Editorial : USA / Chine – vers une locomotive bicéphale?

A Washington (9-10/5), Chine et USA tinrent leur Dialogue de coopération stratégique annuel. Or Wang Qishan (tsar économique, étoile montante du régime), T. Geithner, H. Clinton et le vice Président J. Biden purent tous après coup évoquer un succès, sans avoir pourtant renoncé à aucune exigence passée, ni fait de concession dure autre que cosmétique : par quel mystère ?

Ce qui a changé était le ton. La volonté mutuelle d’embellie permit de glisser sur les sujets qui fâchent, droits de l’homme, déficit commercial des USA, surplus chinois (11,4MM$, +30% d’ex-ports en avril) et hausse du yuan, où Wang prétendit maintenir«la défense des intérêts de la nation» -quoique le ¥ ait monté de 10,6% en un an, dont 7,2% en mars : choix délibéré, et non hasard! Tout ceci a permis la signature du cadre des relations futures (macro-économie, finance, commerce, diplomatie) et la reprise du dialogue militaire, gelé depuis 2010. Des promesses furent échangées:

Côté chinois : celles de renforcer la lutte contre le piratage intellectuel ; de cesser de bannir les étrangers des marchés publics, sauf contre cession de leur technologie ; et de permettre la vente de certains produits financiers (assurances-auto, fonds mutuels).

Côté USA : on envisageait d’assouplir les règles de ventes en Chine de produits américains à haute technologie… L’un et l’autre ont aussi promis de s’expliquer leurs subventions à l’export, voire de se doter de règles sur le sujet. On est ainsi proche du contrôle des flux financiers et de la prévention de crashs, que le G20 tente de réglementer, sous la présidence de Nicolas Sarkozy

A Washington, le cynisme désabusé était de rigueur – l’analyste D. Scissors, pariait que la Chine renierait ses promesses. Mais Cui Tiankai, vice ministre des affaires étrangères répliquait par un sibyllin proverbe de son pays : «toutes choses spirituelles peuvent finir par se matérialiser»…

Entre deux pays se regardant en chiens de faïence depuis longtemps, cet atypique zéphyr champêtre pourrait s’expliquer sous le prisme des agendas politiques respectifs : deux gouvernements en fin de mandat, en train de s’accorder la paix des braves. Pékin soutiendrait Obama dans sa réélection de 2012—en échange d’un statu quo sur ce marché US dont elle est loin de pouvoir se passer. En d’un soutien dans son virage vers un modèle économique durable qui reste encore à inventer. Sans attendre, Obama doit préparer la coopération avec Xi Jinping, dès octobre 2012. Vu sous cet angle, Chine et USA pourraient être en train de caresser à nouveau le vieux rêve d’une «locomotive mondiale», à deux.

Cela dit, de ces accords, que peut-on en tirer ? A priori, on n’y voit nulle substance, rien qui permette aux US de renoncer à la planche à billets ou d’adopter un plan présentable de réduction de leurs émissions carboniques; ou à la Chine, de réévaluer son ¥uan sous-évalué qui lui permet d’éviter de prendre sa part de coupes dans les infrastructures industrielles mondiales excédentaires.

Et l’Europe ? Présidé par Dai Bingguo, Conseiller d’Etat, C. Ashton, la Haute Représentante de l’Union Européenne, et le gouvernement hongrois, son dialogue stratégique avec la Chine était à Budapest (12-15/5), alors qu’Herman Van Rompuy, Président du Conseil européen visitait, à Chengdu, des projets «verts» et sociaux co-financés par l’Union Européenne. Pékin profitait de l’occasion pour réitérer son attente de voir la fin de l’embargo sur les ventes d’armes et l’octroi du statut d’« économie de marché ».

Quoique 1er partenaire de la Chine devant les USA (387MM² d’échanges en 2010 contre 318), l’UE garde une influence naine sur ce pays, face aux US, voire certains États membres, rivaux entre eux et avec Bruxelles.

Citons pour conclure la remarque d’un observateur:«l’avenir est dans l’environnement, qui crée des emplois, de la recherche, et offre la seule réponse au défi climatique. Mais cela ne peut être fait que par l’Union Européenne, pas par les nations. Si nous pouvons convenir d’un cadre politique et fiscal nouveau, unifié, sur une politique industrielle verte, nos enfants auront un avenir. A ce prix-là seulement ».

 

 

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