Diplomatie : Trump et Xi — Un an de chien et chat

En janvier 2017, l’arrivée aux affaires de Donald Trump marqua un nouveau front de perturbations avec la Chine. Dès sa campagne électorale, Trump accusait Pékin de manipuler le taux de change du yuan avec le US dollar, et de « voler les emplois des Américains ». Aux accents de « Attends, Amérique, j’arrive ! », il se faisait fort de reconquérir les jobs perdus…

Dès décembre 2016, avant d’entrer en fonction, Trump testa la patience du Président Xi Jinping, en parlant par téléphone avec Tsai Ing-wen, la nouvelle Présidente indépendantiste taiwanaise. C’était une offense envers la Chine, qu’aucun Président américain n’avait osé commettre depuis 20 ans. Mais Xi Jinping, prudent et attentiste, fit le gros dos.

Une fois adoubé, Trump surprit son monde, en commettant un acte des plus agréables aux yeux de la Chine : il fit sortir les Etats-Unis du TPP, traité transpacifique, que son prédécesseur Barack Obama avait mis cinq ans à mettre en place. Cette organisation de libre-échange liait 16 pays d’Amérique, d’Asie et de l’hémisphère sud, et excluait la Chine. Xi Jinping saisit la balle au bond, offrant à quasiment les mêmes partenaires un accord de libre-échange – sans les Etats-Unis ! Après cet épisode, la Chine de Xi se fit de Trump l’image d’un homme à l’égo surdimensionné et manipulable, pour peu de le flatter.

Trump pendant ce temps, découvrait les millions d’emplois créés en Chine par les multinationales américaines. Tout en continuant à critiquer la Chine, il invita en avril 2017 Xi, à Mar-a-Lago, son ranch floridien. Pragmatique, Xi fit le voyage, puis lui retourna l’invitation en novembre, recevant Trump avec faste et octroyant 250 milliards de $ de contrats aux majors américains, record historique.

Mais ces amabilités n’empêchaient pas Xi d’avancer ses pions : au printemps 2017, il réussissait à brouiller avec l’oncle Sam, les Philippines, l’ex-allié indéfectible des USA depuis 50 ans. Comble d’habileté, Xi réussissait à attirer dans son orbite cet archipel proche de la misère, tout en lui confisquant en même temps plusieurs ilots en mer de Chine du Sud, bientôt convertis en fortins armés de missiles. Pour ce faire, il offrait à Rodrigo Duterte, le Président philippin, une vingtaine de milliards de dollars en équipements téléphoniques et lignes de chemin de fer. Xi put aussi organiser à Pékin en mai, un sommet mondial « Routes de la soie » (BRI) – plus de 20 pays participèrent, tandis que les Etats-Unis restaient à l’écart.

L’arrivée au pouvoir d’un Trump agressif et imprévisible, eut au moins une résultante bénéfique pour l’Europe. Jusqu’alors considérée comme de peu d’importance, elle reçut désormais de Pékin, une attention croissante. Xi  y voit, en particulier depuis l’élection en France de Emmanuel Macron, un allié majeur contre le grand retour du protectionnisme.

Trump se fit alors plus incisif contre la Chine et sa percée commerciale en Occident. Car sur ce plan, les choses ne s’amélioraient pas : le déficit américain envers la Chine atteignit 275,8 milliards de $ en 2017, soit +8,6%.

Aussi, Trump commença-t-il à contrer diverses tentatives chinoises sur sol américain. Il bloqua le rachat de MoneyGram par Ant Financial, une filiale d’Alibaba. Il fit échouer la tentative d’alliance entre Huawei et AT&T, visant à distribuer les smartphones chinois à travers l’Amérique du Nord. Il obtint aussi du Congrès américain une forte baisse des taxes industrielles, qui boosta la compétitivité mondiale du « made in USA ». Ce faisant, il empêcha la Chine de rendre son yuan convertible dès 2020, comme elle le visait. De plus, il menaça la Chine de renforcer ses liens avec Taiwan – une perspective inacceptable pour Pékin.

Et même, ce 18 janvier, Trump brandit une nouvelle fois la menace de sanctions commerciales « d’un poids dont on a même pas idée », contre la Chine qu’il accuse de vol de la propriété intellectuelle, en forçant les multinationales à révéler leurs secrets industriels pour pouvoir opérer sur son sol.

Pendant ce temps, une seconde urgence est venue s’inviter au débat : depuis le printemps, sous l’impulsion du petit despote Kim Jong-un, la Corée du Nord multipliait ses tests de missiles intercontinentaux et de bombes à hydrogène. Pyongyang était à deux pas de pouvoir détruire Washington. Trump réagit en faisant durcir aux Nations Unies les sanctions contre la Corée du Nord, bloquant 90% de ses exportations et de ses rentrées en pétrole – qui sont vitales au pays pour se nourrir, et faire tourner ses tracteurs. Mais Pékin et Moscou lui refusèrent le blocus total – en partie motivés par une rivalité inavouable : les deux pays se disputant l’influence sur ce petit pays et contredisant de ce fait, l’effort des Nations Unies pour dénucléariser la péninsule. Dès lors, la tension monte. Le 16 janvier, Trump réunit à Ottawa 20 pays pour discuter du blocus contre Pyongyang, sans inviter Russie et Chine – celles-ci protestent, dénonçant le « retour à la guerre froide ». Xi Jinping pour l’instant répond mollement, appelant Trump à « rouvrir le dialogue ». C’est la politique du punching ball ou du dos rond…

Mais à l’évidence, entre ces géants, le fossé se creuse, et la situation se radicalise – plus que jamais, une guerre commerciale pointe à l’horizon. L’année 2018 promet d’être chaude !

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1 Commentaire
  1. severy

    2018 risque d’être une année chaude bien que le réchauffement entre les États-Unis et la Chine ait tendance à montrer un net refroidissement. 2018 sera à tout le moins une année de contraste.

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