Politique : Li Keqiang veut « trancher le poignet empoisonné » du pays

« Notre politique des média est incohérente » constate Zhan Jiang (professeur à l’université d’études étrangères, Pékin). Par leurs styles de contrôle très divers, l’Office National de l’Information (internet) et l’Office Central de la Propagande (presse) ont permis au journaliste Luo Changping de choisir sa censure « à la carte » pour dénoncer le ministre Liu Tienan, sur son microblog plutôt que dans son journal, Caijing.

C’est dans cet état de confusion qu’une fuite orchestrée au sommet du pouvoir, révèle le projet d’un « 3ème Plenum du XVIII. Congrès », pour octobre, par Xi Jinping et Li Keqiang. Il adoptera un train de réformes en 7 points, préparé par Liu He (cf photo), son lieutenant, auteur du XII. Plan (2012-2016). La charge symbolique du terme « 3ème Plenum » n’a échappé à personne : il renvoie au 3ème Plenum de 1978, où Deng Xiaoping fit accepter la politique d’ouverture, recette de 30 ans de croissance. Et certains parallèles s’imposent entre les 2 époques. Comme en 2013, la Chine de 1978 sortait d’une longue époque de stagnation où une classe au pouvoir avait bloqué tout changement pour protéger ses privilèges. Et comme Deng alors, Xi Jinping joue la réconciliation des factions (qui n’ont pas changé), conservateurs et réformistes, les adjurant d’« oublier le passé pour faire face ensemble à l’aveni r». Ce qui explique aussi, aux deux époques, le (ou plutôt, la tentative de) resserrement de la censure. Comme Deng autrefois, Xi et Li doivent rassembler les voix en interne, obtenir le consensus : avant de dévoiler leurs vues, ils doivent étouffer les voix des démocrates naïfs qui, en exigeant « tout, tout de suite », feraient tout capoter. Ils doivent aussi se défier des gauchistes qui étaient prêts, 12 mois auparavant, à suivre Bo Xilai dans une tentation d’aventure putschiste… 

Curieusement, les points de ce plan de réforme circulent déjà—ils reprennent les grands thèmes du programme politique du 1er ministre Li Keqiang, évoqués en mars. Soutenue par Zhou Xiaochuan, Gouverneur de la BPdC, la réforme du crédit est préparée par Yi Gang. Celle de la taxation se fait sous la plume de Wu Xiaoling. Suivent les réformes du droit du sol, et celle du hukou : elles devraient assurer l’enrichissement des paysans, en leur donnant en viatique la propriété de leurs champs. Les dernières réformes concernent les transferts de ressources aux vulnérables (pauvres, person-nes âgées, malades), et l’entrée en jeu des ONG, qui seront reconnues et nanties de droits. 

La suppression du « monopole administratif » et de centaines de licences pour dynamiser les PME et leur ouvrir des secteurs jusqu’alors chasse gardée, et enfin, adapter les prix de l’énergie, de l’eau et autres services publics dans le sens de la « décarbonisation » de l’économie, et de la protection de l’environnement. Lors d’une téléconférence du 13/05, Li dépeignait la vague de dérégulation préparée, comme l’acte d’« un guerrier mordu par un serpent, se tranchant le poignet pour sauver sa vie ». Cependant, les sources font état de fortes résistances : les conglomérats d’Etat et organes nantis, qui veulent éviter de jouer le rôle du poignet tranché. Tandis que d’autres cherchent la coalition hétéroclite, l’alliance réactionnaire pour sauver leurs privilèges, en mettant les leaders en minorité.

Pour en savoir plus, notre nouvelle version de l’étude « Xi Jinping, the new era ». 

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