Le Vent de la Chine Numéro 39

du 8 au 14 décembre 2008

Editorial : Les projecteurs sous Hu Jintao

Quand vient le plus fort défi à la Chine en 19 ans, les projecteurs se retournent vers Hu Jintao, son Président, lequel soudain s’épanche dans les arcanes du pouvoir en propos alarmistes très atypiques. Début octobre, croit savoir Zhengming, la revue Hongkongaise, il avertit le Politbureau des risques de mort du Parti, de chaos de l’Etat, et adjure ses membres de se ressaisir: « demandez-vous si (…) vous n’auriez pas dévié (…) de la mission du Parti, de votre engagement envers le peuple, du coeur de la patrie »… ton grandiloquent et désuet, peu susceptible d’émouvoir ces technocrates, en cette année 2008.

Hu Jintao est plus explicite encore en son Rapport secret au 17. Comité Central, le 9/10: pas moins de 18 dangers majeurs hantent le socialisme, tels la perte d’idéaux et d’ initiative, la corruption, le retard croissant des campagnes,  le «localisme», la chute de la bourse, les 35M de chômeurs. Puis lors d’un meeting de hauts cadres (cité le 30/11 au Quotidien du Peuple), il avertit : la crise sera le «révélateur de la capacité du Parti à gouverner» !

Face à de tels très grands propos, on ne peut que se frapper du refus de la Chine d’assumer tout rôle de leader sur la scène internationale,  au Sommet du G20 à Washington (15/11), comme à celui de Poznan contre le réchauffement climatique (voir article dans rubrique Environnement). Sa meilleure contribution au bien commun, prétexte-t-il, sera de remettre sa maison en ordre. Sagesse louable, mais ce refus d’action dans le monde, n’est il pas le même que celui qu’il pratique à l’intérieur, syndrome d’un système paralysé? Or, quand vient la récession mondiale, la non gestion des vieilles tares, passe de moins en moins : à Canton le 2/12, 23.000 taxis (les deux tiers de la ville) lancent la « plus grande grève depuis 1989 » !

Après le plenum, mi-octobre, un forum des 7 mini-Partis démocratiques multiplie des critiques d’une audace inouïe : Zhou Jienong (Président du KMT local), Chen Changzhi (Président de la CNDCA China National Democratic Construction Association) croient que faute de réforme interne, le Parti communiste chinois perdra l’appui des masses. Jiang Shusheng, Président de la China Democratic League, adjure le PC de «cesser d’opprimer», ou d’aller droit au chaos. D’autres appellent au retour de l’état de droit, des droits du peuple. Autant d’hérésies que Jia Qinglin, présent, tente de faire taire, et c’est Hu Jintao qui l’en empêche ! 

Comme en réponse aux critiques, on voit se multiplier les velléités de réformettes, frénétiques mais sans substance :

[1] Les 2000 secrétaires de districts suivirent à Pékin (10-26/11, école du Parti) un stage de formation à la gestion des désordres. Histoire d’étouffer les émeutes dans l’oeuf, et d’améliorer leur image. Quoique 76% des Chinois, selon le sondage du Quotidien du Peuple, doutent de leur probité, et 86% de leur sens de la discipline.

[2] Le Politbureau promet (28/11) une « réforme judiciaire », mais sans détails, et tout en s’interdisant d’avance toute concession à la «démocratie à l’occidentale».

Ce qui frappe le plus, dans l’article de Zhengming, est son attaque rarissime à Hu Jintao, décrit comme l’homme aux discours non suivis d’actes, incapable face aux problèmes qui s’amoncèlent. La critique dit haut ce que beaucoup dans les provinces, pensent. Avec son hypertrophie en censure et sa paralysie en mesures fortes et rapides, le régime apparaît désarmé face à cette crise. Et plus Hu sonne le tocsin, aveu d’impuissance, plus fortes répondent les voix d’une base frustrée par son indécision.

