Politique : La chute de Liu Tienan, ministre corrompu

Six mois auparavant, les arrestations de cadres corrompus étaient encore exceptionnelles. Aujourd’hui, même si elles se multiplient, aucune n’est « banale » et celle de Liu Tienan l’est encore moins. Les détails qui l’entourent, ne peuvent que faire résonner comme un gong, le tournant historique dans lequel la Chine se trouve prise soudain. Il s’agit d’un ministre ! Même s’il y en a déjà eu d’autres, tel Liu Zhijun, son collègue des Chemins de fer qui croupit depuis 18 mois en attente d’un procès tumultueux, la pratique était jusqu’alors atypique, et soulève plusieurs interrogations. Pour cet ex-n°2 de la NDRC de 58 ans, jusqu’en mars Prsdt de la Commission Nationale de l’Energie (CNE) ? Pourquoi prendre de tels risques pour sa liberté et sa brillante carrière ? Et pourquoi l’Etat décide-t-il de le « lâcher » ? 

A ce qui semble, Liu agissait suivant des règles universelles, mais qui viennent de changer sans avertissement. Liu était protégé au sein de la confrérie de l’énergie (charbon, électricité, hydrocarbures). Sous la tutelle d’un parrain à très haut niveau, il pouvait s’affranchir de la loi. C’était indélicat—mais sans risque. Jusqu’à ce que Xi Jinping au pouvoir, installe à la tête de la CCID, la police du Parti, Wang Qishan, avec carte blanche pour nettoyer les écuries d’Augias. 

Le plus étonnant dans cette affaire, c’est que la dénonciation provient d’un particulier, Luo Changping, accusant Liu le 6 décembre 2012 sur son compte Weibo, d’avoir falsifié ses diplômes, empoché des enveloppes et entretenu une maîtresse. C’est peut-être à lui que faisait allusion le 1er ministre Li Keqiang dès mars 2013, devant la presse mondiale, en promettant de nouvelles formes de pouvoirs au citoyen, qui contrôlerait par Weibo, les abus financiers des apparatchiks. 

D’ordinaire, ces dénonciations de la base sont étouffées voire réprimées. Celle de Luo avait été d’emblée démentie par la puissante CNE, promettant des poursuites pour calomnie. Luo est rédacteur en chef adjoint chez Caijing, revue financière privée de grand renom, mais c’était à titre privé qu’il agissait, sur son blog, risquant sa liberté. 

Ici, il n’a pas été inquiété—au contraire, la CCID est venue le voir, ainsi que d’autres, pour lui demander ses sources, qu’il a fournies. 
En l’occurrence, Liu Tienan faisait verser des cachets à sa femme et à son fils, par Ni Ritao, milliardaire ayant dû sa fortune au rachat des usines publiques de pâte à papier. En échange, Liu obtenait pour CGR, le groupe de Ni, des prêts bancaires lui permettant de financer ses acquisitions. 

Le comportement du pouvoir a donc totalement changé, mettant fin à la protection des cadres – ou plutôt, acceptant la chute de certains d’eux, très visibles, pour faire passer le message et « tuer le poulet pour faire peur au singe » (杀鸡吓猴 shā jī xià hóu). Derrière ce changement, Xi Jinping, en début de mandat, a promis de s’attaquer « aux mouches et aux tigres ». Aujourd’hui, c’est le tigre, et c’est pour persuader une population indignée et désorientée, du sérieux de sa volonté de changer la Chine. 

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