Le Vent de la Chine Numéro 18

du 15 au 21 mai 2011

Editorial : USA / Chine – vers une locomotive bicéphale?

A Washington (9-10/5), Chine et USA tinrent leur Dialogue de coopération stratégique annuel. Or Wang Qishan (tsar économique, étoile montante du régime), T. Geithner, H. Clinton et le vice Président J. Biden purent tous après coup évoquer un succès, sans avoir pourtant renoncé à aucune exigence passée, ni fait de concession dure autre que cosmétique : par quel mystère ?

Ce qui a changé était le ton. La volonté mutuelle d’embellie permit de glisser sur les sujets qui fâchent, droits de l’homme, déficit commercial des USA, surplus chinois (11,4MM$, +30% d’ex-ports en avril) et hausse du yuan, où Wang prétendit maintenir«la défense des intérêts de la nation» -quoique le ¥ ait monté de 10,6% en un an, dont 7,2% en mars : choix délibéré, et non hasard! Tout ceci a permis la signature du cadre des relations futures (macro-économie, finance, commerce, diplomatie) et la reprise du dialogue militaire, gelé depuis 2010. Des promesses furent échangées:

Côté chinois : celles de renforcer la lutte contre le piratage intellectuel ; de cesser de bannir les étrangers des marchés publics, sauf contre cession de leur technologie ; et de permettre la vente de certains produits financiers (assurances-auto, fonds mutuels).

Côté USA : on envisageait d’assouplir les règles de ventes en Chine de produits américains à haute technologie… L’un et l’autre ont aussi promis de s’expliquer leurs subventions à l’export, voire de se doter de règles sur le sujet. On est ainsi proche du contrôle des flux financiers et de la prévention de crashs, que le G20 tente de réglementer, sous la présidence de Nicolas Sarkozy

A Washington, le cynisme désabusé était de rigueur – l’analyste D. Scissors, pariait que la Chine renierait ses promesses. Mais Cui Tiankai, vice ministre des affaires étrangères répliquait par un sibyllin proverbe de son pays : «toutes choses spirituelles peuvent finir par se matérialiser»…

Entre deux pays se regardant en chiens de faïence depuis longtemps, cet atypique zéphyr champêtre pourrait s’expliquer sous le prisme des agendas politiques respectifs : deux gouvernements en fin de mandat, en train de s’accorder la paix des braves. Pékin soutiendrait Obama dans sa réélection de 2012—en échange d’un statu quo sur ce marché US dont elle est loin de pouvoir se passer. En d’un soutien dans son virage vers un modèle économique durable qui reste encore à inventer. Sans attendre, Obama doit préparer la coopération avec Xi Jinping, dès octobre 2012. Vu sous cet angle, Chine et USA pourraient être en train de caresser à nouveau le vieux rêve d’une «locomotive mondiale», à deux.

Cela dit, de ces accords, que peut-on en tirer ? A priori, on n’y voit nulle substance, rien qui permette aux US de renoncer à la planche à billets ou d’adopter un plan présentable de réduction de leurs émissions carboniques; ou à la Chine, de réévaluer son ¥uan sous-évalué qui lui permet d’éviter de prendre sa part de coupes dans les infrastructures industrielles mondiales excédentaires.

Et l’Europe ? Présidé par Dai Bingguo, Conseiller d’Etat, C. Ashton, la Haute Représentante de l’Union Européenne, et le gouvernement hongrois, son dialogue stratégique avec la Chine était à Budapest (12-15/5), alors qu’Herman Van Rompuy, Président du Conseil européen visitait, à Chengdu, des projets «verts» et sociaux co-financés par l’Union Européenne. Pékin profitait de l’occasion pour réitérer son attente de voir la fin de l’embargo sur les ventes d’armes et l’octroi du statut d’« économie de marché ».

Quoique 1er partenaire de la Chine devant les USA (387MM² d’échanges en 2010 contre 318), l’UE garde une influence naine sur ce pays, face aux US, voire certains États membres, rivaux entre eux et avec Bruxelles.

Citons pour conclure la remarque d’un observateur:«l’avenir est dans l’environnement, qui crée des emplois, de la recherche, et offre la seule réponse au défi climatique. Mais cela ne peut être fait que par l’Union Européenne, pas par les nations. Si nous pouvons convenir d’un cadre politique et fiscal nouveau, unifié, sur une politique industrielle verte, nos enfants auront un avenir. A ce prix-là seulement ».

