Culture : Cinéma : le critique critiqué

Cinéma : le critique critiqué

Difficile fin d’année pour les ex-enfants (parfois terribles) du 7ème art : les réalisateurs Zhang Yimou, Wong Kar-wai et Jackie Chan, après avoir longtemps raflé les statuettes d’or à  Cannes, Venise et Berlin, font un bide.

En dépit des fortunes grillées sur leur tournage, La grande muraille, See you tomorrow et Railroad tigers ne déplacent pas les foules. La grande muraille, superproduction sino-US anglophone avec Matt Damon a coûté 150 millions de $. Mais les critiques sur la toile ne se privent pas de diffuser des amabilités du genre, pour ce film « des personnages pâles, un scénario pauvre, une carence imaginative ». See you tomorrow, comédie romantique n’est pas mieux traité, écopant sur le site web Douban d’une étoile sur cinq.

Du coup, l’intelligentsia du ministère de la Culture se rebiffe. C’est que les groupes soutenant ces productions sont les poids lourds du régime, Wanda pour le premier et Alibaba pour le second. Ensemble, ils représentent le pilier central du programme de Xi Jinping pour offrir à la société chinoise, voire à l’export, une production cinématographique sous contrôle et de niveau international. Mais avec ce feu nourri de flèches des critiques, tout le concept est contesté, ce qui est inacceptable.

Aussi la riposte vient avec la nomination d’une commission de 19 critiques cinématographiques ou intellectuels en vue, qui se met sans tarder à la tâche de dénoncer les critiques—accusés de salir Zhang Yimou et sommés de faire des excuses. Sur internet, des voix s’élèvent contre l’offensive publique : à trop protéger le cinéma officiel de l’opinion, la censure ne lui rend pas service…

Toute l’affaire, cependant, comporte une face cachée. En 2016, le box-office chinois qui progressait depuis 10 ans de 30%, s’est effrité, stagnant à 3%. La chute est due au gouvernement lui-même, qui a sagement mis fin à une vieille pratique pernicieuse de distribution de tickets gratuits ou en promotion sur internet, afin de gonfler les scores.

Dans ce climat actuel, seuls les bons films comme ceux de Hollywood (cf Zootopia de Disney, 236 millions de $ en 2016) tirent leur épingle du jeu. En de telles circonstances, le pouvoir cherche les coupables : les critiques bien sûr, mais en aucun cas les films eux-mêmes ni leurs auteurs.

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