Politique : Xi, débonnaire à Davos, raide à Pékin

Xi Jinping arborait l’insolite double visage d’un leader souriant à Davos (Suisse) le 17 janvier, et rigoriste à Pékin. L’observateur politique chinois Zhang Lifan, voit en cette dualité l’indice d’un « sentiment d’angoisse, voire de crise », d’un homme pressé par l’échéance du XIXème Congrès en octobre, et qui ne peut se permettre de gérer à la fois des conflits sur la scène internationale, en plus de la tension interne. Xi avait besoin de séduire et il l’a fait—non sans brio. Face au Gotha des décideurs mondiaux, Xi vendit avec succès son offre de coopération « main dans la main » à la communauté des nations. Si ce vibrant appel au secours de la mondialisation économique était venu d’un leader européen, il aurait pu paraître banal. Mais il surprit plus, émanant d’un 1er Secrétaire du Parti Communiste, en croisade pour le renforcement du libre-échange. Xi défendit l’innovation partagée entre continents, une gouvernance globale sous l’égide de l’accord RCEP (et non de son rival TPP, le projet de B. Obama que son successeur D. Trump s’apprête à enterrer), et le combat climatique. Xi avança aussi plusieurs offres inédites : celles d’un traité planétaire d’éradication des armes nucléaires, d’une solution négociée (par entremise chinoise) à la crise ukrainienne, ou d’un divorce à l’amiable entre l’U.E. et Londres—c’était quelques heures avant l’annonce par Theresa May de sa décision de passer par un Brexit dur.

Ces propos auraient fait moins d’impression et eu moins de succès, sans de soigneux préparatifs du pouvoir chinois, et un compte à rebours pour coïncider avec le discours du Président.

En effet, le jour même de sa présentation, le Conseil d’Etat chinois promulguait une importante « notice pour renforcer l’attractivité de l’investissement étranger », qui ouvrirait aux firmes étrangères deux douzaines de marchés de biens et de services, jusqu’à présent chasse gardée de l’économie d’Etat. Xi avait annoncé ces mesures en prédisant, au cours des cinq années du 13ème Plan (2017-2022) : « nous dépenserons 8000 milliards de $ en produits américains, recevrons 600 milliards de $ en investissements des USA et investirons nous-mêmes 750 milliards hors frontières ». Autant d’annonces affûtées pour valider le message d’une Chine engagée dans le combat contre le protectionnisme, à commencer sur son propre sol.

Davos a aussi été l’occasion d’entrevoir les conséquences du Brexit et de la victoire électorale de D.Trump.

Aux Etats-Unis, dans l’équipe du Président (intronisé le 20 janvier), les piques polémiques se poursuivent : Wilber Ross, le futur Secrétaire au Commerce, promet une chasse aux subventions illicites chinoises, et décrit la Chine comme « la plus protectionniste des grandes économies ». A Davos, Jack Ma, patron d’Alibaba qui a déjà rencontré Trump, a voulu rassurer : entre Chine et USA, il n’y aura « jamais » de guerre commerciale, il faut « laisser du temps à Trump, homme ouvert d’esprit ».

Face au Royaume-Uni, la Chine suit les préparatifs des banques londoniennes pour déménager leurs services internationaux à Paris (HSBC), Francfort ou Dublin. Pour Londres qui rompt les amarres, un traité de libre-échange avec Pékin devient urgent. Mais pour Pékin qui avait mis à Londres ses leviers de commandes économiques vers l’Europe, tout est à recommencer…

Au final, tout ceci éclaire sur une l’image que Xi a choisi de montrer à Davos : celle d’une Chine bienveillante, et présente, face à une Amérique grinçante, et absente.

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