 

 


A la loupe : Le spectre d’un rétro-exode rural

A travers la Chine, la chute des commandes, la fuite du crédit et de milliers de patrons ont des effets dramatiques sur l’emploi migrant, dont 20% pourrait avoir été éradiqué d’ici le chunjie (26 /01/2009). Quelle option alors pour ces ex-paysans, à part celle de retourner au village? Le repli est déjà engagé: 300.000 au Jiangxi (sur 6,8M de migrés), autant au Hubei -dont la capitale Wuhan s’attend à voir sur son sol, le chiffre doubler à terme.

Pas une de ces gares rurales du centre du pays, sans équipe de recenseurs, qui décomptent et interrogent, conformément aux ordres du ministre de la sécurité publique Meng Jianzhu, d’«améliorer le travail de service et gestion de la population flottante».

Car le problème est double : après leurs années en ville, ces hommes qui s’en retournent ont changé, plus riches en savoir-faire (sauf peut-être… en agriculture), et moins riches en terres. Les plus chanceux ont cédé une partie de leur sol (les quelques «mu» dont ils détiennent le droit d’utilisation pour 30, voire 70 ans), à des coopératives voire à des firmes de plus haut vol, qui font dans les fruits et légumes rares, sous serre, bio. Exemple typique: Fan Junchao, 55 ans, natif de l’Anhui, qui a loué pour 10 ans, 2500m² à 3500¥/an – et en gagnait, jusqu’à l’été, 9000¥/an comme maçon sur les chantiers. S’il retourne au village, il devra vivre, avec sa femme, des 1500m² qui lui restent, et faire vivre son fils (également mis à pied) et ses petits-enfants— impossible.

Les plus malchanceux -des millions- se sont faits déposséder de leurs lopins en leur absence, par l’alliance illicite du cadre véreux et du promoteur indélicat.

Dans l’immédiat, ces villages ne peuvent recevoir de nouveau une telle population. Pour certains, un avenir serait envisageable, consistant  à passer à des cultures de rapport, ou à des emplois de service (tel le tourisme rural). A condition d’en avoir l’idée, et que l’Etat aide- vite. Sinon, l’explosion viendra en même temps que la faim. Car ces gens qui connaissent la ville, et ont leur téléphone portable et l’internet, ne se laisseront pas faire…

Ce rétro-exode pourrait donc s’avérer une poudrière, si le retour se passe mal. Mais aussi une chance immense, si l’affaire est bien gérée, d’injecter dans ce tissu rural le plus pauvre, la chair vive d’un nouveau départ.

Enfin, le planificateur peut voir maintenant les fruits de 20 ans de politique refusant au migrant les droits de citoyen urbain, à seule fin d’économiser les frais d’école pour ses enfants, d’hôpital et pension pour sa famille. Mais à présent, alors qu’il tente de maintenir le migrant dans la ville, celui-ci l’ignore : il n’y a rien, ici, qui le retienne. Autant d’éléments pour mener à l’avenir  une politique plus généreuse -dans le sens de ses intérêts bien compris.

 

 


