Le Vent de la Chine Numéro 2 (2018)
Tambour battant, l’appareil du Parti poursuit sa course à la sécurisation. Deux réunions au sommet viennent de se tenir : celle (11-13 janvier) de la CCID, Commission de Discipline du Parti, police interne du pouvoir, et celle (18-19 janvier), du Comité Central. Tous deux préparaient le lancement de la Commission Nationale de Supervision, qui aura tous pouvoirs sur les membres du Parti et de l’administration. De plus, le Plenum du Comité Central devait enchâsser la « pensée de Xi Jinping » dans la Constitution : il en avait reçu le mandat formel trois mois plus tôt lors du XIX Congrès du Parti.
Cette « seconde session » du Plenum du Comité Central devait fixer les objectifs idéologiques du quinquennat, à savoir consolider la faction au pouvoir. A cet effet, il s’agissait aussi de réviser la Constitution pour changer la gouvernance du pays.
Cet aspect, chargé de mystère, difficile à saisir, était pourtant prioritaire entre tous. C’est pourquoi le meeting avait été fixé un mois plus tôt que de coutume – il intervient normalement fin février, peu avant la session de l’Assemblée Nationale Populaire, qu’il prépare. Son importance au sein de la machine de pouvoir était explicitée par la phrase conclusive du Plenum du Comité Central : le sommet avait été « une étape-clé d’approvisionnement, le long du grand voyage vers l’accomplissement du but chinois et l’avenir sans limite de la Chine ».
Ce que cette formule pompeuse recouvre, est la volonté absolue de renforcer les contrôles sur la société, le Parti, l’administration et les forces armées (Armée Populaire de Libération et police armée).
Ce projet, à dire vrai, ne date pas d’hier—on en retrouve des traces 18 mois plus tôt, avec les premiers essais de mise en place de cette Commission Nationale de Supervision en diverses provinces, permettant d’intégrer tous les organes anti-corruption en place, à travers divers niveaux du Parti et du gouvernement. À partir de mars, le système devrait s’appliquer à la nation entière, et consentir à des forces spéciales réparties à travers le pays, d’arrêter, d’interroger et même de déposséder les cadres coupables de corruption sans mandat de la justice.
En marge, ou en filigrane de ce resserrement général de la discipline à travers le pays, depuis le début du mandat de Xi Jinping fin 2012, la CCID avait puni 1,4 million de cadres, et pourchassé avec ses armées de comptables et de policiers, les « 4 décadences » (formalisme, esprit rond-de-cuir, hédonisme et extravagance). La lutte anti-corruption s’accompagnait d’un combat contre les adversaires de l’équipe en place.
Ainsi, Sun Zhengcai, Secrétaire du Parti à Chongqing, et l’un des successeurs pressentis au poste de Xi en 2022, tombait en août 2017. Quelques mois plus tard, le suivait dans sa disgrâce le général Fang Fenghui, remis en janvier à la justice militaire. Ces deux limogeages étaient présentés comme dus à la corruption, mais analysés par des sources extérieures comme la conséquence d’une opposition interne au pouvoir de Xi Jinping.
La révision de la Constitution sera la cinquième depuis sa promulgation en 1982. Le plus fort amendement, signé Deng Xiaoping, avait fait remplacer l’économie « planifiée » par l’économie « socialiste de marché ». La gouvernance annoncée, prétend supprimer toute latitude aux cadres pour se détourner de l’Etat et du Parti. Xi Jinping vise aussi une société plus à l’écoute de la loi, sous la contrainte d’un nouvel outil rendu possible par l’internet : le crédit social.
Enfin, ce resserrage de la vis, se retrouve dans la presse sur de nombreux plans, sur les réseaux sociaux, les industriels, les banques, les hôtels… autant de signes de sécuriser l’avenir – au risque d’obtenir l’effet inverse.
Le 7 janvier 2018, présentant son bilan économique de 2017, le gouverneur de Mongolie Intérieure fit une déclaration choquante : le bilan de 2016 avait été falsifié. Les « 53 milliards de yuans » (8 milliards de $) de recettes fiscales étaient exagérées de 26%, et à « 290 milliards de yuans » (45 milliards de $), la croissance industrielle, mentait de 40%.
