Le Vent de la Chine Numéro 3-4 (2017)

du 23 janvier au 13 février 2017

Editorial : Un cocorico écarlate

Adieu au Singe, bonjour au Coq, le 27 janvier à minuit ! Animal populaire et bienveillant, le 10ème signe du zodiaque chinois est solaire, viril, amusant, franc et loyal, dur à la tâche. Mais en contrepartie, il exige l’attention et pêche par vanité et vantardise. Sa crête, signe distinctif de pouvoir, lui réserve des métiers, tels ceux d’administrateur, de soldat, de policier.
Parmi les personnages célèbres nés sous ce signe figurent Mencius disciple de Confucius, Xuanzong l’empereur de la dynastie Tang, et plus proches de nous, Faye Wong la chanteuse pop, Fang Bingbing l’actrice, ou encore Li Xiaopeng le gymnaste !
L’an 2017 est centré sur l’élément du feu, ce qui est rare – pas d’interférence de l’eau, de l’air, de la terre ou du métal. Ce phénomène induira de grandes déclarations (souvent stériles) de leaders politiques, tels R. Duterte aux Philippines, ou D. Trump… Ce déséquilibre exacerbera également les tensions dues aux flux migratoires et au changement climatique.

Le fameux Feng Shui Index de CLSA (Hong Kong), prévoit un début d’année boursier au calme, avec pic en été, suivi d’un grande volatilité en fin d’année. Au 1er trimestre fleuriront les activités liées à la Terre (immobilier, agriculture, mine, renouvelables) puis au 2nd, celles liées au Bois (commerce, santé), suivies au 3ème et 4ème par celles liées au Feu (high-tech, énergies, services publics). Astromanciens et maîtres du Fengshui recommandent  donc de lancer ses projets de 2017 avant le Nouvel An chinois ! 

Le Chunjie, c’est aussi le traditionnel moment du retour au bercail, bras chargés de vivres et de cadeaux, tandis que les villes se vident… En 40 jours de fêtes, le nombre de voyages attendus devrait atteindre les 3 milliards (+2,2% par rapport à 2016), dont 84,6% effectués en bus, traversant tout le pays, souvent affrétés par les villages. Le covoiturage débute aussi, par l’entremise d’applications smartphones telles didichuxing. Toujours connectés, nombre de jeunes vont louer un (une) éphémère fiancé(e), histoire de faire avaler à leurs vieux parents la chimère d’un mariage proche…

Pas de Nouvel An sans pétards, pour barrer aux démons l’entrée dans l’an neuf. Cette année plus que d’autres, l’Etat est partagé entre son désir de  protéger le peuple contre la pollution de milliards de feux d’artifice en quelques jours, et celui de le laisser se défouler. Le Henan n’est sans doute pas le seul a avoir banni les pétards, avant de se déjuger suite aux protestations indignées des foules – aiguillonnées par les 250 vendeurs ayant déjà fait leurs stocks (pour 750 millions de ¥).

A cette période, le Parti souhaite donc se sentir proche du peuple. Il multiplie les consignes de souplesse souriante chez les cadres, les mesures faisant consensus.

En environnement, que de bonnes nouvelles ! Sous le Coq, la ville de Pékin investira 2,6 milliards de $ pour lutter contre la pollution de l’air. Elle  compte réduire sa pollution de 15%, pour arriver à un indice moyen de 60 PM2,5 (contre 73 microgrammes en 2016). Et un filtre à air vient d’être inventé, à base de protéines de soja, bloquant 99,94% des particules µ2,5….
La CFDA (agence de Sécurité alimentaire) fait des heures supplémentaires pour mettre un terme aux fraudes alimentaires dans les restaurants et commerces – un réseau de fausses sauces soja (fabriquées à partir de sel industriel) vient d’être démantelé à Tianjin.

Enfin, la presse chante le comportement civique d’un bon samaritain, ayant appris qu’un balayeur de rues de 70 ans avait perdu ses 3360 yuans de trois mois de salaire, et qui organisa une collecte sur WeChat afin de lui rendre son pécule et de quoi fêter son nouvel an. La Chine ainsi s’émeut, et se réconcilie avec sa propre vertueuse image !