 

 


A la loupe : Photo de famille du sérail socialiste

Plus que jamais, le pouvoir chinois est entre pénombre et décantation. A défaut de pouvoir en fournir un regard clair, voici un inventaire pointilliste de certains de ses acteurs et actions, en pleine campagne de nominations du prochain leadership de 6ème génération (XVIII Congrès).

Le 22/04, devant son université Tsinghua, l’ex-1er ministre Zhu Rongji (’97-’03), s’exprimait d’humeur vive contre plusieurs choix ou dérives des temps actuels : sub-ventions automobiles, plagiat dans les universités, « m…édiocrité » du journal de la CCTV, la télévision nationale —une revanche sur le temps où il était astreint au devoir de réserve.

Par contraste, pour bloquer tout essor en Chine de la révolution du jasmin, le pouvoir en place n’est pas avare d’initiatives : depuis février, la fleur est classée « produit de contrebande » et les fleuristes doivent rapporter les acheteurs. Depuis, le cours a chuté de deux tiers. Hors du coup, les horticulteurs attribuent cet ostracisme aux fuites nucléaires de Fukushima.

Les initiatives de mini-réforme ne s’arrêtent pas : depuis mai, 98 organes de l’État doivent déclarer leurs dépenses somptuaires, voyages à l’étranger, voitures, banquets, et en obtenir le quitus du parlement local. Les législatives sont en cours : 900millions de votants ruraux, 600 millions en ville, 2 millions d’édiles, dont la moitié de paysans – ce sera une 1ère.

En cas de peine de mort commuée en sursis, celle-ci est désormais assortie d’une obligation de 25 ans de prison, pour satisfaire une opinion inquiète de voir ce type de condamné (souvent fortuné) sortir quelques années après.

La campagne sécuritaire bat son plein.

Chongqing installe 200.000 caméras supplémentaires (510.000 au total) en lieux publics. Canton publie un règlement en 67 articles pour dénoncer tout étranger en situation irrégulière. Pékin prépare un sommier informatisé des citoyens ainsi qu’une carte d’identité à puce, outil essentiel de son programme de «gestion sociale» à l’avenir.

Par contre, tout en étant signalé dans la presse, le privilège salarial de l’administration, payée presque le double du privé, à 37.147¥ en moyenne contre 20.759¥, n’a pas fait pas l’objet d’une réforme.

A 17 mois du XVIII. Congrès qui adoubera le prochain Bureau politique, 6 des 9 postes semblent pourvus : Xi Jinping (futur 1er Secrétaire), Li Keqiang (futur 1er ministre), Li Yuanchao (à la tête du service orchestrant les nominations), Wang Yang (actuel Secrétaire du Parti à Canton), Wang Qishan (qui deviendrait Vice 1er), Bo Xilai (actuel Secrétaire à Chongqing).

Se sont exprimés contre la demande réformatrice de Wen Jiabao : Hu Jintao, Wu Bangguo (n°2, patron du Parlement), Jia Qinglin (n°4, boss de l’assemblée consultative, la CCPPC) et Xi Jinping. Ce dernier l’a-t-il fait par conviction sincère ou pour ne pas inquiéter ses pairs ? Question évidemment cruciale pour l’orientation du pouvoir après le congrès d’octobre 2012.

A noter que dix ans en arrière, avant d’être adoubé, Hu Jintao laissait volontiers ses proches le parer d’un vernis réformateur—pour changer de ligne radicalement ensuite.

Seule la tendance de l’actuel pouvoir est sûre, avérée depuis 2010 : en rupture avec la ligne de Deng, elle pratique toujours plus l’interventionnisme en économie, plus d’affirmation face à l’étranger des intérêts de la nation, et contient la demande intérieure en changement, par un surcroît d’idéologie et de contrôle social.

 

 


A la loupe : Pénurie d’eau—la fin du non-durable

«S’il est un obstacle capable d’enrayer la croissance chinoise, c’est l’eau», déclare M. Komesaroff, du bureau de recherche sur les matières 1ères Urandaline. Ce commentaire résonne, alors que la sécheresse darde ses langues sur le Hunan (121.300ha), le Ningxia, le Jiangxi, et le Hubei – lequel affronte sa pire sécheresse printanière en 50 ans.

