Monde de l'entreprise : Le sauvetage de Carrefour en Chine voué à l’échec ?

Le sauvetage de Carrefour en Chine voué à l’échec ?

Les hypermarchés Carrefour au bord de la fermeture ? C’est la rumeur qui court depuis quelques semaines. Inquiets, les clients se sont empressés d’aller en magasin utiliser leurs cartes prépayées. Faute de réassort, certains rayons restent désespérément vides…

De fait, trois ans après sa vente au spécialiste de l’électroménager Suning.com, Carrefour-Chine semble bien mal en point. L’équipe dirigeante quitte le navire et les fermetures d’établissements s’enchaînent. De 205 hypermarchés fin 2021, le groupe n’en opère plus que 131 début février. C’est deux fois moins qu’à son apogée en 2017.

Débarqué dès 1995 dans l’Empire du Milieu, Carrefour (家乐福 ; jiālèfú) a rapidement connu le succès en y exportant le concept d’hypermarché, alors inconnu en Chine. Le groupe a su convaincre les consommateurs chinois par son offre de produits frais dans un environnement soigné et par ses prix maîtrisés.

Après deux décennies d’expansion, les choses ont commencé à se gâter pour l’enseigne française. Faute de continuer à innover et ratant le coche du numérique, Carrefour a subi de plein fouet la concurrence du e-commerce et des nouveaux modèles de distribution. Lorsque le groupe a lancé sa propre application mobile et ouvert ses premiers magasins de proximité en libre-service en 2014, il était déjà trop tard… L’année suivante, Carrefour-Chine commençait à perdre de l’argent. Pour rester compétitifs, une alliance s’imposait.

A l’époque, un certain Jack Ma, fondateur du leader du e-commerce Alibaba, voulait venir bousculer le modèle de la distribution traditionnelle en lançant sa propre chaîne de supermarchés « connectés », prénommée Hema.

Sans aucune connaissance des métiers de la grande distribution, il sollicitait Carrefour pour mener à bien ce projet. Mais les négociations ont traîné en longueur et le partenariat est finalement tombé à l’eau, sans savoir que cette opération aurait sûrement pu changer le destin du groupe en Chine !

A court d’options, le conseil d’administration de Carrefour acceptait alors de céder pour 4,8 milliards de yuans (699 millions de $ à l’époque) 80 % des parts qu’il détenait dans sa filiale chinoise à Suning.com, le « Darty » chinois dont l’actionnaire majoritaire n’est autre que… Alibaba. Ainsi, le groupe se retrouvait donc indirectement dans le giron du conglomérat qu’il avait plus tôt boudé.

Pour Suning, l’ambition était de rajeunir le réseau d’hypermarchés de Carrefour-Chine en les transformant en centre commerciaux de proximité « où l’offre de services (jeux pour enfants, restauration…) donne aux clients une raison d’être là ».

Cependant, force est de constater que le conglomérat du Jiangsu n’a pas réussi à redresser la barre de Carrefour en Chine. La pandémie y est pour beaucoup, faisant plonger la fréquentation dans les hypermarchés pendant deux longues années. Résultat : les comptes du groupe sont plus que jamais dans le rouge, avec des pertes estimées à 11,5 milliards de yuans (1,69 milliard de $) en 2022. Suning lui-même est criblé de dettes et a dû accepter en 2021 un sauvetage financier orchestré par le gouvernement provincial pour ne pas faire faillite…

Au final, malgré une meilleure compréhension du marché chinois, Suning a bien peu de chances de sauver le soldat « Carrefour ». La mort annoncée du vétéran du secteur de la distribution sonne le glas du modèle des hypermarchés en Chine, supplanté par d’autres formats tels que les achats groupés, « l’instant retail », les supermarchés dédiés aux produits frais, les « clubs-entrepôts » (Sam’s Club, Costco…) ou encore les commerces de proximité, mieux adaptés aux consommateurs chinois d’aujourd’hui. La saga de Carrefour dans l’Empire du Milieu restera néanmoins un cas d’école.

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