Editorial : Disparition du « parrain » de la tech chinoise

Disparition du « parrain » de la tech chinoise

« China Renaissance n’est pas en mesure de contacter Bao Fan ». C’est par ce communiqué laconique que la banque d’investissement a annoncé le 16 février au soir que son PDG était « incommunicado », tout en précisant que cette « indisponibilité n’était pas liée à l’activité ou aux opérations de la société, qui se poursuivent normalement ».

C’est le quotidien économique Caixin qui aurait poussé le groupe à rendre cette information publique, ses sources lui rapportant que Bao Fan n’avait pas été vu depuis plusieurs jours…

Le milliardaire rejoint ainsi la longue liste des hommes d’affaires ayant momentanément disparus ces dernières années, invités par les autorités à « prendre le thé ».

Le sort de ces tycoons varie du tout au tout. Le patron du conglomérat Fosun, Guo Guangchang, impossible à contacter pendant quelques jours fin 2015, en était ressorti indemne.

Le fondateur d’Alibaba, Jack Ma, absent de la vie publique pendant trois mois fin 2020, a payé son « arrogance » au prix fort, puisque l’introduction en bourse d’Ant Group a été stoppée en dernière minute. Il a également été contraint de céder ses parts dans la société.

Mais ce n’est rien comparé à Xiao Jianhua, « banquier de l’élite rouge » enlevé d’un hôtel hongkongais en 2017 puis condamné à 13 ans de prison l’été dernier, tandis que sa société, Tomorrow Holdings, a dû s’acquitter d’une amende de 8 milliards de $.

Après un passage chez Morgan Stanley et au Crédit Suisse, Bao Fan (包凡) a fondé China Renaissance, ou Huaxing (华兴) de son nom chinois, en 2005. Le succès du fonds d’investissement doit beaucoup à l’entregent de son PDG, qui entretient des relations personnelles avec les patrons des BAT (Robin Li de Baidu, Jack Ma d’Alibaba et Pony Ma de Tencent) et les a conseillés dès le début des années 2000. D’où son surnom de « parrain » de la tech chinoise.

C’est ainsi que Huaxing a notamment levé des fonds pour le compte de la plateforme de e-commerce JD.com et orchestré des fusions entre plusieurs géants de l’Internet chinois (Dianping et Meituan, Ctrip et Qunar, Didi et Kuaidi Dache, 58.com et Ganji.com…).

Le groupe a également représenté le champion des VTC, Didi Chuxing, lors de son introduction en bourse de New York, malgré les réserves émises par Pékin. Résultat : l’Uber chinois était contraint de se retirer de Wall Street onze mois plus tard…

La disparition de Bao Fan peut-elle avoir un lien avec la mésaventure de Didi ou plus largement avec les activités de China Renaissance auprès des géants de la tech, victimes d’une reprise en main du gouvernement ces dernières années ?

D’après plusieurs sources, elle serait plus probablement liée à la détention en septembre dernier du président de Huaxing Securities, Cong Lin, à la suite d’une enquête sur ses activités quand il était encore à la tête de l’unité de leasing de la banque d’État ICBC.

Ce n’est pas un cas isolé. Des dizaines de cadres et de dirigeants de la banque Minsheng Leasing, de la Bank of Communications Leasing, de la CITIC Leasing, d’Everbright Securities, mais aussi de l’Exim Bank ont été mis sous enquête ces derniers mois.

Ce n’est pas non plus une surprise. La Commission Centrale pour l’Inspection de la Discipline (CCID) avait déjà annoncé que le secteur de la finance, tout comme celui des semi-conducteurs ou des céréales, feraient l’objet d’une attention particulière de la part de ses inspecteurs, l’objectif étant de « purifier » tout secteur considéré comme « sensible » ou « stratégique » aux yeux du leadership.

Cependant, tant que les hommes d’affaires continueront de disparaître ainsi, il sera difficile pour le gouvernement de prétendre vouloir soutenir l’essor du secteur privé.

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