En 10 ans, la situation se dégrade. Depuis 2000, on a trop peu investi dans les économies d’eau, causant une hausse de consommation de 549,8MMm3 à 599MMm3, tandis que la part agricole n’a baissé que de 68,8 à 62%. Ce qui cache un gaspillage. 80% de cette eau à usage rural est destinée aux céréales, dont 350MMm3 sont prélevés des cours d’eau et du sous-sol, causant une baisse moyenne de la table aquifère d’1m/an voire 6m/an dans le Hebei («taxé » en eau par Pékin, pour alimenter ses 22M d’hts).

Or, du à l’obsolescence du réseau, 55% de l’eau agricole n’atteint jamais la plante et l’irrigation moderne reste rare. Pire, pour éviter les heurts sociaux, les prix de l’eau stagnent à un niveau trop bas, ne couvrant pas le coût du recyclage, à 1/10ème des tarifs européens.

Pendant ce temps, pointe à l’horizon le tarissement des réserves du Tibet, «toit du monde».

Du 8 au 10/05, le Barrage des 3 Gorges a dû, déstocker de l’eau.

Le débit a été accéléré à 7000m3/seconde, soit 1500 de plus que l’influx, afin de maintenir la navigation sur le Yangtzé en aval, lequel atteint par endroit une faiblesse de tirant d’eau historique, comme 2,87m à Wuhan le 04/05, au lieu de 4m, niveau normal de l’époque. Cet étiage si bas multiplie les risques d’échouages ou collisions. Le long du parcours navigable de ce 6ème cours mondial, des 10aines d’équipes de pilotes et remorqueurs sont déployés en urgence, et l’Etat ressort ses projets de dragage du Yangtzé, moyennant 18MM¥ d’ici 2015, de Shanghai à Nankin, pour y permettre le passage de cargos jusqu’à 50.000TJB. La baisse de débit des fleuves est une tendance ancienne : entre les périodes 1956-1979 et 1980-2000, le ministère de l’eau estime que les Fleuves Jaune, Huai, Hai et Liao ont perdu 6% en moyenne, et 17% pour les lacs locaux.

Comme pour s’arracher à la léthargie, l’État, pour 2011, émet des objectifs audacieux : réduire de 7% sa dépense en eau par point de PIB. Pour y parvenir, il veut dépenser, d’ici 10 ans, 612MM$ dans les économies d’eau, et restaurer les réservoirs, les canaux d’adduction, tout en multipliant les équipements en irrigation sélective. Les pouvoirs locaux sont astreints d’affecter 10% du produit des ventes foncières—leur principal mode de financement- aux projets de conservation.

En février dernier, Zhou Shengxian, ministre de l’environnement, avertissait que « depuis des milliers d’années, le conflit homme/nature, en Chine, n’a jamais été si sérieux qu’aujourd’hui »…

Cela dit, les experts objectent : quoique pas exorbitants, les arrosages «goutte à goutte» restent hors de portée de la plupart des paysans. Lesquels, par ailleurs, n’ont intérêt à se lancer dans cet investissement lourd, que s’ils sont assurés de ne pas perdre leur terre, techniquement bien de l’État, trop souvent confisquée par des cadres indélicats. La résolution du problème de l’eau, comme tant d’autres, semble moins dépendre d’un investissement ou d’une technologie que d’un changement de perception, du droit foncier, et de la réforme politique, aujourd’hui bloquée !

 

 


Argent : Sichuan—Convalescence assistée

Le 12/05 marquait le 3ème anniversaire du séisme du Sichuan (87.000 morts, 360.000 blessés, 6000 handicapés).

Hormis la douleur du souvenir, les victimes disent généralement vivre «aujourd’hui mieux qu’avant».

En un temps record, 37 villes ont été rebâties, 4500km de routes, 3000 bonnes écoles, 1000 hôpitaux, 1 million de maisons plus confortables, avec chauffage et eau courante, changeant la vie. Comme ce village de Qianfo désormais doté d’une chaussée d’accès, réduisant à 10 minutes, son heure de marche vers la ville.

Dans l’urgence, un modèle de reconstruction inédit a été suivi— chaque province de la côte recevant la charge d’un canton détruit. Le Zhejiang a remonté Qingchuan et rebâti, rééquipé son école avec bibliothèque et salle d’ordinateurs, tandis que ses volontaires venaient initier les locaux aux arcanes de la mycoculture, assurant à chacun en moyenne 3000¥ de revenu en champignons. De même, des millions de «touristes-citoyens» se pressent pour soutenir cette région sauvage.

