Economie : Chine USA – L’incendie redémarre

Quelle mouche a piqué le 5 mai Donald Trump, lui faisant rallumer, par deux tweets rageurs, l’incendie commercial avec Pékin ? Trump ressortait sa vieille menace de 2018 de porter de 10% à 25% les taxes sur 200 milliards d’exportations chinoises, voire taxer au même taux les produits encore indemnes, pour 325 milliards de $. Pourtant l’avant-veille, la 10ème ronde de palabres entre le vice Premier Liu He et le secrétaire au Trésor Steven Mnuchin, venait de se tenir dans une atmosphère « productive » – Trump annonçait même un imminent accord « monumental ». 

Qu’est-il arrivé ? À mots couverts, le conseiller Robert Lighthizer accuse le Président Xi Jinping d’avoir dénoncé plusieurs préaccords qui avaient déjà été validés, et d’avoir ainsi fait« reculer au lieu d’avancer » les négociations d’une manière inacceptable.

Face à la menace, Pékin, suivant sa culture, courbe le dos et tient bon. Liu He se rendait le 8 mai à la dernière ronde de négociations à Washington, mais faisait savoir que si les nouvelles sanctions sont confirmées, il « répondra en nature ». Ceci, quoique la Chine ait déjà épuisé sa réserve de contre-rétorsions sur ses importations américaines…

Les autres parties, tels les pays d’Union Européenne et le FMI, appellent à la retenue, au nom de la croissance mondiale.

Mais d’abord, après six mois de dures palabres, où en est-on des acquis, tel qu’on peut les connaître, en l’absence de toute publication ?

La Chine accepterait de jusqu’à sextupler ses commandes aux USA, en gaz de schiste, en soja, en maïs ou en Boeing – cette concession devant se faire au détriment des autres fournisseurs mondiaux, sans remettre en cause le système économique chinois.

Elle accepterait la mise en place d’un système de vérification du respect des engagements mutuels, avec création de structures paritaires dans les deux pays, au niveau national et régional. L’effet pouvant être d’intégrer plus les économies et renforcer les investissements réciproques, par progression de la confiance.

Parmi les litiges non résolus, figure l’exigence américaine d’un engagement légal de la Chine, de démanteler les subventions à ses consortia publics. « Et pas seulement dans l’acier ou l’aluminium, précise M. Brilliant, directeur à l’AmCham, la Chambre de commerce américaine, mais dans un vaste rayon de secteurs ». De même, la Chine aurait renié sa promesse d’une loi nationale bannissant les transfert forcés de technologies. Xi Jinping prétendrait atteindre le résultat par modification des règlements, ce qui laisserait bien des latitudes de contournement au niveau régional. Au fond, la somme des  blocages côté chinois semble correspondre au sauvetage du cœur du programme « made in China 2025 », un des héritages les plus contestés, mais les plus défendus de Xi Jinping. Mais la nouvelle attaque de Trump change la donne : la veille encore, la rumeur prédisait un accord « anémique et cosmétique », fruit inévitable d’une trop longue attente, le président américain ayant « laissé passer l’occasion ». Toutefois si Trump remet ses gants de boxe, c’est peut-être qu’il peut se le permettre, au vu des dernières données conjoncturelles de son pays. Avec 3,6% de chômage, il obtient le taux le plus bas des 50 dernières années.

Tandis que la Chine elle, va moins bien. Ses performances à l’export baissent en mars, et son élevage porcin, le premier au monde avec 500 millions de cochons abattus par an, a perdu depuis janvier 40 millions de têtes, voire 19% du cheptel, selon le ministère de l’Agriculture, laissant fuser les prix de 50% sur les marchés—et ce n’est qu’un début. Les USA estiment à 41% la hausse des achats de porc « raised in USA ». Sauf si, obligée par la spirale des rétorsions, Pékin s’interdisait de recourir à cette source de remplacement, comme elle semble –bizarrement– commencer à le faire au départ du Canada. Il lui en coûterait cher : d’ici 2025, de source interprofessionnelle chinoise, la population voudra en consommer 55kg/habitant par an, 10% de plus qu’aujourd’hui.

Quel serait l’effet des nouvelles taxes de Trump ? L’effet direct ne serait pas si lourd, avec seulement 0,73% du PIB selon Capital Economics, ou 1,5% pour Bloomberg. Mais vont s’ajouter nombre d’autres effets négatifs. Renonçant à sa priorité de désendettement et de découragement des « mauvais » investissements, le pays devra offrir toujours plus de stimulus, tels ces 41,5 milliards de $ de crédits alloués début mai aux PME via les banques. Il y aura aussi l’alourdissement de la ponction fiscale. Puis Pékin n’aura de choix autre que laisser « filer » son renminbi à la dévaluation pour compenser les taxes : dès le 5 mai, le yuan perdait 2%. Mais ceci isolerait la Chine et l’exposerait à un orage international de contre-mesures. Enfin, cette crise va casser la bourse :  à Shanghai, l’indice perdait 5,6% le jour des tweets de Trump, signant la fin d’une période haussière depuis janvier, qui l’avait regonflé de 24%. Mais désormais, si rien ne change, Sinoinsider prédit une rechute de 20% d’ici décembre. 

Ainsi, l’Etat chinois semble déchiré entre deux attitudes extrêmes. L’une, exprimée par l’analyste Taoran, consiste à ne voir dans la stratégie baroquiste et toujours changeante de Trump, « qu’une ruse pour renforcer la pression sur la Chine » : un style de joueur de poker, qu’il convient de ne pas prendre au sérieux. Mais une telle vision des choses a pu encourager Xi Jinping et ses conseillers à bloquer des éléments de l’accord négocié – à rejeter le « bluff ».

À l’opposé cependant, on a pu observer une grande retenue de la part du leadership chinois, une volonté d’accommoder, d’éviter la confrontation. Quelques jours plus tôt, Xi Jinping faisait octroyer à la fille du président américain des droits de marque préliminaires à 16 produits (bijouterie, chaussure, machine à voter) sous sa griffe Ivanka. Mais une telle conciliation, incompatible avec la fermeté et la loi du talion, risquait de dévoiler une profonde vulnérabilité du côté chinois.

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1 Commentaire
  1. severy

    Hmmm! Peut-on négocier avec Trump, un type qui ne mériterait pas la confiance de son propre fils, qui croit tirer les ficelles sans savoir qu’elles lui enserrent le cou et qui est téléguidé par le complexe militaro-industriel de cette belle démocratie impérialiste que sont les États-unis? La Chine a l’avantage de savoir patienter…

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