Joint-venture : Pétrole : Un pied chinois aux Emirats

Pétrole : un pied chinois aux Émirats

Le 30/11, la compagnie nationale chinoise, la CNPC, signe son contrat pour un oléoduc aux Émirats Arabes Unis en JV avec l’IPIC, le groupe local. A 3,3MM$, c’est le contrat-record du premier pétrolier chinois, dans la catégorie «invest hors frontières». A ce prix, son client recevra 400km de tubes d’1,22m de diamètre entre le champ d’Habshan (Ouest) et le port de Fujairah au golfe d’Oman (Est), d’une capacité max. de 1,8M de barils/jour, soit 286.000m3/j. Sans oublier 3 stations de pompage et 3 appontements offshore reliés au rivage par 14km de conduite sous-marine. Achevé fin 2010, l’ouvrage sera livré mi-2011. Pour les Emirats Arabes Unis, 3ème producteur du Golfe Persique, c’est un outil stratégique : la flambée des cours a démontré la production mondiale insuffisante. Or, dit British Petroleum, le pays détient 97,8M de barils de réserves, 7,9% de celles mondiales donc, et au rythme actuel, il peut fournir 92 ans. Pour la Chine aussi, les Emirats sont un partenaire d’avenir : à 200Mt cette année, ses propres importations dépasseront pour la 1ère fois sa production intérieure (190Mt). Dès 2020, calcule la CASS, l’académie chinoise des Sciences Sociales, elles feront 62,5% de la consommation nationale, avec 563Mt. Le pays se prépare depuis longtemps à ce genre de dépendance : la seule CNPC possède, hors frontières, 5170km de gazo- et oléoduc. Aussi, il faut supposer que cet effort pas forcément directement rentable, servira à rapatrier vers l’empire du Milieu, bonne part de l’or noir ainsi convoyé.

 

Baosteel : « et profitez-en bien ! »

Baosteel, 1er sidérurgiste chinois peut dire un demi merci (on verra pourquoi) aux chantiers navals asiatiques, qui doubleront leurs commandes en 2009, le forçant à augmenter de 29% sa capacité de laminage «marine». 200.000t sont contractés à Hyundai et 100.000t à Samsung, les mammouths sud-coréens du métier. Des commandes du Japon sont encore en négociation. Pourtant, ces achats défient la tendance mondiale, alors que les besoins s’écroulent, auto, bâtiment, et même la construction navale dans la tourmente avec 34,5% d’annulation en Corée depuis l’été et à travers le monde, 94 navires décommandés – arrhes sacrifiées.

La clé de l’énigme tient en 2 points. Au 1er semestre, la Corée, n°1 avec 7 des 10 plus grands chantiers mondiaux, a raflé 50,6% du marché mondial (12Mt), ce qui, pour ses géants, assure de l’ouvrage pour 4 ans en moyenne, et une croissance de 23% en 2009. Par contre, ces commandes pour la plupart furent souscrites en 2006 : les aciéries capables de fournir cet acier spécial, jouissent d’un «été indien»… Précision : seuls les plus grands chantiers sont pour l’instant hors crise. En Corée, les 300 petits se battent pour la survie. Comme en Chine, où Yantai Raffles prend désormais les commandes sans acompte. D’où le « demi merci » : les grands chantiers lui imposent un prix « de misère », 800$, voire 750$ la tonne, contre 900$ cet été. Affaire sans profit, donc—mais qui permet à Baosteel, à tout le moins, de traverser la crise.

 

 


A la loupe : Investissements opportunistes…

Le monastère de Shaolin (Henan), est peut-être un des sites au monde les plus riches en atouts, tout à la fois siège historique de l’ordre bouddhiste combattant, créateur du Wushu (kungfu) et lieu putatif du serment du jardin des pêchers à l’origine de la  confrérie des trois harmonies (三合会 san he hui), autrement connue sous le nom de Triades -mafia locale qui, précisons le, n’a aucun lien, depuis des siècles, avec le monastère.

Visités et admirés par le monde entier, quoi de plus normal que ces moines athlètes s’initient vite aux arcanes des affaires?

Dès 2002, l’ordre entamait le grand nettoyage de tous les produits et marques se réclamant de lui à travers les 5 continents, faisant interdire l’un, prélevant sa dîme sur l’autre. Il ouvrait filiales et succursales, lançait ses tournées entre festivals et salons, et militait pour l’inclusion de son art martial parmi les disciplines olympiques. Au printemps, à temps pour les JO de Pékin, il lançait sa galerie virtuelle de produits dérivés, manuel de kungfu à 9999¥ pièce (le chiffre « jiu », 9, étant homophone du terme de salut), ou savon bouddhiste vous laissant en odeur de sainteté.

