A Hong Kong, le scandale autour de la famille Kwok fut étouffé après trois jours. Prudente face à ses milliardaires, la presse du "rocher" fit un miel trop rapide de cette saga, avant de passer à autre chose, gaspillant ainsi une belle occasion d’observer une dynastie d’habitude cachée, rendue enfin visible par la tourmente!
A 57 ans, Walter Kwok Ping Sheung venait d’être invité par un conseil de famille à s’offrir des vacances et avait été écar-té de la barre du vaisseau amiral de la famille -Sun Hung Kai, 1er groupe immobilier de la Région administrative spéciale. Ce congé faisait suite à sa tentative manquée d’intégrer Ida Tong son amante, au conseil d’administration. Qu’il partage depuis 25 ans sa vie avec Wendy, sa pâle épouse, ne jouait aucun rôle en la matière : le problème tenait plutôt à la dévorante personnalité d’Ida, qui exigeait cette promotion. Peu avenante mais opiniâtre, cette avocate de formation exerçait sur son amant une emprise irrésistible, et faisait sur Sun Hung Kai la pluie et le beau temps.
En septembre, sous sa férule, Walter avait acquis un bien à Kowloon, pour 2,07 MM HK$, prix exorbitant qui avait fait lever les bras au ciel à Raymond et Thomas, ses cadets. Mais n’en démordant point, Ida ne vendait aux clients qu’à condition qu’ils lui donnent du Mme Kwok. Insidieusement, l’intrigante renforçait le contrôle de l’empire familial, «volait les poutres et changeait les piliers» (偷梁换柱 tou liang huan zhu) : aux postes-clé, elle remplaçait les lieutenants par ses propres fidèles.
Kwok l’aîné n’avait pas toujours été si mou -sa pusillanimité fut sans doute provoquée par un accident de la vie. En 1997, Cheung le mafieux, dit «le flambard» avait enlevé et frappé 5 jours le nabab, avant de le relâcher brisé -délesté de 600 M HK$. Pour la petite histoire, Cheung fut exécuté 2ans après à Shenzhen, pour avoir enlevé un autre fils de riche, Richard Li, dont le père Li Ka-shing réclama et obtint vengeance auprès de Jiang Zemin. Walter cependant, ne s’en était pas remis: depuis, ses frères et belles-soeurs régentaient tout, ne lui laissant que le decorum.
C’est alors qu’Ida était réapparue dans sa vie, lui susurrant qu’elle l’aiderait à récupérer ses pouvoirs perdus.
L’affaire du Conseil d’administration, fut le pas de trop : sommée de protéger les intérêts du clan, Xiu-Hing la reine-mère réunit le 18/02 le conseil de famille, qui vota de mettre Walter sur la touche, «le temps qu’il revienne à la raison». Lequel Walter, trois semaines avant, avait porté la guerre sur un autre terrain en créant un nouveau groupe au nom presque identique. La presse ne dit pas quelle parade la dynastie trouva pour parer ce coup hasardeux.
Enfin, comme dans les charades à tiroirs, l’histoire révèle un volet caché : 30 ans plus tôt, le jeune Walter avait voulu épouser Ida -choix refusé par Tak-seng le patriarche, qui l’avait contraint à prendre Wendy à sa place. C’est que chez ces gens-là, on n’épouse pas n’importe qui. Ida était bien issue du gratin de la ville, mais les rapports des enquêteurs étaient vraiment trop mauvais, la demoiselle se laissant courtiser par deux hommes à la fois, à l’insu l’un de l’autre…
A cette société insulaire avide de potins, et nostalgique de l’Angleterre, il n’en fallait pas plus pour trouver d’instinct la comparaison qui s’imposait : à l’instar de Londres, Hong Kong compte désormais son propre héritier sur la touche, mal marié pour les besoins de la lignée – son prince Charles aux yeux bridés, avec Ida dans le rôle de Camilla !
Sommaire N° 8