Comme explication, les analystes officiels avancèrent un état d’esprit fermé à toute réforme, et une gouvernance obtuse, amenant de mauvais résultats, que les leaders locaux avaient ensuite maquillés. C’est ce que plaide le gouverneur, évoquant des « collusions locales entre cadres et industriels ou patrons de mines ».
Or ce problème comptable se reproduisit quelques jours plus tard, cette fois dans la zone de Binhai, à Tianjin, espace économiquement avancé, poumon portuaire d’un arrière-pays de 200 millions d’âmes, dont Pékin la capitale. Le PIB réel de la zone en 2016 n’atteindrait que 665 milliards de yuans, 33% de moins que le nombre tapageur annoncé au départ… Alors, comment expliquer que les régions riches, comme les pauvres, trichent, puis se mettent à avouer au même moment ?
Dans le cas de Tianjin, une explication probable peut venir du passé de la ville. Jusqu’à 2016, cette cité, au statut de « ville autonome », était le fief de l’ex-Président Jiang Zemin, administrée avec imprudence par Huang Xingguo, un de ses lieutenants. En 2015, un entrepôt chimique de la zone de Binhai explosait, causant 7 milliards de $ de dégâts et près de 200 morts. Huang fut limogé en novembre 2016, mais le bilan de l’année, publié six semaines plus tard, portait inévitablement sa griffe. Toutefois après un tel désastre, maintenir le mythe d’un fabuleux PIB, supérieur de 33% à la réalité, devenait impossible – d’autant que le nouveau patron local, Li Hongzhong, avait fait allégeance à Xi Jinping, et avait tout intérêt à dévoiler les faux de son prédécesseur…
C’est sans doute la principale cause de ces mensonges statistiques : sous Jiang Zemin (et sous Hu Jintao, son successeur), pour assurer sa promotion, tout patron de province se devait de gonfler les chiffres de croissance. Toutes les provinces faisant de même, son bilan apparaissait, sinon vraisemblable, du moins en ligne avec le reste du pays.
Mais cela se voit au bilan national. En 2015, l’écart entre la croissance officielle du pays et celle cumulée des provinces était de 7% – probablement encore en deçà de la réalité !
Dès 2007, Li Keqiang, alors Secrétaire du Liaoning, faisait cette boutade : pour suivre la croissance de sa province, il ignorait les statistiques pour ne se fier qu’à quelques chiffres-clés, tels ceux des transports ferroviaires et de la consommation en électricité !
Et en belle continuité avec son ex-Secrétaire, le Liaoning avouait 10 ans plus tard, avoir retouché tous ses budgets de 2011 à 2014. Le Jilin également, fut attrapé durant l’été 2017 par des agents de CCID, la Commission de Discipline du Parti, à falsifier ses recettes fiscales.
La raison à ce tournant budgétaire dans ces provinces, tient à la conjoncture, qui rend cette pratique frauduleuse insupportable. En effet, déclarer une croissance fictive, entraîne une baisse des subsides et une hausse des impôts à l’Etat central. Quoique pauvre, la province est considérée comme riche ! Le manque à gagner est répercuté sur les industries locales (publiques), lesquelles paieront plus de taxes, au moyen d’emprunts auprès des banques. Ainsi se constitue une vertigineuse dette locale. Dès 2016, les entreprises locales, criblées de dettes, risquaient le dépôt de bilan.
Alors, pour éviter de donner l’impression que la province a été davantage administrée dans l’intérêt du leader que celui de la population, il faut passer à un autre modèle économique. C’est ce que découvre la CCID, en épluchant les comptes : elle reproche à l’encadrement provincial un manque d’adhérence aux « 4 consciences » – aux directives de Xi Jinping.
D’ailleurs, la plupart des leaders provinciaux nommés avant ou après le XIX Congrès, doivent appliquer strictement de nouvelles consignes : orienter les territoires vers un « développement qualitatif », plus durable, plus tourné sur la consommation intérieure, dans le cadre d’une « réforme du marché de l’offre » et vers la protection de l’environnement. Naturellement, ces directives sont incompatibles avec le trucage des chiffres. On peut donc s’attendre, disent les experts, à une multiplication d’autres aveux de triche par des provinces.