Et puis voilà que le bouillant abbé Shi Yongxin annonce un nouveau business : la reprise en gérance, pour 20 ans, de 4 temples à Gudu (Yunnan, 2000km plus à l’Ouest), histoire d’y développer le wushu. Il y place à demeure 10 moines instructeurs, prépare des stages pour étrangers et des shows pour le tourisme, dans cette ambiance plus montagnarde et grandiose. Sans compter les retombées de films à jouer en multiplex entre San Francisco et Taipei, pour le public de la diaspora. Le monastère yunnannais n’y perd rien. Pauvre comme Job, il voit reprendre en main ses aumônes et sa restauration (même celle des moines). Les seuls à se plaindre, sont les fidèles, sur internet. Par respect de leur sensibilité, Shaolin n’a pas osé suivre le gouvernement provincial qui parlait d’ouvrir une société touristique en bourse, dont Shaolin-Gudu eût été le principal actif : «ce serait contraire à l’esprit de Bouddha», a fermement reconnu l’abbé! Pourtant, c’est bien connu, la foi ne marche jamais mieux qu’en temps de crise !

Autre affaire qui roule, et pour des raisons identiques : Shanda, le n°1 national du jeu en ligne, dont les profits fusent de +41% au 3ème trimestre, et les ventes de 43% à 936M¥. La firme attribue ce bond en avant à l’addition dans ses jeux de quelques formules et démons supplémentaires. Mais l’effet crise est aussi reconnaissable: le jeune Chinois veut noyer dans le jeu ses angoisses sur l’avenir, et étant au chômage, il a plus de temps pour cela. Par contre, c’est évident, il veut payer moins cher -finis, ciné, karaoké! Le jeu en ligne est donc sa dernière « ligne de défense », où il dépense quand même 30 à 60¥ /mois : toujours bons à prendre!

 

 


Argent : Crise : ‘Quand le PIB va, tout va’ !

Crise : « quand le PIB va, tout va ! »

A sa sortie en octobre, le plan chinois anti-crise avait été salué par le monde entier comme audacieux. Un mois plus tard cependant, tout bien réfléchi, les industriels l’estiment «insuffisant» pour rassurer l’acteur n°1 – la population, le consommateur !

De fait, l’Etat semble le reconnaître, en publiant (3/12) un autre plan, dit « en 9 points ». Son but avoué: relancer l’immobilier, dont dépendent 77M jobs, et sauver en 2009 une croissance de 8 à 9%, démentant les lugubres 7,5% prédits par la Banque Mondiale.

Parmi les actions annoncées figurent [1] 100MM¥ de crédits aux banques sectorielles (la banque de la communication BoComm, la banque de l’agriculture,ABC, ExImbank) ; [2] d’autres coupes des taux d’intérêt et des réserves bancaires, qui permettront (par exemple) à la China Construction Bank d’augmenter ses prêts de 13-15% en 2009 à 400-500MM¥, dont la moitié en infrastructures ; [3] une hausse du plafond imposable (aujourd’hui 2000¥) ; [4] la poursuite des hausses salariales pour cadres des provinces pauvres, tels ces 300¥ /mois que vient juste de toucher le rond-de-cuir du Henan : [5] Valeur sure, le plan de prime à l’électroménager pour paysans sera reconduit en 2009, subvention de 13% sur l’achat de TV, frigos, GSM et micro-ondes made in China. Moyennant 920M¥ du trésor public, la mesure permettra d’écouler des millions d’appareils «low cost » invendus : [6] L’Etat envisage de réintroduire ce plan testé de 1998 à 2003 à Shanghai : une grâce d’impôts, partielle ou totale, aux acquéreurs de logement : [7] Pour prévenir la panique, il annonce une assurance sur les dépôts bancaires, jusqu’à 2000¥ – pour commencer, et [8] les provinces sont encouragées à investir dans les Cies d’assurance-crédit : [9] Sans doute à titre de test des marchés monétaires, le Yuan baisse de 3% (1/12), et [10] les prix des denrées alimentaires sont libérés…