A la cérémonie de commémoration assistaient 100.000 visiteurs, dont des officiels japonais anxieux d’apprendre de cette expérience pour rebâtir Fukushima.

Seule ombre au tableau : les emprunts étranglent une partie des habitants, les emplois manquent et la moitié des milliards de $ de dons privés ou étrangers ont disparu, siphonnés localement. L’État parle de déverser encore 3 milliards de ¥ à la région, d’ici 2015—les habitants doutent.

 

 


Pol : Les chiens de Shanghai

Tout change le 15/05 à Shanghai, avec ce règlement qui bride le nombre de toutou, à un par foyer -version canine du planning familial. En l’occurrence la mairie n’a pas le choix, car son million de chiens dont seuls 140.000 légaux, cause 100.000 plaintes/an pour morsures, sans compter les non déclarées.

Autre souci: tous les jours, les bêtes laissent sur la voie publique des tonnes de malodorants souvenirs.

La loi impose donc le chien unique, prescrit qu’il doit rester en laisse en tout temps, muselé pour les plus gros, et vacciné. Les contrevenants paieront de 6² à 200² d’amende (pour abandon ou torture): « toute bonne loi canine, commente Liu Yungeng, Président du parlement municipal doit garantir les droits de tous, ceux du maître, du chien, et du voisin ». Pour remettre le chien sur de bonnes habitudes, des volontaires écumeront la ville, pour apprendre au maître à récupérer le colombin!

C’est la voie du bon sens : en 2010 encore, Global Times se plaisait à décrire des rues de Paris maculées de crottes de chien, puis les artères immaculées de Pékin, pour prouver la supériorité ultime du régime. S’éveillant aujourd’hui à la réalité, la Chine fait un nouveau mariage – avec son chien, tente de l’organiser avec lui, oubliant ses réflexes politiques. Faut-il l’ajouter ? Elle a depuis longtemps perdu son insulte préférée des temps glorieux : dissident ou escroc, l’ennemi ne peut plus être « chien courant de la bourgeoisie » !

 

 


Temps fort : NYSE – ruée vers l’Eldorado virtuel chinois

L’entrée de Renren, groupe pékinois, au New York Stock Exchange – NYSE (5/05) a tant séduit les actionnaires américains, qu’ils ont acheté au total 61 millions d’actions pour 855 millions$ et porté sa valeur à 3,95 milliards de $. Renren n’est pas une affaire comme les autres, puisque ce qu’il vend, est de l’immatériel. Comptant 117millions de clients (25% du marché), Renren est le 1er site social de Chine, un Facebook local, qui doit beaucoup à l’interdiction en Chine de son modèle US, pour raisons politiques—comme Baidu doit beaucoup au ban sur Google, lui permettant d’empocher 75% du marché de la recherche en ligne.

Mais l’ardent accueil de Renren aux USA fait froncer les sourcils des analystes, qui crient à l’indéniaisable optimisme, comme si l’économie chinoise allait conserver ses 10% de croissance jusqu’à la fin des temps, et si Renren allait demeurer le seul site social chinois au NYSE—alors que d’autres géants, tels Kaixin001 (19% du marché) et Pengyou (18%) préparent leur entrée.

En termes de sécurité financière, Renren est plus fragile que Facebook, aux 600millions de clients et 50 milliards de $ de capitalisation. Facebook tire 93% de ses revenus de la pub, contre 42% à Renren, qui doit aller chercher la plupart de ses revenus dans les jeux en ligne. Ce qui le force à renouveler sans cesse son offre de jeux sans savoir s’ils plairont, posant ainsi une ombre sur son avenir.

De fait, Renren souffre dès ce 1er trimestre de plafonnement du chiffre d’affaires et de pertes d’exploitation. Tout comme Youku, distributeur de clips-vidéos aux performances médiocres en vie réelle, mais que compensent par leurs financements les agioteurs new-yorkais. Ces investissements traduisent la foi «yankee» dans l’expansion d’un internet chinois comptant 457 millions d’utilisateurs appelés à dépasser le milliard à terme. On voit aussi d’un genre de revanche : interdits de facto de déployer en Chine leurs groupes d’internet et des télécoms, les USA y retrouvent une présence, en apportant capitaux et technologies.

