine E, un goût d’amande beurrée dont raffolent petits et grands. En médecine chinoise, on les conseille aux personnes faibles, âgées ou aux femmes qui viennent d’accoucher. Ils sont grignotés à toute heure du jour, crus ou sautés, aliment indispensable dans les spécialités culinaires de la région. Vendus par sacs dans les marchés de la région, ces « graines de longue vie » comme on les appelle en Chine, permettent un marché juteux qui repose pourtant sur des méthodes de cueillette très dangereuses.

Considéré comme l’un des métiers les plus risqués au monde, la cueillette traditionnelle consiste à grimper aux pins, hauts parfois de plus de 30 mètres, à mains nues, les pieds chaussés de souliers spéciaux pourvus de pointes. Chuter entraîne la mort ou tout au moins de très graves blessures. Il y a quelques années, pour protéger des vies et augmenter le rendement, l’utilisation de montgolfières s’est répandue malgré les risques importants d’inflammabilité de l’hydrogène et les interdictions d’utilisation qui ont suivi plusieurs accidents. Le métier est dangereux mais il paie bien et les cueilleurs sont nombreux. Un sac de 75kg de pommes de pin sera vendu 170 RMB à un revendeur local. En se levant tôt et en finissant tard, les cueilleurs peuvent récolter 5 000 à 6 000 pommes de pin et gagner 2 000 RMB en un jour.

En ce matin du 4 septembre, Hu Yongxu prend place dans l’une de ces montgolfières avec son collègue Liu Chenghui. Mais très vite, ils perdent le contrôle, la corde de sécurité, mal attachée, se dénoue et la montgolfière s’envole. Au passage d’un arbre, Liu Chenghui s’accroche aux branches mais Hu Yongxu n’a pas cette chance et bientôt le ballon se confond avec les nuages, disparu, envolé.

Icare bien malgré lui, Hu Yongxu paniqué, appelle son beau-frère, raconte les arbres devenus fourmis, l’engin impossible à diriger. Bientôt il ne capte plus. Le voilà doublement lâché par la technique, jeté dans les cieux sans ailes, obligé de gérer seul la panique qui l’envahit. Va-t-il mourir sans que personne ne le retrouve comme Bi Kesheng, un autre cueilleur disparu en 2017 de la même manière et qui n’a jamais été retrouvé ? Pendant huit heures, la montgolfière dérive, Hu Yongxu ne capte pas, ne sait où il est, encore en Chine ? En Russie ? En Corée du Nord peut-être ? Jamais plus il ne touchera à un pignon de pin, jamais plus il ne cueillera de pommes de pin, jamais plus il ne se disputera avec sa femme, jamais plus il ne se plaindra d’avoir eu deux filles au lieu du fils tant espéré, jamais !

Le ballon dégonfle enfin, perd de la hauteur, heurte un rocher. Hu Yongxu finit par s’accrocher à un arbre, puis à un autre avant de chuter au sol, blessé à la taille, marchant difficilement. Sans le savoir, il a atterri dans la région forestière du district de Fangzheng, encore dans la province du Heilongjiang donc, une vieille forêt de pins située à 300 kilomètres environ de son point de départ. Le meilleur scénario d’un épisode de Koh Lanta commence mais Hu Yongxu a un portable. Avec un peu d’eau et certainement quelques pignons, il erre dans la forêt pendant les 48 heures suivantes, téléphone en main, à la recherche du réseau. Quand il est enfin geolocalisé, près de 500 volontaires partent ratisser les 900 hectares de bois à sa recherche. Il sera finalement retrouvé le matin du 6 septembre, en vie mais choqué.

L’histoire ne dit pas s’il a tenu ses promesses, mais le proverbe, lui, est catégorique : « échapper à la mort est une dure épreuve, mais la vie vous sourira par la suite » (大难不死,必有后福 ; dànànbùsǐ, bìyǒuhòufú), ce qui se rapproche de notre fameux dicton « ce qui ne tue pas rend plus fort ». Longue vie à Hu Yongxu !

Par Marie-Astrid Prache


Rendez-vous : Semaines du 17 octobre au 13 novembre
Semaines du 17 octobre au 13 novembre

16 – 22 octobre, Pékin : XXème Congrès du Parti Communiste Chinois

21-25 octobre, Yiwu : China Yiwu Commodities Fair, Salon international des articles d’usage courant

25 octobre, Canton ; 27 octobre, Chengdu ; 29 octobre, Shanghai ; 11-12 novembre, Pékin : CHINA EDUCATION EXPO, Salon international de l’éducation et des formations supérieures

27-30 octobre, Canton : CIBE – China International Beauty Expo, Salon international de l’industrie du bien-être et de la beauté

1-3 novembre, Chengdu :CILE – China International Licensing Expo, le plus grand salon des licences en Asie

1-4 novembre, Shanghai : CEMAT ASIA, Salon des matériels de manutention, des techniques d’automatisation, de transport et de logistique. ANNULE, reprogrammé du 18 au 20 mai 2023

2-4 novembre, Shenzhen : CHIC SHENZHEN, Salon chinois international de la mode, de l’habillement et des accessoires. ANNULE, reprogrammé du 8 au 10 mars 2023

3-5 novembre, Shenzhen : CIBE – China International Beauty Expo, Salon international de l’industrie du bien-être et de la beauté

3-5 novembre, Shenzhen : IAMD – Industrial Automation, Motion and Drive, Salon international pour l’automatisation des procédés

5-7 novembre, Shenzhen : ELEXCON, Salon chinois de la Hi Tech

5-10 novembre, Shanghai : CIIE – China International Import Expo, Salon international des importations de Chine

8-10 novembre, Shanghai : HOTELEX, Salon international de l’agro-alimentaire et des équipements destinés à l’industrie hôtelière

8-10 novembre, Shanghai : PROPAK, Salon spécialisé dans la transformation alimentaire et l’emballage

8-13 novembre, Zhuhai : Airshow China, Salon international de l’aéronautique et de l’espace

9-11 novembre , Qingdao : API CHINA, Salon chinois de l’industrie pharmaceutique 

12-13 novembre, Shanghai : FIBO CHINA, Salon international du fitness, du bien-être et de la santé en Chine et en Asie

15-17 novembre, Shenzhen : IE EXPO, Salon professionnel international de la gestion et traitement de l’eau, du recyclage, du contrôle de la pollution atmosphérique et des économies d’énergie