A la loupe : Le spectre d’un rétro-exode rural

A travers la Chine, la chute des commandes, la fuite du crédit et de milliers de patrons ont des effets dramatiques sur l’emploi migrant, dont 20% pourrait avoir été éradiqué d’ici le chunjie (26 /01/2009). Quelle option alors pour ces ex-paysans, à part celle de retourner au village? Le repli est déjà engagé: 300.000 au Jiangxi (sur 6,8M de migrés), autant au Hubei -dont la capitale Wuhan s’attend à voir sur son sol, le chiffre doubler à terme.

Pas une de ces gares rurales du centre du pays, sans équipe de recenseurs, qui décomptent et interrogent, conformément aux ordres du ministre de la sécurité publique Meng Jianzhu, d’«améliorer le travail de service et gestion de la population flottante».

Car le problème est double : après leurs années en ville, ces hommes qui s’en retournent ont changé, plus riches en savoir-faire (sauf peut-être… en agriculture), et moins riches en terres. Les plus chanceux ont cédé une partie de leur sol (les quelques «mu» dont ils détiennent le droit d’utilisation pour 30, voire 70 ans), à des coopératives voire à des firmes de plus haut vol, qui font dans les fruits et légumes rares, sous serre, bio. Exemple typique: Fan Junchao, 55 ans, natif de l’Anhui, qui a loué pour 10 ans, 2500m² à 3500¥/an – et en gagnait, jusqu’à l’été, 9000¥/an comme maçon sur les chantiers. S’il retourne au village, il devra vivre, avec sa femme, des 1500m² qui lui restent, et faire vivre son fils (également mis à pied) et ses petits-enfants— impossible.

Les plus malchanceux -des millions- se sont faits déposséder de leurs lopins en leur absence, par l’alliance illicite du cadre véreux et du promoteur indélicat.

Dans l’immédiat, ces villages ne peuvent recevoir de nouveau une telle population. Pour certains, un avenir serait envisageable, consistant  à passer à des cultures de rapport, ou à des emplois de service (tel le tourisme rural). A condition d’en avoir l’idée, et que l’Etat aide- vite. Sinon, l’explosion viendra en même temps que la faim. Car ces gens qui connaissent la ville, et ont leur téléphone portable et l’internet, ne se laisseront pas faire…

Ce rétro-exode pourrait donc s’avérer une poudrière, si le retour se passe mal. Mais aussi une chance immense, si l’affaire est bien gérée, d’injecter dans ce tissu rural le plus pauvre, la chair vive d’un nouveau départ.

Enfin, le planificateur peut voir maintenant les fruits de 20 ans de politique refusant au migrant les droits de citoyen urbain, à seule fin d’économiser les frais d’école pour ses enfants, d’hôpital et pension pour sa famille. Mais à présent, alors qu’il tente de maintenir le migrant dans la ville, celui-ci l’ignore : il n’y a rien, ici, qui le retienne. Autant d’éléments pour mener à l’avenir  une politique plus généreuse -dans le sens de ses intérêts bien compris.

 

 

Avez-vous aimé cet article ?
Note des lecteurs:
0/5
9 de Votes
Ecrire un commentaire