Editorial : Les projecteurs sous Hu Jintao

Quand vient le plus fort défi à la Chine en 19 ans, les projecteurs se retournent vers Hu Jintao, son Président, lequel soudain s’épanche dans les arcanes du pouvoir en propos alarmistes très atypiques. Début octobre, croit savoir Zhengming, la revue Hongkongaise, il avertit le Politbureau des risques de mort du Parti, de chaos de l’Etat, et adjure ses membres de se ressaisir: « demandez-vous si (…) vous n’auriez pas dévié (…) de la mission du Parti, de votre engagement envers le peuple, du coeur de la patrie »… ton grandiloquent et désuet, peu susceptible d’émouvoir ces technocrates, en cette année 2008.

Hu Jintao est plus explicite encore en son Rapport secret au 17. Comité Central, le 9/10: pas moins de 18 dangers majeurs hantent le socialisme, tels la perte d’idéaux et d’ initiative, la corruption, le retard croissant des campagnes,  le «localisme», la chute de la bourse, les 35M de chômeurs. Puis lors d’un meeting de hauts cadres (cité le 30/11 au Quotidien du Peuple), il avertit : la crise sera le «révélateur de la capacité du Parti à gouverner» !

Face à de tels très grands propos, on ne peut que se frapper du refus de la Chine d’assumer tout rôle de leader sur la scène internationale,  au Sommet du G20 à Washington (15/11), comme à celui de Poznan contre le réchauffement climatique (voir article dans rubrique Environnement). Sa meilleure contribution au bien commun, prétexte-t-il, sera de remettre sa maison en ordre. Sagesse louable, mais ce refus d’action dans le monde, n’est il pas le même que celui qu’il pratique à l’intérieur, syndrome d’un système paralysé? Or, quand vient la récession mondiale, la non gestion des vieilles tares, passe de moins en moins : à Canton le 2/12, 23.000 taxis (les deux tiers de la ville) lancent la « plus grande grève depuis 1989 » !

Après le plenum, mi-octobre, un forum des 7 mini-Partis démocratiques multiplie des critiques d’une audace inouïe : Zhou Jienong (Président du KMT local), Chen Changzhi (Président de la CNDCA China National Democratic Construction Association) croient que faute de réforme interne, le Parti communiste chinois perdra l’appui des masses. Jiang Shusheng, Président de la China Democratic League, adjure le PC de «cesser d’opprimer», ou d’aller droit au chaos. D’autres appellent au retour de l’état de droit, des droits du peuple. Autant d’hérésies que Jia Qinglin, présent, tente de faire taire, et c’est Hu Jintao qui l’en empêche ! 

Comme en réponse aux critiques, on voit se multiplier les velléités de réformettes, frénétiques mais sans substance :

[1] Les 2000 secrétaires de districts suivirent à Pékin (10-26/11, école du Parti) un stage de formation à la gestion des désordres. Histoire d’étouffer les émeutes dans l’oeuf, et d’améliorer leur image. Quoique 76% des Chinois, selon le sondage du Quotidien du Peuple, doutent de leur probité, et 86% de leur sens de la discipline.

[2] Le Politbureau promet (28/11) une « réforme judiciaire », mais sans détails, et tout en s’interdisant d’avance toute concession à la «démocratie à l’occidentale».

Ce qui frappe le plus, dans l’article de Zhengming, est son attaque rarissime à Hu Jintao, décrit comme l’homme aux discours non suivis d’actes, incapable face aux problèmes qui s’amoncèlent. La critique dit haut ce que beaucoup dans les provinces, pensent. Avec son hypertrophie en censure et sa paralysie en mesures fortes et rapides, le régime apparaît désarmé face à cette crise. Et plus Hu sonne le tocsin, aveu d’impuissance, plus fortes répondent les voix d’une base frustrée par son indécision.

 

 

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