Quoiqu’il en soit, la Mongolie Intérieure, région parmi les plus pauvres et moins peuplées du pays (24 millions d’éleveurs et de mineurs sur un dixième du territoire national) commence à payer cher son mensonge statistique. Hohhot, la capitale, a dû suspendre ou annuler pour 50 milliards de yuans en investissements d’infrastructures, dont le métro de Baotou (cf photo) et quatre autoroutes ou voies rapides autour de Hohhot. Comme le Dongbei voisin (le Nord-Est), la Mongolie souffre d’une surcapacité houillère et sidérurgique. En décembre, Pékin promettait de fermer en 2018 pour 800 millions de tonnes de capacité charbonnière, dont une part lourde reviendra probablement à la Mongolie et au Dongbei : à terme, l’effort entraînera une remontée des cours, mais pour commencer, elle cause la perte de dizaines de milliers d’emplois.
La tendance d’avenir est indiquée par la province de Hainan : sur cette île tropicale, 12 villes ont déjà choisi de ne plus intégrer le PIB, comme critère d’évaluation des performances de leurs cadres.
En janvier 2017, l’arrivée aux affaires de Donald Trump marqua un nouveau front de perturbations avec la Chine. Dès sa campagne électorale, Trump accusait Pékin de manipuler le taux de change du yuan avec le US dollar, et de « voler les emplois des Américains ». Aux accents de « Attends, Amérique, j’arrive ! », il se faisait fort de reconquérir les jobs perdus…
Dès décembre 2016, avant d’entrer en fonction, Trump testa la patience du Président Xi Jinping, en parlant par téléphone avec Tsai Ing-wen, la nouvelle Présidente indépendantiste taiwanaise. C’était une offense envers la Chine, qu’aucun Président américain n’avait osé commettre depuis 20 ans. Mais Xi Jinping, prudent et attentiste, fit le gros dos.
Une fois adoubé, Trump surprit son monde, en commettant un acte des plus agréables aux yeux de la Chine : il fit sortir les Etats-Unis du TPP, traité transpacifique, que son prédécesseur Barack Obama avait mis cinq ans à mettre en place. Cette organisation de libre-échange liait 16 pays d’Amérique, d’Asie et de l’hémisphère sud, et excluait la Chine. Xi Jinping saisit la balle au bond, offrant à quasiment les mêmes partenaires un accord de libre-échange – sans les Etats-Unis ! Après cet épisode, la Chine de Xi se fit de Trump l’image d’un homme à l’égo surdimensionné et manipulable, pour peu de le flatter.
Trump pendant ce temps, découvrait les millions d’emplois créés en Chine par les multinationales américaines. Tout en continuant à critiquer la Chine, il invita en avril 2017 Xi, à Mar-a-Lago, son ranch floridien. Pragmatique, Xi fit le voyage, puis lui retourna l’invitation en novembre, recevant Trump avec faste et octroyant 250 milliards de $ de contrats aux majors américains, record historique.
Mais ces amabilités n’empêchaient pas Xi d’avancer ses pions : au printemps 2017, il réussissait à brouiller avec l’oncle Sam, les Philippines, l’ex-allié indéfectible des USA depuis 50 ans. Comble d’habileté, Xi réussissait à attirer dans son orbite cet archipel proche de la misère, tout en lui confisquant en même temps plusieurs ilots en mer de Chine du Sud, bientôt convertis en fortins armés de missiles. Pour ce faire, il offrait à Rodrigo Duterte, le Président philippin, une vingtaine de milliards de dollars en équipements téléphoniques et lignes de chemin de fer. Xi put aussi organiser à Pékin en mai, un sommet mondial « Routes de la soie » (BRI) – plus de 20 pays participèrent, tandis que les Etats-Unis restaient à l’écart.
L’arrivée au pouvoir d’un Trump agressif et imprévisible, eut au moins une résultante bénéfique pour l’Europe. Jusqu’alors considérée comme de peu d’importance, elle reçut désormais de Pékin, une attention croissante. Xi y voit, en particulier depuis l’élection en France de Emmanuel Macron, un allié majeur contre le grand retour du protectionnisme.
