Politique : Procès mystère de Xiao Jianhua, le « banquier des princes rouges »

Procès mystère de Xiao Jianhua, le « banquier des princes rouges »

L’affaire devrait se terminer de façon tout aussi mystérieuse qu’elle avait commencée. Il y a cinq ans et demi, le multi-milliardaire Xiao Jianhua (肖建华), fondateur de Tomorrow Holdings, était filmé par une caméra de sécurité en train de quitter l’hôtel Four Seasons à Hong Kong, en fauteuil roulant (quoiqu’il soit valide), visage dissimulé par une serviette, et entouré d’une demi-douzaine d’hommes. Ils s’avèreront en fait être des agents chargés de le ramener en Chine continentale pour l’interroger… Un rapt qui avait fait beaucoup de bruit à l’époque, les autorités chinoises n’étant pas censées intervenir dans le territoire « semi-autonome ».

Durant les 66 mois qui suivirent – délai qui dépasse tout cadre juridique –, aucune information ne fuita sur le sort de Xiao Jianhua, si ce n’est qu’il fut transféré d’un lieu de détention (à Suzhou) à un autre (à Shanghai) et qu’il « coopère avec l’enquête ». Pendant ce temps, son empire fut soigneusement démantelé par les autorités au nom de l’impératif de « stabilité financière ».

Bien qu’aucune annonce officielle n’ait été faite, les autorités consulaires canadiennes (dont Xiao Jianhua détient la nationalité depuis 2015) ont appris que son procès aurait finalement débuté à huis clos à Shanghai le 4 juillet. Les chefs d’accusation n’ont pas été rendus publics. Toutefois, le WSJ rapporte qu’il serait jugé pour « détournement de fonds publics » ce qui pourrait lui valoir au moins cinq à dix ans de prison.

Officieusement, Xiao Jianhua serait accusé par Pékin d’être impliqué dans la chute de la Bourse de Shanghai à l’été 2015. À l’époque, elle avait perdu près de 40 % en un peu plus de deux mois du fait de manipulations de cours. Un épisode que plusieurs analystes avaient alors interprété comme une tentative de déstabilisation de Xi Jinping par le « gang de Shanghai », associé à l’ancien Président Jiang Zemin.

Xiao Jianhua n’est pas le seul tycoon à s’être fait prendre dans les filets de l’anti-corruption à cette période. Wu Xiaohui, patron de l’assureur Anbang, sera condamné à 18 ans de prison, Ye Jianming, fondateur de CEFC, écopera de la perpétuité, tandis que Lai Xiaomin, à la tête de l’organisme de défaisance Huarong, sera exécuté en janvier 2021.

Né en janvier 1972 dans une famille de paysans du Shandong, Xiao Jianhua est un enfant surdoué. Ses prédispositions lui permettront d’intégrer dès l’âge de 14 ans, la fac de droit de la prestigieuse université Beida (Pékin). Président de l’association étudiante lors du printemps de Tiananmen en 1989, Xiao refusera de soutenir le mouvement et choisira de rester loyal au gouvernement. Admirateur de Warren Buffett, il bâtira sa fortune en investissant dans les banques, l’assurance et l’immobilier. En 2016, Xiao Jianhua était le 32ème homme le plus riche de Chine avec un patrimoine net estimé à 5,8 milliards de $.

Avant son arrestation en 2017, il était considéré comme le banquier personnel de l’élite « rouge », comptant parmi ses clients d’anciens dirigeants du Parti et leurs familles. Il a notamment aidé le fils de l’ancien vice-président Zeng Qinghong (un lieutenant de l’ex-Président Jiang Zemin) à privatiser Luneng, groupe public d’électricité du Shandong en 2007, mais aussi la sœur aînée et le beau-frère du Président Xi Jinping à se débarrasser de leurs parts dans un consortium financier, avant son avènement au pouvoir en 2013.

En tant qu’intermédiaire financier, Xiao Jianhua connaissait donc certainement des secrets embarrassants sur bon nombre de personnalités de tout « bord politique », de la Ligue de la Jeunesse, base de pouvoir de l’ex-Président Hu Jintao, à la « clique de Shanghai » de Jiang Zemin.

Désormais aux mains de Xi Jinping, toutes ces informations peuvent s’avérer extrêmement précieuses, surtout à la veille du conclave de Beidaihe et à trois mois du XXème Congrès. Elles sont en effet autant de preuves de la corruption des adversaires politiques du Président. Xi Jinping, qui brigue un 3ème mandat, pourrait donc s’en servir afin de les dissuader de s’opposer à sa réélection ou à ses choix de promotion. De ce fait, le procès de Xiao Jianhua ainsi que les récentes directives visant les membres de la famille des dirigeants peuvent être interprétées comme des mises en garde de Xi à ses opposants. La chute d’un autre « tigre », haut cadre du Parti, avant le XXème Congrès, n’est pas non plus à exclure…

Quant au procès de Xiao Jianhua, difficile de prédire si la sentence sera sévère ou non : cela dépendra de l’importance des renseignements livrés par Xiao, mais aussi des forces politiques encore capables de le soutenir… Le dénouement est proche !

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1 Commentaire
  1. severy

    À force de faire le vide autour de lui, Xi Jinping court le risque de manqier d’oxygène.

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