Politique : Xi, débonnaire à Davos, raide à Pékin

Xi Jinping arborait l’insolite double visage d’un leader souriant à Davos (Suisse) le 17 janvier, et rigoriste à Pékin. L’observateur politique chinois Zhang Lifan, voit en cette dualité l’indice d’un « sentiment d’angoisse, voire de crise », d’un homme pressé par l’échéance du XIXème Congrès en octobre, et qui ne peut se permettre de gérer à la fois des conflits sur la scène internationale, en plus de la tension interne. Xi avait besoin de séduire et il l’a fait—non sans brio. Face au Gotha des décideurs mondiaux, Xi vendit avec succès son offre de coopération « main dans la main » à la communauté des nations. Si ce vibrant appel au secours de la mondialisation économique était venu d’un leader européen, il aurait pu paraître banal. Mais il surprit plus, émanant d’un 1er Secrétaire du Parti Communiste, en croisade pour le renforcement du libre-échange. Xi défendit l’innovation partagée entre continents, une gouvernance globale sous l’égide de l’accord RCEP (et non de son rival TPP, le projet de B. Obama que son successeur D. Trump s’apprête à enterrer), et le combat climatique. Xi avança aussi plusieurs offres inédites : celles d’un traité planétaire d’éradication des armes nucléaires, d’une solution négociée (par entremise chinoise) à la crise ukrainienne, ou d’un divorce à l’amiable entre l’U.E. et Londres—c’était quelques heures avant l’annonce par Theresa May de sa décision de passer par un Brexit dur.

Ces propos auraient fait moins d’impression et eu moins de succès, sans de soigneux préparatifs du pouvoir chinois, et un compte à rebours pour coïncider avec le discours du Président.

En effet, le jour même de sa présentation, le Conseil d’Etat chinois promulguait une importante « notice pour renforcer l’attractivité de l’investissement étranger », qui ouvrirait aux firmes étrangères deux douzaines de marchés de biens et de services, jusqu’à présent chasse gardée de l’économie d’Etat. Xi avait annoncé ces mesures en prédisant, au cours des cinq années du 13ème Plan (2017-2022) : « nous dépenserons 8000 milliards de $ en produits américains, recevrons 600 milliards de $ en investissements des USA et investirons nous-mêmes 750 milliards hors frontières ». Autant d’annonces affûtées pour valider le message d’une Chine engagée dans le combat contre le protectionnisme, à commencer sur son propre sol.

Davos a aussi été l’occasion d’entrevoir les conséquences du Brexit et de la victoire électorale de D.Trump.

Aux Etats-Unis, dans l’équipe du Président (intronisé le 20 janvier), les piques polémiques se poursuivent : Wilber Ross, le futur Secrétaire au Commerce, promet une chasse aux subventions illicites chinoises, et décrit la Chine comme « la plus protectionniste des grandes économies ». A Davos, Jack Ma, patron d’Alibaba qui a déjà rencontré Trump, a voulu rassurer : entre Chine et USA, il n’y aura « jamais » de guerre commerciale, il faut « laisser du temps à Trump, homme ouvert d’esprit ».

Face au Royaume-Uni, la Chine suit les préparatifs des banques londoniennes pour déménager leurs services internationaux à Paris (HSBC), Francfort ou Dublin. Pour Londres qui rompt les amarres, un traité de libre-échange avec Pékin devient urgent. Mais pour Pékin qui avait mis à Londres ses leviers de commandes économiques vers l’Europe, tout est à recommencer…

Au final, tout ceci éclaire sur une l’image que Xi a choisi de montrer à Davos : celle d’une Chine bienveillante, et présente, face à une Amérique grinçante, et absente.


Juridique : Tribunaux — demi-tour, droite !

La nomination de Zhou Qiang, de réputation progressiste comme « juge suprême » en 2013, avait éveillé des espoirs d’une justice plus autonome.
Ces espoirs disparaissent après le rejet le 14 janvier par Zhou de toute « idéologie de démocratie constitutionnelle, justice indépendante et séparation des pouvoirs ». Tout manquement au travail idéologique doit être puni – ainsi que toute atteinte à l’image publique des héros et des leaders. Les juges doivent renoncer à toute velléité d’indépendance, « idée erronée occidentale ».
Pour l’intellectuel américain J. Cohen, ces positions rétrogrades marquent le deuil de décennies de réforme du système judiciaire. Dès le lendemain de sa publication, la position de Zhou Qiang était dénoncée par la pétition d’une douzaine d’avocats héroïques, sans égard pour leur propre sécurité.
Pourquoi ce raidissement ? Il pourrait être en lien avec une campagne anticorruption déployée dans l’administration judiciaire, qui chercherait par ce biais à se mettre à l’abri. Zhou pourrait aussi œuvrer pour conserver son poste après le XIXème Congrès.
L’explication la plus plausible vient d’un expert outre-Atlantique : Zhou  avertirait les juges en proie à une discrète fièvre contestataire, aux deux motivations distinctes :
– 15% d’entre eux, séduits par un chant de sirènes démocratiques ;
– 85% aux tribunaux surchargés de cas, qui tentent de faire leur travail et s’irritent des « comités judiciaires », du Parti dans leurs prétoires. C’est là où se décident les verdicts, qu’eux-mêmes doivent ensuite exécuter. Comités qui sont aussi l’enceinte invisible de la corruption dans les prétoires. Ceci explique cela…   


