Architecture - Urbanisme : Aéroport de Daxing, mirage ou miracle ?

Aéroport de Daxing, mirage ou miracle ?

Vu de nuit, ce surprenant complexe apparaît comme une brillante étoile  ou encore un poulpe à six doubles branches. De l’intérieur par contre, il est comme un palais blanc, aux centaines de piliers et de volutes inspirées d’un lotus. Nous sommes au futur aéroport de Daxing (Pékin), dont les travaux s’achevaient le 30 juin. Il promet de devenir le premier ou second hub mondial, avec 72 millions de passagers par an dès 2025 et 100 millions en 2040, une fois les quatre actuelles pistes d’envol portées à huit. Devant être inauguré en grande pompe le 30 septembre—à la veille du 70ème anniversaire de la RPC par le Président Xi Jinping, l’aéroport aura coûté 15,5 milliards d’euros, voire le triple en comptant ses liaisons ferroviaires. En effet, bien que situé à 46 km au sud-ouest de Pékin, il ne faudra que 19 minutes pour y arriver via l’une de ses trois lignes de métro. Par TGV, il sera à moins de trois heures de 28 métropoles provinciales. 

Comme il se doit dans l’empire du Milieu, le complexe aéroportuaire a été conçu au summum de la technologie. Dessiné plus d’une décennie plus tôt par la talentueuse architecte britannique d’origine irakienne Zaha Hadid, en coopération avec des groupes tels ADPI (France), le bureau d’études chinois BIAD et Thales, pour l’architecture radar et informatique, il aura fallu moins de cinq ans pour le faire sortir de terre.

La préoccupation écologique est manifeste, notamment dans sa structure sur sept étages dont deux en sous-sol, permettant ainsi de restreindre la perte en sol arable. De même, pour leur climatisation, électricité et communications, toutes ces ailes sont alimentées par une logistique unique. L’automation est bien sûr poussée. A l’arrivée, les voitures déposées sur une plateforme, sont garées en moins de 60 secondes par un robot, qui les rend à la sortie en 2 minutes. Identifiés par radiofréquence, les bagages sont délivrés jusqu’à l’avion sans assistance humaine, et localisables en temps réel. Plus d’une heure avant le check-in, où qu’il soit, le passager est contacté et orienté sur son smartphone. A l’enregistrement, puis aux contrôles, le passager et le personnel sont affranchis de toute paperasserie et de présentation du passeport—l’enregistrement se fait, en effet, par reconnaissance faciale. Puis le voyageur est guidé à l’embarquement par balise au sol, avec assistance éventuelle de l’un des dix kiosques virtuels interactifs et dix humanoïdes ambulants – lesquels répondent à toute question dans plusieurs langues.

Eclairé par des puits de lumière, chaque hall dispose d’un jardin traditionnel à la chinoise, doté de fauteuils et canapés. Le voyageur peut encore se promener et faire son shopping parmi les boutiques distribuées de façon aléatoire à travers les zones d’attente.

La communication avec les avions fait aussi sa révolution, poussée par le souci de renforcer l’intensité du trafic, pour une meilleure exploitation de l’espace aérien. C’est que, contrairement aux Etats-Unis où 20% du ciel appartient à l’armée, en Chine 70% de l’espace est interdit aux avions civils, ce qui induit un retard au départ pour 40% des vols. Mais à Daxing, grâce au tri des appareils en approche, réalisé par le centre d’approche radar de conception futuriste, la tour de contrôle peut gérer 250 opérations à l’heure, sur quatre pistes, en liaison en temps réel avec les autres aéroports locaux de Pékin-Capital et de Tianjin. 

Avec ses 700 000m² de périmètre et son design futuriste, Daxing est aussi un atout majeur dans le grand plan de relance de Chine du Nord. Depuis 2015 en effet, Xi Jinping veut interconnecter les provinces, avec deux projets majeurs—« Greater Bay Area » au Sud, pour Hong Kong, Canton et Macao, et la zone « Jing-jin-ji » au Nord pour le Hebei, Pékin et Tianjin. Dans cette dernière, au centre du triangle formé, sont créées deux villes satellites (Xiong’an et Tongzhou), et l’aéroport Daxing dont on attend 600.000 emplois et un PIB accru de 116 milliards d’euros par an. Cela peut paraître ambitieux, mais le gouvernement compte sur l’énorme potentiel du marché restant encore à exploiter : ce milliard de Chinois n’ayant encore jamais pris l’avion ! 

Cela dit, toutes ces promesses peinent à convaincre les compagnies aériennes d’aller s’installer à Daxing, surtout les étrangères, moins contraintes que les chinoises à la discrétion. Le groupe Air France-KLM y va à reculons, et a une bonne raison : avant de pouvoir s’asseoir dans le métro pour Daxing, il faut d’abord traverser la ville en une heure, avec bagages. Or les compagnies aériennes gagnent leur vie sur la vente de billets en classe affaires et première classe aux clients chinois comme étrangers qui résident et travaillent très majoritairement au Nord-Est de Pékin, à 20 minutes de Pékin-Capital. Hors pour l’instant ce dernier reste essentiellement réservé à Air China, son partenaire Lufthansa, et d’autres compagnies regroupées sous Star Alliance. Aussi le risque est grand de voir ces précieux passagers se reporter massivement vers ces compagnies qui bénéficieront d’un privilège abusif sur China Eastern (Shanghai) et China Southern (Canton), ainsi que les partenaires de l’alliance SkyTeam dont Air France et KLM. Toutes ces compagnies cherchent donc à garder une aile dans Pékin-Capital, et à partager leurs liaisons entre les deux aéroports, comme c’est déjà le cas entre Pudong et Hongqiao à Shanghai. Ben Smith, CEO d’Air France-KLM serait, lui aussi, en train de négocier, avec de bons atouts pour convaincre. Car les actuelles fréquences vers l’Europe sont saturées et doivent être augmentées. Or, ceci n’arrivera que si sont satisfaites les revendications du partenaire franco-batave !

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