Trump se fit alors plus incisif contre la Chine et sa percée commerciale en Occident. Car sur ce plan, les choses ne s’amélioraient pas : le déficit américain envers la Chine atteignit 275,8 milliards de $ en 2017, soit +8,6%.
Aussi, Trump commença-t-il à contrer diverses tentatives chinoises sur sol américain. Il bloqua le rachat de MoneyGram par Ant Financial, une filiale d’Alibaba. Il fit échouer la tentative d’alliance entre Huawei et AT&T, visant à distribuer les smartphones chinois à travers l’Amérique du Nord. Il obtint aussi du Congrès américain une forte baisse des taxes industrielles, qui boosta la compétitivité mondiale du « made in USA ». Ce faisant, il empêcha la Chine de rendre son yuan convertible dès 2020, comme elle le visait. De plus, il menaça la Chine de renforcer ses liens avec Taiwan – une perspective inacceptable pour Pékin.
Et même, ce 18 janvier, Trump brandit une nouvelle fois la menace de sanctions commerciales « d’un poids dont on a même pas idée », contre la Chine qu’il accuse de vol de la propriété intellectuelle, en forçant les multinationales à révéler leurs secrets industriels pour pouvoir opérer sur son sol.
Pendant ce temps, une seconde urgence est venue s’inviter au débat : depuis le printemps, sous l’impulsion du petit despote Kim Jong-un, la Corée du Nord multipliait ses tests de missiles intercontinentaux et de bombes à hydrogène. Pyongyang était à deux pas de pouvoir détruire Washington. Trump réagit en faisant durcir aux Nations Unies les sanctions contre la Corée du Nord, bloquant 90% de ses exportations et de ses rentrées en pétrole – qui sont vitales au pays pour se nourrir, et faire tourner ses tracteurs. Mais Pékin et Moscou lui refusèrent le blocus total – en partie motivés par une rivalité inavouable : les deux pays se disputant l’influence sur ce petit pays et contredisant de ce fait, l’effort des Nations Unies pour dénucléariser la péninsule. Dès lors, la tension monte. Le 16 janvier, Trump réunit à Ottawa 20 pays pour discuter du blocus contre Pyongyang, sans inviter Russie et Chine – celles-ci protestent, dénonçant le « retour à la guerre froide ». Xi Jinping pour l’instant répond mollement, appelant Trump à « rouvrir le dialogue ». C’est la politique du punching ball ou du dos rond…
Mais à l’évidence, entre ces géants, le fossé se creuse, et la situation se radicalise – plus que jamais, une guerre commerciale pointe à l’horizon. L’année 2018 promet d’être chaude !
Toute en mystère, la Chine revendique ces jours-ci une surprenante avancée technologique : celle du groupe d’Etat AECC (Aero Engine Corp. of China) dans le domaine des aubes aéronautiques pour moteurs d’avion. Avare de détails, la presse locale affirme en effet que ce géant (96.000 actifs) serait entré en négociations avec une entreprise allemande non citée– peut-être MTU, de Friedrichshafen – pour lui livrer des ailettes de turbine plus performantes que celles actuellement disponibles sur le marché mondial.
AECC est née en août 2016 de la fusion de trois filiales d’AVIC – une création stratégique et un effort très politique du régime pour s’affranchir de sa dépendance à 100% en matière de réacteurs d’aviation. Pour les chasseurs bombardiers militaires, elle utilise des réacteurs fournis par la Russie, et pour ses transporteurs civils, ceux des Etats-Unis (GE), de France (CFM) et du Royaume-Uni (Rolls-Royce). Il s’agissait de s’assurer l’autonomie en un domaine où les pays détenteurs ne sont pas forcément vendeurs. Ces négociations en cours avec l’Allemagne, traduiraient donc un rattrapage spectaculaire, obtenu en 18 mois à peine.
