Agroalimentaire : Les quatre cartouches de la révolution agraire

Poulailler Moderne Deqingyuan Aux Environs De PekinS’il est une politique qui n’a guère changé depuis Mao, c’est bien l ’agriculture, avec son système lourd de prix et de stockage, qui reflétait la hantise de nourrir ce peuple immense. Or Xi Jinping, en 2014, porte un coup de boutoir à cette relique. 

– Début janvier, le traditionnel document n°1 présenta un message de rupture. Au lieu d’insister comme d’habitude sur les récoltes, il défendait la protection des sols et la sécurité alimentaire, qui devrait être strictement assurée. Il faudrait donc décontaminer la terre, usée par 60 ans d’exploitation aveugle, réhabiliter les 3,3 millions d’ha perdus pour la Chine, passer à un usage raisonné de l’eau, des engrais et des pesticides. 

– Un mois plus tard (10/02), le Conseil d’Etat fixe les objectifs de récolte à moyen terme : nouvelle surprise, les objectifs sont notoirement en dessous des besoins. La récolte de 2013, pour la 10 ème fois, avait battu son record, dépassant les 600 millions de tonnes (toutes céréales). Or d’ ici 2020, le paysan devra « stabiliser » l’effort à 550 millions de tonnes. 

Ce choix cache une décision bouleversante : le grain manquant devra être importé ! C’est le postulat de l’autosuffisance qui s’écroule. Ce geste était attendu depuis 10 ans, agronomes américains en tête, qui suivent par satellite les emblavures en Chine. Mais pour Pékin, admettre cette évolution inéluctable n’a pu se faire sans un pincement au cœur. Elle n’a plus le choix. Ses sols sont malades, et d’autres nations sont mieux placées pour produire moins cher, maïs ou soja (USA, Australie, Argentine ou Ukraine, à qui Pékin fait dernièrement les yeux doux). « Clairement, dit Wang Yiming, de la CAAS, l’Etat va désormais encourager les céréales de consommation directe comme riz et blé. Quant au grain pour bétail, protéique ou oléagineux, il est tout aussi clair que nous arrivons toujours moins à maintenir la cadence ». 

Aussi, la nouvelle politique, implicitement, ouvre plus grand la porte à l’étranger. En Chine, les mieux placés, grands bénéficiaires de ces importations à bas prix, seront les éleveurs de volaille de la côte et du Sud.

– Un 3ème pan de la réforme concernera le lait : le plan nutritionnel pour 2014-2020 (09/02) veut sextupler la consommation à 100ml par personne et par jour, par rapport aux 15ml du plan de 2000-2010. Ceci, afin d’augmenter la prise de calcium du peuple chinois, trop faible. En 2013, l’import de lait en poudre a augmenté de 50% à 864 000 tonnes, surtout au bénéfice de la Nouvelle Zélande qui assure, en valeur, 2/3 des besoins chinois. Son groupe géant Fonterra et d’autres tel Nestlé, investissent dans des usines nouvelles. Danone met 665 millions de $ d’argent frais dans son partenaire Mengniu, 1er laitier du pays. Pour recréer la confiance , détruite en 2008 par le scandale du lait à la mélanine, dans la filière lait, l’Etat veut faire la part belle à l’étranger : demi-tour, après 30 ans de faveur aux producteurs locaux. 

– Face à ces manœuvres, la 4ème réforme parait pâle – elle pèse pourtant tout aussi lourd. Après avoir raflé depuis 2011 la totalité des surplus mondiaux de coton (56 millions de balles), la Chine prépare le démantèlement du stockage public, cet outil de gestion du marché, qu’elle veut remplacer par un programme d’objectifs de prix. Ici aussi, il s’agit de forcer les producteurs à penser moins « volume » et plus « qualité ». Adieu donc, la grande muraille agraire et l’économie planifiée : bienvenue à l’imagination et au marché !

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