Voilà donc une grosse Bertha de mesures « tout pour les affaires » -mais l’envers de la médaille finit par apparaître. – Le plan enterre ce principe sacré depuis 2006, de la protection des terres arables. Pour assurer le PIB, dit Lu Xinshe, ministre des ressources foncières, il faut faire vite. Le chantier peut débuter sans certificat d’utilisation du sol, et même sur des parcelles classées en  «utilisation agricole protégée». Par rapport au mot d’ordre de Wen Jiabao en 2003, «la qualité, plutôt que le volume», c’est un recul. – Dix économistes chinois dénoncent la faiblesse du plan au chapitre “bourse”. L’Etat rachète des parts, pour enrayer la chute, et espère lancer dès que possible son marché secondaire à risque. Et c’est tout—et à vrai dire, il ne peut faire rien d’autre, sauf “laisser faire la nature”. Mais de la sorte, il ne convaincra pas ces 70M d’actionnaires, qui viennent en 12 mois de perdre 69% de leur épargne : échaudés, ils se calfeutrent, face à un très long hiver !

 

Mélamine  – effet « boule de neige »

La Chine n’en finit pas de souffrir de sa fraude du lait à la mélamine. Soucieux de se réconcilier avec les chiffres, le gouvernement triple le bilan des victimes, à 294.000 bébés malades, dont 154 dans un état sérieux et 6 morts. Face à l’étranger, les dégâts sont inouïs : rapportés à un an, 92% des exports d’octobre  ont disparu. La publication d’un plan d’assainissement et d’une liste d’additifs bannis n’arrête pas la débâcle: l’Union Européenne ostracise ses laits de soja pour bébés, dont elle importait 68.000t l’an dernier. La France saisit 300t de tourteaux de soja mélaminés (50 fois le plafond). HK détecte un 3ème lot d’oeufs chinois (deux fois le plafond). Plus curieux, l’Arabie Saoudite croit avoir décelé le poison dans le lait en poudre de Nestlé qui, dès son entrée en Chine en 1987, s’était interdit tout recours à des intermédiaires dans sa chaîne d’approvisionnement, et donc demande à voir. Au moins, ce climat déprimé peut aider les investisseurs étrangers à pénétrer un marché qui se passait jusqu’alors d’eux : KKR, fonds d’investissement américain, reprend pour 300M$ Modern Farm, aux trois centres d’élevage de plus de 10.000 vaches. Investissement pour un tiers sur fonds propres, et deux tiers en crédit d’une banque locale encore tenue secrète. Passer filiale, permettra au groupe de réaliser 3 à 4 autres de ces méga-fermes. Encore secret, le client de ce lait devrait être Mengniu, le 1er laitier chinois, qui est jusqu’à présent son client exclusif.

 

 

 


Pol : Poznan : La Chine dans l’arène ‘verte’

ENVIRONNEMENT   – 环境

Poznan : La Chine dans l’arène « verte »

Quoique elle-même réticente à forcer ses usines à réduire leurs émissions de CO², la Pologne accueille ces deux semaines (1-12 /12) le grand sommet de la lutte contre le réchauffement global : 9000 délégués, 190 nations siègent à Poznan pour convenir de la feuille de route de l’accord dit «Kyoto-II» (applicable après 2012), d’ici la signature espérée à Copenhague pour décembre 2009. En tête d’attelage, l’Union Européenne s’engage à réduire ses rejets de moitié d’ici 2050, par rapport à ses émissions de 1990. L’élément neuf dans cette équation planétaire est le jeune Président Obama, qui veut d’ici 2020 ramener la pollution de son pays au niveau de 1990. La Chine a une position insolite. Ardent défenseur de Kyoto-II, elle accepte de partager «très sérieusement» l’effort futur, et de s’imposer des quotas contraignants, une baisse absolue de ses émissions. Mais elle n’en est pas moins en 2007 émettrice des deux tiers de tout CO² nouveau, et 1er pollueur mondial. Elle exige aussi que les pays riches, « les responsables » fassent le plus dur, et l’aident dans son propre effort, en transfert gratuit de leurs meilleures technologies, à concurrence de 1% de leurs PIB. En attendant, à Poznan, elle partage avec l’Inde une stratégie opportuniste : dénoncer l’objectif d’Obama comme insuffisant (au nom du principe : « les absents ont tort ». Elle attend des Etats-Unis le double (40% de réduction d’ici 2020)… Mais la Chine se fait aussi respecter, au sommet vert, pour ses réalisations, tels ces 310M² dépensés depuis 2001 en biogaz rural, ou son imminente réforme annoncée des prix de l’énergie.