MTU fournit aux Etats-Unis, au Royaume-Uni et à la France des turbines de réacteurs pour des appareils tels l’Eurofighter Typhoon ou l’Airbus militaire A400M Atlas. Depuis sa place forte de Xi’an (Shaanxi), AECC serait donc en état, à en croire la presse, de lui livrer des aubes aéronautiques de structure creuse, pour un gain de poids et de solidité ; un alliage monocristallin, et un placage pour gagner quelques centaines de degrés centigrades avant la fusion. Il est aussi question, au niveau « outillage », d’une perceuse-laser permettant de forer des micro-passages à travers l’ailette, accélérant le refroidissement.
Mais AECC ne limite pas ces palabres aux ventes : le consortium chercherait aussi à obtenir du constructeur allemand des compresseurs, domaine d’excellence de MTU, où la Chine conserve un retard certain. Mais à en croire les sources (anonymes) du South China Morning Post, deux soucis pourraient faire capoter les conciliabules. L’OTAN d’abord, dont la Chine ne fait évidemment pas partie : la solidarité atlantique en matière de défense, pourrait faire interdire un tel échange de technologies. Compte ensuite aussi, le risque que ces procédés aient été piratés à d’autres pays par des ingénieurs chinois au cours d’années d’emploi chez l’un ou l’autre des constructeurs mondiaux. L’aspect de secret de ce secteur, pour des raisons commerciales et militaires évidentes, n’aide pas à y voir plus clair. Toutefois, la demande chinoise en milliers d’avions civils et militaires à motoriser sous 20 ans, permet de deviner un marché en centaines de milliards de dollars.
Le 6 janvier, le tanker panaméen Sanchi éperonna le cargo hongkongais CF Crystal à près de 300 km des côtes du Zhejiang (Chine). Un incendie se déclara au niveau des cuves de pétrole condensé, dont les fumées se propageaient à des centaines de mètres de hauteur. Le 14 janvier, le bâteau explosait, coulait sans survivants. En volume, avec 136.000t de pétrole, c’est la seconde « marée noire » depuis 1991, quand un navire au large de l’Angola avait perdu 260.000 tonnes de brut. Dans l’absolu, c’était la plus grande catastrophe maritime écologique de tous les temps : Contrairement au brut qui flotte en surface, ce pétrole transparent se combine à l’eau de mer sur 10 mètres de profondeur ; poison violent, il menace toutes les espèces, du calamar au crabe, du poisson aux baleines. Au 23 janvier, la nappe de pollution s’étendait sur 332 km².
Pourquoi cette collision, et lequel des navires est responsable ? La Chine s’en préoccupe à présent, ses garde-côtes ayant réussi à récupérer la boîte noire du Sanchi avant qu’il ne coule. Un détail frappe : les deux navires naviguaient sous pavillons autres que ceux des armateurs propriétaires (le Sanchi, iranien, battait pavillon panaméen et le CF Crystal probablement chinois était enregistré à Hong Kong). Ceci a pu donner lieu à des conditions sécuritaires (équipements, formation) allégées. Le fait que 100% de l’équipage ait disparu (30 Iraniens dont une femme, et 2 Bangladais) est accablant pour la compagnie iranienne.
Comment les Etats riverains ont-ils réagi à ce danger menaçant leurs eaux, sous difficulté d’intervention accrue, à plus de 10 heures de de toute côte ? Le 11 janvier, une firme de surveillance satellitaire signala un essai raté de transbordement de pétrole de bord à bord, cause d’une première vague de pollution. Le passage à bord du 13 janvier, permit de recouvrer trois corps et la boîte noire, mais non d’accéder au bloc d’habitation, sous 89°C. Avant son naufrage, une option envisagée un moment avait été de dynamiter le Sanchi pour consumer instantanément toute la cargaison. L’option fut abandonnée, du fait du risque de survivants. Au 20 janvier, l’épave reposant à 115 m de fond et continuant à émettre de nouvelles flaques de pétrole, la marine chinoise envisage (dernière minute) de le renflouer. Le drame met à jour l’absence de plan international concerté pour prévenir ce genre de drame et intervenir efficacement à l’avenir, en cas d’accident sur de telles bombes flottantes à travers les mers de Chine.