Monde de l'entreprise : Le new deal… en pointillés
Le new deal… en pointillés

Le 17 janvier, en résonance au discours de Xi Jinping à Davos, le Conseil d’Etat et la SASAC amorcèrent un tournant important sur les investissements étrangers en Chine, et ceux des consortia publics hors de Chine. C’est l’œuvre de Li Keqiang, Premier ministre qui s’efforce depuis 2013 de déréguler et ouvrir le marché chinois. Efforts longtemps vains : Li a semblé jusqu’à hier marginalisé et vulnérable. Mais ici, il reprend l’initiative, en binôme avec Xi Jinping, et donc en meilleure posture pour conserver sa place durant le prochain quinquennat.

La « notice pour renforcer l’attractivité de l’investissement étranger » consiste en un appel aux ministères et aux provinces pour réaliser, chacun dans leur domaine, la parité entre firmes étrangères (enregistrées et productives en Chine) et locales. Ceci vise à supprimer les mesures discriminatoires, notamment financières, aux grands groupes mais aussi aux PME technologiques.

En industrie, la notice promet aux entreprises étrangères les primes réservées aux chinoises dans les secteurs du plan Made in China 2025, tels les industries high-tech, la connectique et l’équipement « vert » ; l’accès aux projets nationaux de R&D, avec primes et exonérations d’impôts. Seront ouverts les secteurs du tramway, de la moto, de l’éthanol, de l’huile de cuisine, les nouveaux hydrocarbures et autres minéraux spéciaux, secteurs fermés jusqu’alors. Les JV d’hydrocarbures n’auront plus besoin de licence.

Dans les services, la liste est plus impressionnante, s’agissant de domaines jusqu’alors étatiques, et trustant la croissance la plus forte : sont ouverts la finance de type bancaire, les titres, fonds d’investissement, marchés à terme, l’assurance et ses agences, notation, comptabilité et audit, architecture, navigation, télécoms, services internet, culturels et d’enseignement.

Des incitatifs iront aux étrangers pour investir dans les infrastructures : énergie, transports, eau, environnement, services municipaux.

Provinces et métropoles ne devront plus faire de discrimination—la firme étrangère devra être consultée en cas de politique nouvelle dans son domaine. Ministères, provinces devront harmoniser leurs normes, et les justifier par une « transparence » accrue – gommer leur réputation d’obstacle non tarifaire.

Les firmes étrangères produisant en Chine devront avoir accès égal aux appels d’offres centraux ou provinciaux, et pouvoir émettre des actions et obligations en bourses de Shanghai, de Shenzhen et à la  nouvelle 3ème bourse de gré-à-gré (OTC). En tout domaine financier, les seuils de capitaux disparaîtront, sauf si requis par d’autres politiques, et les firmes étrangères et locales seront bientôt soumises à un enregistrement unifié.

Dans le même ordre d’idées, la vie des firmes expatriées sera facilitée par une série de mesures nullement négligeables tels l’accès au foncier à prix rogné jusqu’à 30% par rapport au marché, à des visas « améliorés » pour les expatriés et leurs familles, et la latitude pour les provinces en développement (Ouest, Nord-Est), et de leur offrir des primes et incitations plus fortes.

Pour toutes ces idées, la « notice » n’indique aucune échéance, ni le moindre chiffre. Ce sera aux ministères et aux provinces de compléter les pointillés, sans la moindre date limite annoncée. Aussi l’entrée libre en bourse n’est pas pour demain —d’autant qu’elle aura une incidence, par jeu de poids et de poulies, sur la convertibilité du yuan. Elle forcera aussi les consortia à accélérer leur assainissement aujourd’hui de lent à nul, au risque de voir tous les petits porteurs se ruer sur le titre étranger, mieux géré et moins à risque de délits d’initiés.

Enfin, très nettement, par sa « notice », le tandem Xi-Li vise deux lièvres à la fois :

– les PME mondiales, beaucoup trop peu présentes en Chine vu le risque,

– et l’érosion générale de l’investissement étranger qui baissait en 2016 à +4,1% et 118 milliards de $, contre +6,4% en 2015. En ce dernier point, le dernier sondage de la Chambre de Commerce Américaine en Chine, sur le moral des firmes US expatriées est édifiant : 80% considèrent y faire « moins de profits qu’ailleurs au monde », 60% n’ont plus confiance dans les promesses d’ouverture, et seuls 56% placent le marché chinois comme prioritaire à l’avenir, contre une moyenne de 75% des dernières années. On comprend donc le sentiment d’urgence chez les autorités chinoises, et le scepticisme chez les étrangers !