PRESSE          新闻机构

Presse : le changement vient du Shanxi

Le 20/09 à Hongdong (Shanxi), un mineur décède dans sa mine. Le 22/09, il est enterré, sans que l’accident ait été déclaré par l’entreprise, qui veut s’épargner les 200.000¥ de dommages à la famille et l’amende d’1M¥. Puis les 24-25/11, un grand nombre de reporters se présentent, pour collecter leur « cachet de silence ». Sauf l’un d’eux, Dai Raojun, du Journal de l’Ouest (de Taiyuan), qui poste son reportage sur son blog : repris à Pékin par le Journal de la Jeunesse et une centaine d’autres media, il marque le début d’une affaire au démérite de toute la presse locale.

L’enquête de la GAPP, la General Administration of Press and Publication, l’organe de tutelle, suit le jour même. En deux jours, elle épingle 58 journalistes dont 4 officiels, 26 de maison, et 28 free lance sans carte de presse. 23 medias voient leur om impliqué, dont les plus grands, tels la TV nationale éducative, radio et TV-Shanxi, le magazine Loi Gouvernementale.125.000¥ ont ainsi été versés en «frais de publicité», dont 39.500 à un pigiste de haut vol, autant au bureau local du Journal de la Loi.

Puis l’orage se déverse sur l’homme par qui le scandale arrive. Professionnel expérimenté (42 ans, 20 ans de métier), Dai savait ce qui l’attendait : un porte-parole de son journal précise qu’il n’est pas journaliste officiel (正式记者), suggérant ainsi que le media ne défendra pas son envoyé. Dai et sa famille reçoivent aussi des appels anonymes de menace —surtout après son passage à Pékin sur les ondes de diverses chaînes comme Phoenix TV (Hong Kong).

Des sanctions ont suivi à l’encontre de certains coupables: les montants touchés ont été confisqués et les journalistes marrons, mis à l’amende. Le Journal de la Loi voit son bureau provincial fermé… Mais l’aspect le plus remarquable dans cette affaire, tient au fait qu’une dénonciation de la base a forcé l’Etat à intervenir.

Pour comprendre le tournant qui se dessine, il faut comparer cette affaire avec celle de la mine de Jiliao dans le Henan, en août 2005. Seule différence : le nombre de morts bien plus lourd ici – au point d’être resté secret aujourd’hui encore. A Jiliao aussi, des dizaines de reporters avaient défilé pour toucher leur enveloppe. Sauf Fan Youfeng, du Henan Business News, qui publia l’affaire de corruption, avec le soutien de son chef, Ma. Résultat à l’époque : un officiel du Département de la propagande descendit pour rétablir la discipline. L’article fut déclaré «faux, inapproprié». Fan fut « averti », et Ma, son chef, poussé à la retraite. Trois ans après, le débat est ouvert et -pour l’instant- la tutelle joue le jeu. L’enjeu de cette affaire très suivie, est le grand nettoyage du métier, et la liberté de la presse—l’un par l’autre. Le rôle de la crise, dans cette évolution soudaine, étant indiscutable : l’Etat, fragilisé, ne pouvant plus se permettre une perte d’image supplémentaire.

