Diplomatie : Chine-Venezuela : la petro-amitié troublée

La Chine bâtit sa fortune avec audace, là où le monde développé trouve le risque trop élevé. Une de ses destinations extrêmes est le Venezuela où, via sa banque China Development Dank (CBD), depuis 2005, elle a investi plus de 46 milliards de $ – 55% de sa mise en Amérique Latine et son plus grand placement hors frontière. 95% de ces prêts étaient remboursables en pétrole, dont le petit Etat revendique les premières réserves mondiales. 

Derrière cette politique, il y a un pari, placé sur un seul homme : le Président Hugo Chavez, qui entame son 3ème mandat en 14 ans, qui prend toutes les décisions du pays, grandes ou petites, et qui jouit de la confiance totale de Pékin. Aujourd’hui, Caracas exporte 400.000 barils par jour vers la Chine, volume qui devrait atteindre, selon les engagements, 1 million de barils par jour en 2025.

Mais à présent, la relation se grippe : dans un hôpital cubain, à 58 ans, Chavez lutte contre le cancer, lequel empêche toute décision et paralyse le pays. De ce fait, la Chine bloque tout nouveau paiement : si Chavez décède, l’opposition de droite peut-elle prendre le pouvoir, et si tel tournant doit advenir, quid de son argent ? La Chine n’est pas la seule à se faire du souci : la Russie et l’Inde, aussi engagées à développer les gisements vénézuéliens, gèlent leurs transferts. 

En décembre, R. Ramirez, ministre du pétrole et patron du monopole PdVSA, était à Pékin pour négocier, mais pour la 1ère fois, il repartait les mains vides, sans aucun nouvel accord entre ces pays qui en signent 29 par an en moyenne depuis 2001. Plus grave, pas d’argent frais : la CBD doit encore lui livrer 4 milliards $, et il faudra négocier pour un autre chèque de 4 milliards $ promis en mars dernier. Ensuite, plus rien n’est sur la table. Mais un Venezuela sans versements chinois, est un Venezuela proche de l’asphyxie…

Entre Pékin et Caracas, bien du chemin a été parcouru en 11 ans : avec la PdVSA, la CNPC (Compagnie Nationale Pétrolière) s’est implantée dans la région clé de l’Orénoque, et de 2006 à 2009, a triplé sa propre production locale à 140.000 barils par jour. Mais cette administration déséquilibrée par une privatisation massive de mille firmes locales ou étrangères, semble percluse d’incompétence et d’inflation : de 1999 à 2011, la capacité d’extraction d’or noir a faibli de 13% à 2,7 millions de barils par jour. Tout se passe comme si l’administration de Chavez était en train de manger la poule aux œufs d’or… 

Pourtant, la crise de confiance ne semble pas appelée à durer. Pour Pékin comme pour Caracas, la coopération n’a pas d’alternative, du fait du déclin d’un marché des USA qui se replie sur son pétrole et gaz de schiste intérieur. Selon D. Voght, expert américain, même une alternance à la tête du Venezuela ne devrait pas remettre en cause le cap vers la Chine, l’Inde voire la Russie. De plus, un tel basculement, à ce jour, est peu plausible : Chavez « guérit », selon son n°2, N. Maduro, lequel en tout état de cause est prêt à lui succéder. Aussi le plus probable est que la phase d’incertitude, en Chine, soit appelée à être de courte durée, Pékin reprenant ses financements dès que possible.

Avez-vous aimé cet article ?
Note des lecteurs:
0/5
15 de Votes
Ecrire un commentaire