L’autre initiative, de la SASAC est encore plus discrète et sibylline : car Pékin s’attaque ici, de front, aux privilèges des 106 grands groupes publics sous sa tutelle. Par deux documents du 17 janvier, la SASAC annonce qu’elle leur interdira ou limitera l’investissement hors frontières dans l’immobilier, ainsi que dans l’énergie et la mine, domaines « très polluants » et « ayant une influence sur les cours mondiaux ». Par contre, elle encouragera les placements dans les domaines des filières technologiques nationales : TGV, centrales nucléaires, lignes à super-haute tension, ainsi que les routes, canaux, et télécoms, selon les révélations de Huang Danghua, vice-présidente de la SASAC.

Cette initiative de l’Etat était à vrai dire attendue, depuis 2016 où les pouvoirs publics n’avaient pas pu empêcher la fuite des capitaux, avec une hausse de 44% des investissements directs non financiers à 170 milliards de $. On note aussi une intéressante préoccupation d’assujettir les consortia à des règles « morales » identiques en Chine et en dehors, et de décourager les comportements de « flibustiers » des consortia dans les pays pauvres.

Enfin, tout ceci reste largement théorique, sous réserve d’inventaire. Selon l’adage, « l’enfer est dans les détails », lesquels pour l’instant brillent par leur absence.


Sport : Football – Un rêve à qui perd gagne ?

Depuis son arrivée au pouvoir en 2013, Xi Jinping rêve de hisser son pays au podium des puissances du football : la seule reconnaissance mondiale qui manque encore à son palmarès. L’opinion elle non-plus ne peut supporter la place du Onze national au classement FIFA81ème derrière des pays tels les îles Cuiraçao, Haïti ou l’Ouzbékistan –ni la quasi-certitude d’avoir raté la qualification en Coupe du Monde de 2018, après le dernier match perdu contre la Syrie…

C’est ce qui explique la ruée des clubs chinois lors du mercato d’hiver, débauchant des joueurs étrangers pour la saison 2017 de la Super League (CSL). Cette stratégie du carnet de chèques reflète le désespoir du ballon rond chinois à trouver la formule gagnante.

Le 29 décembre, l’attaquant argentin Carlos Tevez signait avec le Shanghai Shenhua et devenait à 33 ans, le joueur le mieux payé au monde avec 40 millions d’€ par saison. Il y a encore deux ans, les clubs chinois recrutaient des sportifs en fin de carrière (comme Drogba et Anelka au Shanghai Shenhua en 2012), leur offrant un pont d’or contre quelques années de pantouflage.

A présent, la stratégie évolue : ces clubs visent aussi des jeunes au fort potentiel, tel le Brésilien Oscar, 25 ans (cf 1ère photo), de Chelsea (Londres) parti le 2 janvier au SIPG (Shanghai International Port Group), payé 24 millions d’€/saison, ou encore l’international belge Axel Witsel, 28 ans (au centre de la photo ci-dessus), troquant début janvier le Zénith de St-Pétersbourg pour le Tianjin Quanjian à 18 millions d’€/an.

Mais le football européen, après quelques mois de surprise, s’organise – la riposte s’engage, les clubs prenant conscience du danger. Arsène Wenger, entraîneur d’Arsenal, s’inquiète de voir partir ses meilleurs joueurs, au risque de tout perdre, victoires, suprématie, voire même ses 74 millions de $ de recettes de droits mondiaux de diffusion télévisée. « Il y a distorsion, selon Wenger, l’avenir de la Premier League n’est pas assuré ! ». Une barrière coupe-feu s’érige au sein des clubs. Après avoir laissé partir Oscar, Chelsea prévient les autres candidats à la défection que s’ils se laissent tenter par la Chine, leur carrière s’arrêtera là – sous-entendu, plus aucun club du Royaume-Uni voire d’Europe n’acceptera plus les transfuges !

Résultat de cette mise en garde en forme d’ultimatum, Ronaldo rejette peu après un contrat chinois à 100 millions d’€ (d’un club anonyme), l’attaquant belge Christian Benteke, repousse 47 millions du Beijing Guo’an, et Rodriguez dédaigne 30 millions du Hebei Fortune pour rester au Real Madrid…

Cela dit, les autorités chinoises semblent prendre conscience de l’échec de la stratégie où plus l’on dépense et plus l’on perd. Le Quotidien du Peuple dévoilait que 80% des 4.1 milliards de ¥ dépensés par les clubs de CSL en 2016, sont passés en recrutement de joueurs et entraîneurs étrangers, et les adjurait de cesser de «flamber du cash », tout en appelant l’Etat à fixer un «salaire plafonné » et une «enveloppe maximale» aux transferts. Le Centre de Management du Football lui, co-gestionnaire du secteur, était simplement démantelé (9 janvier), histoire d’introduire un degré d’autonomie supplémentaire des clubs et éliminer une source de corruption.