 

 


Temps fort : Paulson entonne en Chine son chant du Poenix

Avec l’Union européenne soudain, les rapports sont à l’orage.

On avait vu l’annulation du Sommet de Lyon (cf VdlC n°38) : Pékin voulait «punir» la rencontre Dalai-Sarkozy (6/12). Depuis lors, la presse des deux bords ne tarit pas de critiques mutuelles entre Pékin et Paris. Puis une série d’incidents dégrade la relation proverbialement paisible avec la Belgique. Le 27/11, l’annonce du passage à tabac d’un reporter flamand qui enquêtait sur le Sida au Henan, ne reçoit du pouvoir, qu’un démenti «étonné» – la Belgique demande des éclaircissements. Puis Pékin réclame une impossible compensation pour son assureur Ping An, suite à son désastreux investissement dans le groupe Fortis : le premier ministre belge Y. Leterme refuse. Leterme, qui vient de recevoir le Dalai-lama (3/12), ce qui a valu à Bernard Pierre, son ambassadeur, trois convocations en deux semaines. Puis c’est au tour du Parlement européen (4/12) de recevoir le pontife lamaïste. Dans l’hémicycle, des élus brandissent le drapeau blanc/jaune tibétain, mais personne l’étendard chinois : c’est un symbole criant de la perte d’une image durement gagnée en des années d’efforts. De part et d’autre, le courant ne passe plus : la Chine dénonçant des promesses non tenues, l’Europe se disant pressurée. Tout cela, il y a trois mois, n’existait pas : servant de révélateur, la crise a tout changé !

Avec les Etats-Unis, le climat est à l’autre extrême du baromètre : courtois et nostalgique. « Hank » Paulson, secrétaire au Trésor, venait (4-5/12), ancrer son héritage du Dialogue Économique Stratégique inventé par lui en 2006, réunissant depuis lors la moitié des deux cabinets chaque semestre. Une institution à grand succès, ayant permis de nombreuses institutions et projets mixtes, telle l’entrée dans le programme nucléaire chinois, jusqu’alors chasse gardée européenne.

Durant cette 5ème session on parla bien sûr du vieux sujet qui fâche, le Yuan trop bas, monté de 21% depuis 2005, mais redescendu de 3% juste avant la tenue du dialogue éco stratégique. Mais on avançait aussi dans les programmes d’économie d’énergie (autre dossier d’avenir), où Washington subventionnait de 0,56M$ un programme dans deux villes, de formation à l’architecture économisant l’énergie… Et contre la crise, Paulson et  Wang Qishan, vice 1er, nouveau « pape » de l’économie chinoise convenaient de dégager chacun 10MM$ de crédits des ExImbank respectives, pour financer les projets communs à l’avenir.

De l’avis d’un conseiller américain, ces accords étaient un «cadeau de départ» à Paulson, très apprécié de ce côté du Pacifique. Comme ses collègues, le secrétaire d’Etat prépare sa seconde vie (dans 43 jours), laissant entendre qu’il cherche un poste « en rapport avec la Chine, quoiqu’il ait du mal avec sa langue » (sic). Dans ce climat, Paulson et ses interlocuteurs, vécurent un sommet élégiaque, en vieux complices, contemplant leur oeuvre du passé, et leurs options pour l’avenir !

 

 

 


Petit Peuple : Shizhu — le médecin obstiné

En 1962 à Shizhu (bourgade dans Chongqing), Chen Zhenfu était médecin aux pieds nus, un de ces milliers de paysans infirmiers dont la qualité tenait plus au volontarisme révolutionnaire qu’aux études anatomiques, ce qui lui valait parfois des échecs face à ses malades.