À Shanghai un beau jour de juin 2017, Melle Wang Xiaomi, avec sa copine Jiahong, prenait du bon temps sur le pont ensoleillé d’un bateau mouche. Regardant défiler les berges de la Suzhou Creek, elles sirotaient une coupe de Champagne, sans se laisser déranger par le barouf du haut-parleur serinant le commentaire de la visite. Les accompagnait Yu Ruojian, le chevalier-servant de Xiaomi depuis deux mois, qui les avait invitées à ses frais à ce week-end d’escapade. Elles étaient venues en TGV de Wuxi, à 120km plus à l’Ouest. Après déjeuner, le petit groupe débarqua sur le Bund pour se dégourdir les jambes. En souvenir de la sortie, Yu se fit tirer quelques portraits de lui et Xiaomi, sur son smartphone, sur fond des flots tumultueux de la rivière Pu et de la tour de la télé, sur Pudong. C’était vraiment un week-end très chic, se disait Xiaomi, aux anges : ce gars si sympa, manifestement fortuné et qui en pinçait pour elle, était pour elle un fer au feu—si jamais son amant actuel, PDG d’une usine de Wuxi, devait lui faire faux bond ! Un détail cependant échappait à la jeune femme, et pas n’importe lequel…
Quatre mois plus tôt, Mme Xing, l’épouse de l’industriel, faisait une visite éplorée à Weiqing, l’agence spécialisée dans le sauvetage des couples à la dérive. Depuis des années, Mme Xing tolérait la liaison de son mari avec Wang Xiaomi, dont elle avait fini par connaître l’identité. Elle s’était jusqu’alors forcée à n’y voir qu’une passade, jusqu’à ce 17 février où son mari en mission avait oublié son portable. Elle avait alors découvert des choses qui lui avaient causé des frissons dans l’échine. Elle avait trouvé trace d’appels jusqu’à 9 heures d’affilée avec l’amante. Et surtout, début février, elle avait constaté un versement de 200.000 ¥ d’arrhes pour un nid d’amour à 10 millions, à Hangzhou où le couple comptait disparaître sans laisser d’adresse ! Mme Xing avait spontanément fait le rapprochement avec plusieurs déplacements du mari vers cette ville depuis 3 mois, sous couvert de suivi de chantiers. Elle se rappela soudain que l’entreprise familiale, où tout son propre héritage avait été englouti, venait de s’endetter énormément en banque, et ne valait plus rien : par contre, l’argent de l’emprunt était caché quelque part, par le mari, hors de portée… Il n’y avait plus qu’à divorcer pour qu’elle soit sur la paille !
Mme Xing avait expliqué son cas à l’agence, qui avait immédiatement lancé sur l’affaire, Yu Ruojian, un de ses meilleurs détectives, diplômé en droit et en psychologie. Yu avait fait une enquête approfondie. Non sans satisfaction, il avait bientôt découvert que Xiaomi tenait un sex-shop, ce qui allait lui faciliter la tâche. Patiemment, il avait aussi rassemblé des données, et établi le profil de la « xiaosan » (« petite numéro trois », comme on nomme en Chine les amantes). Il avait établi sa stratégie de contre-attaque, l’avait soumise à Mme Xing, qui l’avait approuvée.
Le lendemain, sous prétexte d’acheter un fortifiant pour un copain dont le couple allait à la dérive, Yu se rendit à Wuxi au sex-shop de Xiaomi. Puis le remède une fois acheté, on s’attarda à bavarder. Yu s’était présenté comme industriel shanghaïen, à la tête de plusieurs milliers ouvriers. Xiaomi avait vite apprécié sa faconde, sa coiffure nette, son costume très mode—la glace était rompue. Deux semaines plus tard, Yu revenait, déclarant cette fois rechercher « un appartement à acheter dans le quartier ». Xiaomi lui avait fait faire le tour des biens dont elle avait connaissance—s’il achetait, il y aurait une commission pour elle. Pour la remercier, Yu l’avait invitée à déjeuner… plusieurs fois. Prudent, il prenait son temps. Quand il sentit le poisson ferré, il l’invita à ce week-end. Elle accepta – mais demanda à se faire accompagner par son amie Jiahong.