En outre le 15 janvier puis le 19, la China Football Administration (CFA) édictait de nouvelles règles de fonctionnement des clubs (en 18 points) et de recrutement de joueurs étrangers. Jusqu’alors, les clubs de Super League avaient pu titulariser trois étrangers + un joueur d’un pays « affilié à la Confédération asiatique », et un 5ème comme remplaçant. Désormais, les clubs peuvent toujours en recruter cinq (et seraient taxés au-delà de 30 millions de $ par transfert) mais ne peuvent en aligner que trois par match, et un minimum de deux jeunes licenciés chinois de moins de 23 ans devront figurer sur la feuille de match, dont au moins un en début de rencontre.

L’annonce tardive, à six semaines de l’ouverture de la saison (5 mars) oblige les clubs à bouleverser leurs plans de recrutement : la vague de transferts étrangers capote soudain. C’est un pari du niveau central contre les clubs dont les patrons se lamentent, tel Su Yuhui, président du Tianjin Quanjian : à court terme, ce quota d’étrangers pourrait avoir «des effets négatifs sur le niveau de jeu ». Mais à plus long terme, c’est peut-être une solution, en forçant les clubs à former leurs jeunes, à travailler sur l’esprit d’équipe et la montée en confiance collective, des données jusqu’à aujourd’hui peu prises en compte. À terme, ce serait une véritable base pour une sortie d’enfer de l’équipe nationale.

Enfin le 17 janvier, la  CFA publiait ses comptes— une première ! 780 millions de ¥ de revenus en 2016 (+2% par rapport à 2015), et 670 millions de ¥ de dépenses escomptées en 2017 (150% du chiffre de 2016). C’est un pas vers la transparence, témoignant d’un vrai désir de changement d’image et de prise de distance par rapport aux «sifflets noirs » (arbitres vendus) et à la  corruption… Bien que peu de détails ont filtré sur ce budget, il fait clairement la part belle aux vœux du chef de l’Etat de convertir le football en véritable  sport de masse : d’ici 2020, 50.000 entraîneurs en place doivent être formés, 70.000 terrains créés, et 15.000 écoles devront avoir intégré le ballon rond à leur cursus, histoire d’éveiller la flamme en la jeunesse chinoise !


Automobile : L’EV, voiture électrique en Chine sur les plots de départ

Autour du véhicule à énergie nouvelle (VEN), 100% électrique (EV), hybride ou pile à combustible (hydrogène), l’Etat multiplie normes et règlements, indice d’une bataille qui s’engage pour la conquête du marché chinois, voire mondial.

En 2020, Pékin veut voir ses entreprises écouler 2 millions de VEN, le quadruple du chiffre de 2016, puis 5 à 10 millions en 2025 (« 20% du total ») et 15 millions vendus en 2030, 40% des ventes de tous véhicules attendues d’ici là. En conséquence, l’effort suit aussi, concernant les « postes de recharge » : de 57.000 en 2015, ils passeront à 80 millions en 2030, soit un par voiture électrique sur les routes à échéance.

La Chine veut tout miser sur cette filière d’avenir afin de s’assurer une part majoritaire du marché, après avoir vainement tenté de percer depuis 20 ans sur celui de la voiture à essence. La stratégie consiste à battre de vitesse une concurrence étrangère qui n’a pas vu venir les progrès de la batterie (en coût et en capacité) et pensait différer de 10 ans l’avènement de l’électrique. Dans un plan concerté entre ses ministères, Pékin crée de toute pièces un puissant marché local de VEN, pour l’élargir ensuite au monde. Depuis 2011, plus de 43 milliards de $ ont été versés en subventions au développement, à la construction et à l’achat de véhicules de cette filière, dont 15 milliards de $ en primes à l’achat, obtenant ainsi pour les seules EV une hausse des ventes de 75% (à 257.000) et pour tous VEN confondus, à 507.000.