Vers 1968, en pleine Révolution «culturelle» qui  empoisonnait tous les liens sociaux, un certain Tang, jurant de se venger du toubib maladroit, l’accusa publiquement d’avoir abusé dans son dispensaire d’une dizaine de patientes. Garde rouge virulent, l’homme faisait la pluie et le beau temps : Chen n’eut aucune chance ! 100 fois rossé, il fut condamné après parodie de procès à trois ans de «contrôle des masses», interdit d’exercer, assigné à comparaître devant d’ignobles meetings où il subissait insultes, horions et jets de pierre. Comme il s’était juré de n’avouer jamais, on en fit un bouc émissaire, qu’on traînait dans les rues de Shizhu un panneau pendu au cou, disant « je suis un pervers sexuel ». Devant 10.000 personnes, un jour, un soldat lui avait pressé le crâne au sol, de son godillot, pour lui faire cracher l’aveu : «jamais!», avait-il crié, fermant les yeux, persuadé que sa dernière heure était venue…

Pour le punir de ne pas s’être humilié en implorant sa grâce, on lui avait collé 8 ans de plus, au terme de la 1ère peine. Aujourd’hui encore, le vieillard redresse le front : «Je ne pouvais admettre ce que je n’avais pas fait ».

N’osant se rendre à l’hôpital après les coups, le docteur déchu se soignait aux décoctions d’herbes de montagne —qui le laissèrent estropié, comme sa femme, tabassée parce qu’elle le défendait. Leurs sept  enfants, brimés par les «copains», s’enfuirent de l’école dès qu’ils purent, analphabètes.

Si Chen Zhenfu avait tant de misère, c’est que son calomniateur était un petit chef, que nul ne pouvait contredire sans danger. Le plus sûr moyen d’éviter le sort de Chen, était d’aboyer avec les loups. En chinois, cela se dit «montrer le cerf pour désigner le cheval» (zhǐ lù wèi mǎ 指鹿为马)… C’était la « longue et dure guerre entre violence et vérité », de Blaise Pascal…

En 1973, sentant que le mouvement s’épuisait, Chen passa à la contre-attaque, déposant en justice des demandes en révision à la chaîne. Il tenta de monter à Pékin, espérant en appeler auprès de Mao : mais ses tortionnaires le rattrapèrent, et le battirent encore.

1976 vit planer un espoir : on allait lui rendre sa pratique, et le verdict serait infirmé. Mais ce fut pour mieux l’accuser ensuite, d’être de la bande des quatre – tout était à recommencer.

En ’78 enfin vint la réhabilitation, assortie d’une famélique pension de cadre. A l’aide de sa femme et de ses deux fils, il pouvait enfin rouvrir un cabinet. Mais le texte omettait de résilier le verdict infamant des pseudo-viols. La justice préférait peut-être laisser l’accusa-teur Tang vivre en paix le temps le séparant encore de ses ancêtres. Et éviter de faire planer toute ombre sur l’Etat…

Enfin, dit Le Soir de Chongqing, Chen vient d’obtenir satisfaction : 40 ans après… . Le tribunal de Shizhu l’absoud, quoiqu’en d’étranges termes – toujours selon ce souci d’épargner la chose publique : oui, l’accusation de viol était fausse, mais Zhenfu était lui-même un «obstiné», à qui la Cour donne raison, juste pour satisfaire son caprice enfantin…

Mais qu’importe cette dernière mesquinerie : à la lecture du jugement, Chen pleurait de soulagement, témoignant qu’il pouvait mourir désormais l’âme en paix. Tandis que témoins et journalistes ébahis, goûtaient avec lui la victoire de cette rui-ne humaine, ayant sauvé sa dignité contre un demi-siècle de méchanceté.

 

 


Rendez-vous : A Shanghai, le Salon Automechanika

8-11 décembre,  Pudong Shanghai : Industrial Properties

10-12 décembre, Shanghai : Automechanika

11-12 décembre, Chengdu, Salon de l’industrie pharmaceutique

13-16 décembre, Pékin, Salon du cuir et de la fourrure