Diplomatie : Commerce Chine/Europe – de l’eau dans le gaz

L’ Union Européenne a été patiente—ou bien divisée : la Chine a eu 20 ans pour s’initier à ses marchés et les inonder de produits combinant sophistication et low-cost, rivaux imbattables des industries des 27 Etats membres. Mais avec bon nombre d’entre eux en récession (la France étant le dernier en date), Bruxelles ne prend plus de gants. 

Huit jours après avoir infligé des droits compensatoires sur les panneaux solaires chinois, compromettant ainsi un marché de 21 milliards de $, le commissaire au commerce, le belge K. de Gucht récidive sur les équipementiers en téléphonie. Huawei, n°2 mondial et ZTE, n°5, risquent des taxes pour ventes sous dumping, financées par des subsides. Il s’inquiète aussi des 25% de parts chinoises du marché de l’UE, sur un produit (les serveurs intermédiaires) convoyant l’info confidentielle des firmes. ZTE et Huawei sont d’origine militaire, proches de l’Etat, et des pans entiers de l’économie de l’UE pourraient souffrir en cas de « panne » généralisée, ou bien si ces flux d’informations internes étaient captés en Chine – vieilles accusations contre Huawei et ZTE, qui circulent aussi aux Etats-Unis. 

Le feu vert a été octroyé par un vote des commissaires des 27 Etats membres. Affirmant détenir des preuves de la subvention publique chinoise à l’export de Huawei et ZTE en UE, de Gucht semble excédé par un an de discussions sans fruit, et vouloir jouer « au chat et à la souris » sur sa décision de lancer ou non la procédure. « Sauf pour la forme, dit un membre de son cabinet, nous n’avons plus vraiment besoin de cette enquête—les faits sont clairs ». Intervenant après la taxe sur les panneaux solaires, et une autre juste confirmée pour 5 ans contre du matériel de chauffage et de la vaisselle (taxe de 24,6% à 57,8%), l’action du commissaire semble un coup de poing sur la table, bien peu dans le style chinois. 

Il faut dire qu’en face, Huawei pratique un lobbysme intense, et réfute en bloc toutes les accusations : la Commission ne l’aurait jamais contacté, elle serait mal informée (« ni dumping, ni subside »). Ses prix et sa technologie, plaide-t-il, sont un ‘plus’ pour le consommateur européen, et Huawei assure 15 000 emplois directs ou non à travers l’Union. Enfin, il serait « déçu » que Bruxelles ait osé lancé une plainte en son nom propre, en l’absence de plainte de constructeurs européens. 

Ce point au moins est parfaitement exact—et pour cause : tous les grands groupes mondiaux Alcatel-Lucent, Nokia et Ericsson (n°1 mondial, 35% du marché) sont présents en Chine, y vendent, et ont été dissuadés de soutenir l’action de la Commission en leur défense, ce qui les met ainsi dans une position un peu étrange et inconfortable.

Cette pratique de groupes européens votant « pour Pékin contre Bruxelles », n’est pas limitée à la téléphonie : Airbus vient d’obtenir, avec le passage de François Hollande à Pékin, le déblocage partiel du boycott de ses avions, suite au report par la Commission du plan qu’elle mettait mondialement en place pour lutter contre le réchauffement global, en taxant les émissions de CO2 de tous avions empruntant son espace aérien. En soutenant la Chine (et en le lui disant !) Airbus a obtenu 18 ventes, pour 4 milliards de $, prix catalogue. Mais de tout cela, se dégage un brouillard malsain pour l’avenir : l’UE a déjà 31 actions antidumping dans le monde, dont 18 envers la Chine, laquelle prévient que ses dernières (contre-)attaques ne resteront pas sans suite. 

Avez-vous aimé cet article ?
Note des lecteurs:
0/5
12 de Votes
Ecrire un commentaire