Toutefois cet effort n’enregistre pas que des succès. La distribution des fonds a créé un appel d’air, attirant 169  constructeurs opportunistes, parfois sans nulle technologie, ni même moyens d’investir. D’énormes fraudes s’en sont suivies. En octobre 2016, 25 groupes ont été dévoilés et taxés, parmi lesquels Lifan et Hengtong (Chongqing), mais aussi Nissan et Hyundai. Sur les 4000 modèles de VEN déposés, seul un quart fut construit. La majorité est de technologie locale, à bas coût, faible autonomie, vitesse et connectivité. Ce dernier point est pourtant l’essentiel d’une EV, lui permettant d’intégrer les services et l’assistance à la conduite. De plus, la jungle de modèles va avec une pléthore de normes bloquant l’interconnexion des différents acteurs et fonctions du véhicule -batterie, moteur, internet embarqué, radars, signalisation mobile…

Aussi l’Etat met le holà. Au 1er janvier, les subventions à la vente ont baissé de 40% – elles disparaîtront en 2021. Les primes provinciales ne peuvent plus dépasser 50% de celles de l’Etat, et elles sont conditionnées à des performances : consommation, pollution, autonomie, sécurité. Les EV à basse vitesse (moins de 100km/h) sont à leur tour soumises à des normes—les constructeurs incapables de s’y conformer, seront fermés.

 Un exemple typique est Suda, de Sanmenxia (Henan). Fondé en 2011,  Suda prétendait atteindre en 2017 une capacité en EV de 100.000 voiturettes par an. En 6 ans, la firme a été soutenue par un milliard de yuans au bas mot, sans compter de nombreux avantages tels le terrain gratuit. Et pourtant l’usine exsangue est presque en faillite…

En terme d’EV, la Chine tient par contre un joyau avec Faraday Future, du milliardaire chinois, Jia Yueting (aussi CEO de LeEco, autre constructeur émergent). Cise à Garden en Californie, la firme a été active à débaucher des talents chez Google et autres groupes de l’univers connecté, pour dessiner la FF91 présentée au salon CES de Las Vegas, qu’elle veut commencer à livrer en 2018. Elle fit sensation, grâce à son un design onirique (cf photo) et ses performances à couper le souffle –mais pas toujours vérifiées : 100km/h en 2,4 secondes, 600km sans recharge, un parking autonome, des alertes par hologrammes sur le pare-brise et des portes sans poignées, s’ouvrant à l’approche du conducteur… De plus, le groupe à bout de ressources, cherche un nouvel investisseur, pour 1,4 milliard de $. L’avenir n’est pas assuré !

Et les constructeurs étrangers ? Aujourd’hui, tous ont le regard vissé sur la Chine, mais se gardent de faire la moindre annonce. Partenaire de BYD (le n°1 chinois de l’EV), Daimler parle d’ouvrir une usine locale de batteries – mais non d’une usine d’automobiles. En partenariat avec Dongfeng, PSA assure, sans précision, avoir ses modèles prêts pour 2020. VW prépare 8 VEN, dont la moitié sous sa marque, le reste sous les griffes de sa filiale Audi et d’un nouveau partenaire, JAC. Et Toyota ouvrait en décembre un centre de R&D en EV.

RenaultNissan se dévoile le plus, et prend le plus de risques, comme pour rattraper son retard relatif sur les autres sur ce marché chinois : Carlos Ghosn, le PDG, y promet sous deux ans une EV dérivée de la Leaf (Nissan), à très bas prix (8000 $), sans subvention.
La discrétion des constructeurs étrangers, est leur réponse à la stratégie chinoise de protection des industries locales. Certaines technologies ont été résolument écartées, notamment en batteries où coréens et japonais étaient les plus avancés, et le plan crédit carbone du Ministère des Industries et Technologies de l’Information avantage les marques du Céleste Empire. Le plan décennal « made in China 2025 » nourrit aussi clairement le but d’accélérer voire forcer le transfert de technologies, ce que les marques étrangères doivent à tout prix éviter, faute de disparaître. Demain, le marché chinois (et le marché mondial) ne laissera pas de place pour tout le monde…

La stratégie chinoise est donc agressive, mais elle peut se retourner contre ses bénéficiaires : si ces derniers sont empêchés de faire un partenariat « marché local, contre technologie occidentale » avec leurs rivaux étrangers, … Sous cette perspective, il est intéressant de remarquer que le plan du Conseil d’Etat du 17 janvier de promotion des investissements étrangers, passe sous silence le marché automobile. 


Culture : Cinéma : le critique critiqué
Cinéma : le critique critiqué

Difficile fin d’année pour les ex-enfants (parfois terribles) du 7ème art : les réalisateurs Zhang Yimou, Wong Kar-wai et Jackie Chan, après avoir longtemps raflé les statuettes d’or à  Cannes, Venise et Berlin, font un bide.

En dépit des fortunes grillées sur leur tournage, La grande muraille, See you tomorrow et Railroad tigers ne déplacent pas les foules. La grande muraille, superproduction sino-US anglophone avec Matt Damon a coûté 150 millions de $. Mais les critiques sur la toile ne se privent pas de diffuser des amabilités du genre, pour ce film « des personnages pâles, un scénario pauvre, une carence imaginative ». See you tomorrow, comédie romantique n’est pas mieux traité, écopant sur le site web Douban d’une étoile sur cinq.

