Petit Peuple : Chengdu : Tan Shen, au 36 ème dessous (2ème Partie)

Résumé Partie 1 : A Chengdu, Tan Shen vient de se faire honteusement « plaquer » par son ami…

L’ex–de Tan Shen venait de sortir en claquant la porte de l’appartement. Elle restait abasourdie par la violence de la trahison. Haletante, elle ne parvenait plus à penser. Malgré tout, il fallait se ressaisir : à l’aveuglette, elle flanqua dans un sac 2-3 affaires de première nécessité – peigne, brosse à dents, sous-vêtements. Puis elle sortit, laissant la porte béante – plus rien ne lui importait désormais ! Hébétée, elle marcha 15 minutes, avant de réaliser qu’elle allait vers la gare et non au bureau. Elle appela son chef pour l’avertir qu’elle était souffrante, et apporterait un certificat médical à son retour, « dans quelques jours ». 

Arrivée à la gare, traversant la grande verrière qui clignotait de publicités en mosaïque de lampes LED, elle tomba en arrêt devant un logo représentant un vieil homme à barbichette et lunettes, en salopette rouge, souriant. Elle vacilla : quelques mois plus tôt, à cette enseigne du KFC, elle avait rencontré Zhou, l’amant qui venait de la quitter. Elle sentit alors une obligation imparable : elle était attendue ici, et devait y faire halte -le temps qu’il faudrait. 

Elle entra, passa commande, et se mit à manger un à un ses bouts d’ailes de poulet frit. Par une mystérieuse alchimie, chaque bouchée fit rejouer une scène du film : face-à-face, chacun derrière son petit seau de poulet, c’était Zhou qui avait entamé la conversation par une banalité. Elle avait répondu par un sourire. Ils avaient commencé à bavarder de leurs vies, goûts, boulots, amis… Il avait posé sa main sur la sienne. Le début d’une romance… Tout cela semblait si dérisoire à présent. Mais à travers l’arôme de la volaille sur ses papilles, remontaient les émois oubliés, les espoirs déçus : un tribunal se mettait en place, faisant le procès de son passé, pour avoir mal géré sa vie. 

Au miroir d’en face, Tan siégeait, à la fois accusée et (inflexible) juge. Elle se revit céder à toutes les lubies de son amoureux. Chaque fois, elle se flagellait pour n’avoir pas été à la hauteur… Puis elle croquait une autre bouchée grasse et froide, pour faire surgir la scène suivante, le prochain chef d’accusation. Quand elle eut fini son panier, elle se leva pour en recommander un autre. Moins par faim que pour pouvoir s’accrocher à ce refuge. Le soir tombant, elle ne supportait pas l’idée de rentrer chez elle, décor si imprégné du drame du matin… 

A l’aube, elle se réveilla, couchée sur la table qu’une main anonyme avait nettoyée autour d’elle. Elle s’étira, passa aux lieux d’aisance, puis fit la file pour un café et un chausson aux pommes. Quand elle revint, sa place était occupée. Elle en choisit une autre et bien lui en prit : l’absence du miroir et la vue plongeante sur le restaurant, lui permettait à présent de détailler la foule des travailleurs se sustentant à la va-vite avant l’embauche. 

La différence de perspective fit disparaître tribunal, juge et procès. Dès lors, ce n’était plus elle qui était responsable de l’échec de sa vie amoureuse, mais les autres ! Ses parents d’abord, qui n’avaient pas supporté que toute petite, elle s’exprime de manière personnelle ; ses maîtres qui chouchoutaient invariablement les garçons ; cette société macho qui écrasait les femmes par principe, sans savoir pourquoi. De fureur, elle mâchait à toute allure ses bribes de blanc et d’aile -comme pour refuser à jamais qu’on la prenne « pour une poule » à l’avenir. 

Ce restaurant de gare restait animé 24h/24. Ceci explique que longtemps, elle passa inaperçue. Mais le troisième matin, une fille de caisse prenant son service la reconnut et signala, semant la curiosité dans l’équipe. Le chef vint la voir. « Mais non, répondit-elle, je n’ai besoin de rien, que d’un moment de paix pour remettre mes affaires en ordre ». Rassuré, le patron s’éloigna : elle payait ses additions, et n’avait pas la tête d’un suspect à signaler ou à tenir à l’œil… On lui ficha la paix.

Au sixième jour, son foie donna des signes de faiblesse. Mais cela lui permit un constat captivant : l’excès de malbouffe, le déficit en sommeil et en douches la convertissaient en épave, mais l’aidaient aussi, par dégoût à dépasser les désirs du corps, à purger son âme. Ce régime la rapprochait du socle de son être, d’un karma où nulle tentation ne trouvait plus prise sur elle. 

Puis à la septième aube, dans les limbes, le dos en compote, tomba la délivrance sous la forme d’une tempête de flashs : un reporter était en train de la saisir sur le vif. Poliment, elle répondit à ses questions, mais bientôt coupa court, agacée, et s’en alla prendre un billet de train pour Qingdao, sa ville natale, en route vers chez ses parents. 

La cure était terminée. Elle appela encore son patron pour lui notifier sa démission. Sa vie d’hier enterrée, en paix avec elle-même, elle redémarrait, épuisée mais aussi pleine d’énergie reconquise, grâce à sa cure de 7 jours au poulet aux 11 épices du colonel Sanders!

Kfb

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