Monde de l'entreprise : Le new deal… en pointillés

Le new deal… en pointillés

Le 17 janvier, en résonance au discours de Xi Jinping à Davos, le Conseil d’Etat et la SASAC amorcèrent un tournant important sur les investissements étrangers en Chine, et ceux des consortia publics hors de Chine. C’est l’œuvre de Li Keqiang, Premier ministre qui s’efforce depuis 2013 de déréguler et ouvrir le marché chinois. Efforts longtemps vains : Li a semblé jusqu’à hier marginalisé et vulnérable. Mais ici, il reprend l’initiative, en binôme avec Xi Jinping, et donc en meilleure posture pour conserver sa place durant le prochain quinquennat.

La « notice pour renforcer l’attractivité de l’investissement étranger » consiste en un appel aux ministères et aux provinces pour réaliser, chacun dans leur domaine, la parité entre firmes étrangères (enregistrées et productives en Chine) et locales. Ceci vise à supprimer les mesures discriminatoires, notamment financières, aux grands groupes mais aussi aux PME technologiques.

En industrie, la notice promet aux entreprises étrangères les primes réservées aux chinoises dans les secteurs du plan Made in China 2025, tels les industries high-tech, la connectique et l’équipement « vert » ; l’accès aux projets nationaux de R&D, avec primes et exonérations d’impôts. Seront ouverts les secteurs du tramway, de la moto, de l’éthanol, de l’huile de cuisine, les nouveaux hydrocarbures et autres minéraux spéciaux, secteurs fermés jusqu’alors. Les JV d’hydrocarbures n’auront plus besoin de licence.

Dans les services, la liste est plus impressionnante, s’agissant de domaines jusqu’alors étatiques, et trustant la croissance la plus forte : sont ouverts la finance de type bancaire, les titres, fonds d’investissement, marchés à terme, l’assurance et ses agences, notation, comptabilité et audit, architecture, navigation, télécoms, services internet, culturels et d’enseignement.

Des incitatifs iront aux étrangers pour investir dans les infrastructures : énergie, transports, eau, environnement, services municipaux.

Provinces et métropoles ne devront plus faire de discrimination—la firme étrangère devra être consultée en cas de politique nouvelle dans son domaine. Ministères, provinces devront harmoniser leurs normes, et les justifier par une « transparence » accrue – gommer leur réputation d’obstacle non tarifaire.

Les firmes étrangères produisant en Chine devront avoir accès égal aux appels d’offres centraux ou provinciaux, et pouvoir émettre des actions et obligations en bourses de Shanghai, de Shenzhen et à la  nouvelle 3ème bourse de gré-à-gré (OTC). En tout domaine financier, les seuils de capitaux disparaîtront, sauf si requis par d’autres politiques, et les firmes étrangères et locales seront bientôt soumises à un enregistrement unifié.

Dans le même ordre d’idées, la vie des firmes expatriées sera facilitée par une série de mesures nullement négligeables tels l’accès au foncier à prix rogné jusqu’à 30% par rapport au marché, à des visas « améliorés » pour les expatriés et leurs familles, et la latitude pour les provinces en développement (Ouest, Nord-Est), et de leur offrir des primes et incitations plus fortes.

Pour toutes ces idées, la « notice » n’indique aucune échéance, ni le moindre chiffre. Ce sera aux ministères et aux provinces de compléter les pointillés, sans la moindre date limite annoncée. Aussi l’entrée libre en bourse n’est pas pour demain —d’autant qu’elle aura une incidence, par jeu de poids et de poulies, sur la convertibilité du yuan. Elle forcera aussi les consortia à accélérer leur assainissement aujourd’hui de lent à nul, au risque de voir tous les petits porteurs se ruer sur le titre étranger, mieux géré et moins à risque de délits d’initiés.

Enfin, très nettement, par sa « notice », le tandem Xi-Li vise deux lièvres à la fois :

– les PME mondiales, beaucoup trop peu présentes en Chine vu le risque,

– et l’érosion générale de l’investissement étranger qui baissait en 2016 à +4,1% et 118 milliards de $, contre +6,4% en 2015. En ce dernier point, le dernier sondage de la Chambre de Commerce Américaine en Chine, sur le moral des firmes US expatriées est édifiant : 80% considèrent y faire « moins de profits qu’ailleurs au monde », 60% n’ont plus confiance dans les promesses d’ouverture, et seuls 56% placent le marché chinois comme prioritaire à l’avenir, contre une moyenne de 75% des dernières années. On comprend donc le sentiment d’urgence chez les autorités chinoises, et le scepticisme chez les étrangers !

L’autre initiative, de la SASAC est encore plus discrète et sibylline : car Pékin s’attaque ici, de front, aux privilèges des 106 grands groupes publics sous sa tutelle. Par deux documents du 17 janvier, la SASAC annonce qu’elle leur interdira ou limitera l’investissement hors frontières dans l’immobilier, ainsi que dans l’énergie et la mine, domaines « très polluants » et « ayant une influence sur les cours mondiaux ». Par contre, elle encouragera les placements dans les domaines des filières technologiques nationales : TGV, centrales nucléaires, lignes à super-haute tension, ainsi que les routes, canaux, et télécoms, selon les révélations de Huang Danghua, vice-présidente de la SASAC.

Cette initiative de l’Etat était à vrai dire attendue, depuis 2016 où les pouvoirs publics n’avaient pas pu empêcher la fuite des capitaux, avec une hausse de 44% des investissements directs non financiers à 170 milliards de $. On note aussi une intéressante préoccupation d’assujettir les consortia à des règles « morales » identiques en Chine et en dehors, et de décourager les comportements de « flibustiers » des consortia dans les pays pauvres.

Enfin, tout ceci reste largement théorique, sous réserve d’inventaire. Selon l’adage, « l’enfer est dans les détails », lesquels pour l’instant brillent par leur absence.

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