Du coup, l’intelligentsia du ministère de la Culture se rebiffe. C’est que les groupes soutenant ces productions sont les poids lourds du régime, Wanda pour le premier et Alibaba pour le second. Ensemble, ils représentent le pilier central du programme de Xi Jinping pour offrir à la société chinoise, voire à l’export, une production cinématographique sous contrôle et de niveau international. Mais avec ce feu nourri de flèches des critiques, tout le concept est contesté, ce qui est inacceptable.

Aussi la riposte vient avec la nomination d’une commission de 19 critiques cinématographiques ou intellectuels en vue, qui se met sans tarder à la tâche de dénoncer les critiques—accusés de salir Zhang Yimou et sommés de faire des excuses. Sur internet, des voix s’élèvent contre l’offensive publique : à trop protéger le cinéma officiel de l’opinion, la censure ne lui rend pas service…

Toute l’affaire, cependant, comporte une face cachée. En 2016, le box-office chinois qui progressait depuis 10 ans de 30%, s’est effrité, stagnant à 3%. La chute est due au gouvernement lui-même, qui a sagement mis fin à une vieille pratique pernicieuse de distribution de tickets gratuits ou en promotion sur internet, afin de gonfler les scores.

Dans ce climat actuel, seuls les bons films comme ceux de Hollywood (cf Zootopia de Disney, 236 millions de $ en 2016) tirent leur épingle du jeu. En de telles circonstances, le pouvoir cherche les coupables : les critiques bien sûr, mais en aucun cas les films eux-mêmes ni leurs auteurs.


Chiffres de la semaine : 1 sur 100, +157%, en 6 décennies, 1052 milliards….

-Un Pékinois sur 100 est millionnaire (+10 de millions de yuans), c’est la plus forte concentration du pays ! Ils seraient en effet 238 000 à travers la capitale. Shanghai arrive en deuxième place avec 205 000, puis la province du Jilin avec 95 000 millionnaires.

-58 milliards de dollars (400 milliards de yuans), c’est le montant de l’aide au développement versée par la Chine à 166 pays et organisations internationales durant les six dernières décennies, selon le Conseil d’Etat. Ce montant équivaut à celui donné par l’Union Européenne… rien que sur l’année 2015 ! (Chiffres publiés par le Conseil d’Etat en décembre 2016)

+127% c’est l’augmentation en 2015 des donations des internautes chinois sur 4 plateformes internet (Sina Weibo, Tencent, Alibaba Ant Financial et Tmall) pour un montant record de 110 milliards de yuans. Les plus gros donneurs sont également les plus jeunes, nés entre 1970 et 1990 (source : Caixin).

-Lancée depuis 2014 par le gouvernement chinois, la traque internationale surnommée  « Filet du ciel », ayant pour objectif de capturer des fugitifs chinois et de récupérer leurs biens mal acquis, a porté ses fruits ! Le pays a récupéré pas moins de 2,3 milliards de yuans (331 millions de $) en 11 mois, de janvier à novembre 2016, à travers 70 pays.

-En 2016, aidés par une hausse des prix de 12,6% à travers le pays, les trois plus gros promoteurs immobiliersEvergrande Group (55 milliards de $), Vanke (52 milliards de $), et Country Garden (45 milliards de $), réalisèrent au total 152 milliards de $ de ventes (1052 milliards de yuans !) – un chiffre en hausse de 43% par rapport à 2015 (source : China Index Academy ).


Petit Peuple : Zhengzhou (Henan) – Mère solitaire cherche fille à louer

Pour Li Yanling, retraitée de l’industrie pharmaceutique de 63 ans à Zhengzhou (Henan), le cœur de l’hiver s’annonçait difficile. Non par manque d’argent—sa carrière lui avait permis d’amasser, avec son mari ingénieur, une pension arrondie par trois appartements acquis au bon moment, leur assurant une vie hors du besoin— mais par solitude.

Son existence quotidienne était une lutte désespérée, le plus souvent perdante pour trouver à s’occuper. L’entretien de la maison était l’affaire de la femme de ménage – deux heures par jour avant de repartir, laissant à nouveau la maison plonger dans le silence.

