A la loupe : Qiu He, le retour des ’empereurs’

Qiu He, 51 ans, suscite en Chine un débat passionné. La TV (Point Focal) et la presse (Nanfang Zoumo) l’ont baptisé « le cadre à personnalité ». Comme pour ne pas trahir sa légende, Qiu, juste nommé Secrétaire à Kunming (Yunnan), le 18/02, a publié les n° de tél. des 438 conseillers municipaux (sauf les militaires), et le 23, il a forcé un cadre de banlieue à démissionner, après l’avoir surpris à dormir durant un meeting. Deux décisions qui font électrochoc…

Dans le genre ruer dans les brancards, Qiu He n’en est pas à son coup d’essai. Après des brillantes études d’agronomie ponctuées par 8 mois de stage aux USA (université du Maryland), cet être très doué débute par la voie royale, dans des centres de recherche du Jiangsu, puis est muté en 1996, à 39 ans, Secrétaire à Muyang, canton déshérité, endormi dont personne ne voulait.

Il s’attaqua d’abord aux routes de son terroir mal desservi. Il dessina les futurs axes, et imposa aux paysans 8 jours de service civil par an, comme cantonniers. Les travaux furent financés par une taxe de 10% sur les salaires des cadres—même pensionnés, et par une « incitation » aux résidents, à investir 5MM¥.

Pour attirer les investisseurs, il congédia 30% des ronds de cuir et attaqua en justice 240 corrompus. Tous les commissaires ripoux se retrouvèrent à la rue. Face à cette tornade, miraculeusement, l’appareil judiciaire s’arracha à une léthargie séculaire : en 1997, 4656 affaires étaient résolues—un record national.

Au passage, Qiu He avait trouvé le temps de vendre tous les actifs publics, usines, écoles et hôpitaux—pour ces derniers, le ministère de la santé désavoua Qiu deux ans plus tard, en 2003.

Mais quoique choquantes, ces pratiques parlaient d’elles mêmes : en 2005, le réseau routier du canton, rallongé par Qiu He de 600km asphaltés, comptait parmi les plus avancés de la province. La scolarisation avait doublé (de 48 à 89%), dépassant la moyenne provinciale. La santé coûtait 26% de moins, et le PIB, par rapport aux 20MM¥ de 2000, avait presque doublé à 38MM.

L’Etat a récompensé l’étoile montante, le nommant vice gouverneur du Jiangsu (’06), puis à Kunming. Mais des intellectuels, tel Lu Ning, politologue, croient que la promotion est moins due à ses résultats, qu’à son fier rejet de toute démocratie : depuis 20 ans, la voie du pouvoir a été presque toujours réservée aux conservateurs, créant au sommet un vide artificiel : pas de libres penseurs parmi les décideurs. Pour lui, le « phénomène Qiu He » est une exception (qui ne peut se reproduire) et un ersatz de réforme en Chine, qui disparaîtra le jour où un dialogue politique sera instauré entre base et sommet. Vrai ou faux? Débat stimulant, en tout cas !

 

 

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