Durant ce temps à l’agence, un travail de fond était effectué, visant à recomposer le personnage de Mme Xing, à réajuster son look, sous tous rapports. Une psychologue l’avait éclairée sur les manières de rouvrir le dialogue avec le mari volage, de réveiller son désir d’elle. Car, avait-elle expliqué, c’était l’ennui de leur ménage, depuis 10 ans, qui l’avait poussé à chercher réconfort ailleurs. De même, les maquilleuses recomposaient ses traits, la dotaient d’un visage inédit, d’une face mystérieuse qui ne laissait de l’intriguer, comme une invitation à une vie nouvelle. Et les stylistes l’entraînaient en ville pour un renouvellement complet de sa garde-robe, en une mode chic et printanière.
La suite de ce week-end se déroula très vite, comme une opération blitz militaire. Dès le lendemain par e-mail, le mari de Mme Xing reçut la jolie série de photos anonymes de sa maîtresse au bras d’un inconnu. Fou de rage, par téléphone, il signifia à l’impudente la fin de leurs amours vénales. Quelques heures après, il était à la maison, chez sa femme relookée et mystérieusement désirable : retomber dans ses bras, ne serait qu’une question de temps.
Pour cet improbable miracle, il en avait coûté à Mme Xing 400.000¥ – sans compter les frais (ruineux) engagés par le limier. Selon la règle de l’agence, en cas de succès, Yu toucherait un beau pactole. Par contre, dans le cas où Yu ne réussissait pas à briser l’idylle et faire revenir le mari à Mme Xing, tout l’argent engagé par celle-ci lui aurait été retourné—et il n’aurait rien eu, mis à part le remboursement des frais. La rémunération de Yu était aussi justifiée par les risques qu’il avait pris : si sa ruse avait été éventée, le mari jaloux pouvait être tenté de recruter, pour se venger, un homme à gage, pour lui administrer une correction – ou pire encore. Qu’on se rassure, Yu, en fait, ne risquait pas grand-chose : 90% des affaires confiées à l’agence Weiqing se terminaient par un succès. Face à ces professionnels aguerris et à leurs mille stratagèmes, combinés à l’effet de surprise et au travail dans l’ombre, les maîtresses et leurs amants n’avaient aucune chance.
Il faut le souligner, ce métier qu’exerçait Yu, chasseur de maîtresses, n’existait pas en Chine 20 ans plus tôt. Il est né d’une très forte demande par les épouses trompées, de récupérer leurs maris, source de leur propre train de vie. Pour des agences comme Weiqing, le ciel est sans limite : profitant de décennies d’enrichissement, des dizaines de millions d’hommes prennent des amantes, ruinant ainsi leur union. En 2016, la Chine comptait 1,9 million de divorces (+30% en un an), dont 90% avaient pour cause l’infidélité.
Se décrivant comme « hôpital transnational et professionnel de l’amour », Weiqing prétend à travers ses 59 succursales à travers le pays avoir sauvé 350.000 couples depuis sa fondation 17 ans en arrière : faisant ainsi mentir le proverbe selon lequel « 覆水难收 » (fù shuǐ nán shōu), « l’eau versée ne se rattrape pas » : grâce à son art, la faute conjugale ne peut se réparer. Mais pas toujours, comme on le verra la semaine prochaine !
23-26 janvier, Davos, Suisse : Sommet annuel du World Economic Forum – avec le discours d’ouverture du Premier ministre indien Narendra Modi, et une forte présence de leaders du G7, dont Donald Trump des Etats-Unis, de Justin Trudeau – Canada, Theresa May – Royaume-Uni, d’Emmanuel Macron – France, Paolo Gentiloni, Premier ministre italien, de leaders du G20, dont Liu He, membre du Bureau Politique du PCC, des Présidents argentin Mauricio Macri et brésilien, Michel Temer, et du pays hôte, Alain Berset, Président de la Confédération suisse.
24-27 janvier, Pékin : ALPITEC China, Salon international des technologies de la montagne et des sports d’hiver
24-27 janvier, Pékin : IPSO Beijing, Salon international des sports, de la mode et des marques de vêtements