Chaque jour, Yanling était pendue au téléphone pour discuter avec d’anciennes collègues, très souvent occupées par la quête d’un mari pour leur fille (ou d’une femme pour leur fils), au même niveau social que le leur. Après avoir déniché le (la) candidat(e) idoine et l’avoir imposé à leur enfant, elles devaient encore choisir l’hôtel où se célébreraient les noces, les 15 plats du banquet nuptial, les invités. De quoi s’occuper pendant des mois, les veinardes ! Et avec ça, pas le temps de venir boire le thé avec une amie d’autrefois…

Yanling elle, n’avait pas droit à ce passe-temps de reine. Non qu’elle soit sans enfant en âge de convoler, mais Xiaoya sa fille, au terme de ses études au Canada, avait décidé de s’y marier, abandonnant d’un coup son passé, le pays et ses parents. Tout ce que Yanling pouvait espérer était 30 minutes mendiées à sa fille, de vidéo bavardage par WeChat avec Toronto, lui montrant son petit-fils, dont elle retenait difficilement le nom aux consonances barbares à ses oreilles.

Voilà pourquoi Yanling devait tuer le temps, s’imposant chaque jour un tour au parc pour une heure de taiqichuan avec des femmes de son âge. Après la séance de gym, les commères s’attardaient à papoter. Yanling préférait s’éclipser : leurs cancans l’insupportaient… Le coin des sopranes et ténors d’opéra n’avait pas plus de chance de trouver grâce à ses yeux : faute d’oreille musicale, elle chantait comme une casserole…

Si son nid restait désespérément vide, c’est que son mari y manquait en tout temps. D’un tempérament jovial, il ne manquait pas de partenaires de mah-jong ou de go, quand il n’était pas parti crapahuter par monts par vaux avec d’autres amoureux de la marche, des jours entiers.

En sa maison trop grande, elle souffrirait de l’absence d’affection et d’être délaissée par ses proches au point de n’avoir plus rien d’autre à faire, que « devant sa porte, chasser le moineau » (mén kě luó què, 门可罗雀).

Heureusement pour elle, Yanling avait une idée en tête pour rompre la monotonie hivernale de décembre. Sur son compte Weibo, elle se présenta en vidéo, maquillée et attifée dans son manteau de fourrure : qui voudrait de ces cadeaux déposés sur la table (cf photo), une liasse de 4000 yuans et un iPhone 7 encore emballé ? « Bonjour tout le monde, disait-elle, je suis Li Moumou (pour préserver son intimité, elle se donnait un pseudonyme). Je ne veux pas déranger ma fille qui vit à l’étranger : y-a-t-il quelqu’un qui veuille m’accompagner à Sanya, à la plage » ?

La candidate devrait être mignonne et agréable, entre 19 et 24 ans. Elle remplacerait sa fille, bavarderait, ferait les photographies, remplirait toutes fonctions d’une demoiselle de compagnie. Ce serait frais payés, avion, hôtel et restaurants, en sus des primes rubis sur l’ongle !

L’offre connut un succès inespéré. Par dizaines, des jeunes filles se proposèrent, espérant accompagner la jeune mère-grand et barboter avec elle dans l’eau chaude et azur de l’île semi-tropicale.

L’une d’elles lui fit même une contre-proposition élégante : « garde tes sous, ’ayi’ (tante) et ton luxueux smartphone ; je peux payer moi-même mes additions. Ce serait un privilège de pouvoir te soulager de ta solitude, gratuitement ». Chez cette jeune femme comme chez bien d’autres de sa génération, c’est aussi un indice de forte lucidité. En effet,  la société actuelle est trop individualiste, matérialiste, et délaisse trop souvent les parents, une fois à la retraite. La Chine n’est pas la seule d’ailleurs à pâtir de ce travers – Europe et Amérique ne sont pas mieux loties. Or pour ces jeunes Chinoises, tendre la main aux trop seules dames du troisième âge, c’est conjurer un avenir pour elles-mêmes.

L’histoire n’en dit pas plus, mais nous ne doutons pas une seconde que Yanling ait trouvé une fille de substitution ! Si nous la racontons malgré tout, c’est pour sa valeur d’exemple, du retour déjà bien visible de la compassion en Chine.

Parallèlement, il y a quatre ans, nous relations dans nos colonnes l’histoire inverse, de cette fille cherchant « une mère à louer » pour célébrer le Nouvel An chinois.

Nous en profitons pour souhaiter à nos fidèles lecteurs, de belles fêtes de Nouvel An Chinois et une excellente année du Coq !

« Devant sa porte, chasser le moineau »
mén kě luó què, 门可罗雀

Rendez-vous : Semaines du 23 janvier au 12 février 20177
Semaines du 23 janvier au 12 février 20177

28 janvier Chunjie – Nouvel an chinois en Chine et à travers l’Asie – congés officiels entre le 27 janvier et le 2 février 2017 !

Et à travers la Chine entière, participez aux célébrations de Nouvel An, les  « miaohui » (miàohuì ;  ) dans les temples !

Pour nos lecteurs à Pékin, ne manquez pas le Festival aux mille étincelles de Dashuhua (Nuanquan, dans le Hebei), retrouvez notre blog ici.

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