NB: Comme 13 autres sites fournisseurs d’audiovisuel piraté, Baidu se voyait la semaine passée menacé de sanctions par le ministère de la Culture. Pour y échapper, il promettait de fournir dès le 09/05 des titres légaux gratuits, en payant des droits d’auteurs.

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Émerge d’autre part, au 30/04, la refonte complète de la régulation de l’internet en un Bureau d’Etat d’information de l’internet qui centralisera les monopoles de toutes les agences publiques sous la férule du Conseil d’État : les licences et la surveillance, les jeux, vidéos, publications, livres, audiovisuel ; l’accès des particuliers à la toile, le Wifi, le téléphone-internet ; la fraude en col blanc, le hackage.

Le problème est que tous ces pouvoirs lucratifs sont aux mains de 14 ministères, qu’on imagine peu soucieux de lâcher ces prébendes.

Un autre obstacle tient au fait que l’internet, outil mondial par essence, «sera libre, ou ne sera pas »: au nom de ce principe, Washington investit 19M$ dans la diffusion de logiciels anti-censure à destination de régimes autoritaires, telle la « Grande muraille de feu » chinoise.

Enfin, la refonte du contrôle public et la vague d’entrées en bourse de groupes géants des multimédias entrent dans le grand plan de croissance de l’ économie culturelle de Li Changchun, patron de la propagande nationale—cf VdlC n°3 (XVI). Son but est de « libérer les forces productives » de la culture, « renforcer la guidance dans la création de ses produits », et «parachever d’ici fin 2012 la mutation des groupes d’État culturels-commerciaux en entreprises basées sur le marché». L’avenir tranchera.

 

 

 

 


Petit Peuple : Changsha, les crêpes du beau gars

En mars, nous évoquions l’étrange destinée de Xilige, un clochard poussé -contre tout pronostic- en les sphères de la mode. Or voici un autre enfant de la balle, lui aussi propulsé sous les feux de la rampe par son joli minois. deux sorts qui n’ont en fait qu’un moteur unique, qu’une bonne fée si l’on ose dire, la femme new-look, éduquée, en pleine éclosion : la 1ère chose qui l’intéresse, qu’elle détecte à 100 lieues à la ronde, est le beau gars !

Pour Bao Jianbin, de Xinyang (Henan), la vie débute mal en 2005, à 19 ans : des suites d’un mal qui a ruiné la famille, sa mère meurt. Depuis 2 ans il «séchait» les cours, pour aider la malade ou gagner de l’argent. Après sa mort, il décide de quitter les études pour aller trouver du boulot à Nankin.

Sur place, la paie est nulle: pour faire loufiat, coursier ou factotum, 200-300¥/mois, juste de quoi survivre. A Xinyang, les créanciers restent à vibrionner autour de son père et de Bao Yun sa soeur, qui à son tour lâche l’école pour le travail. Elle décide alors de rejoindre Jianbin et d’aller ensemble, à Changsha, retrouver, un vieil oncle patron de PME. Une fois sur place, celui-ci leur donne des conseils pour monter une affaire, et plus précieux encore, un pécule pour se lancer.

Jouxtant le quartier des facs, Changsha compte une artère mal famée par toute une faune interlope, tire-laines, ribaudes et badauds: faune venant y combler ses humbles besoins dans ses bouibouis, puces, cybercafés. Baptisée par un maire mégalo « voie commerciale et culturelle du mont Lu », la foule l’appelle plus justement «rue de la décadence». C’est là que Jianbin loue un box de 2m² pour y poser sa plaque de fonte d’occasion, la bonbonne de gaz, la pâte, les oignons tranchés et bouts de lard grillés. Objectif : vendre des crêpes, au moins 100/jour, seuil de rentabilité.

Mais tout début est difficile. Jianbin et Yun portent au visage les stigmates de l’inexpérience. Pire, ce mets pourtant si courant en Chi-ne n’est pas encore connu à Changsha. Résultat, à une crêpe la 1/2h, on n’a parfois même pas de quoi acheter la farine du lendemain…

Vient le miracle, en chair et en os : les petites étudiantes qui surgissent coquettement attifées en collants, shorts et sandales de plastique moulées fluo. Louchant sans en avoir l’air, elles font le tour de la boutique, disparaissent subjuguées, réapparaissent pouffant de rires nerveux, commandent. Bouche pleine, elles repassent le mot à d’autres filles par portable, s’enhardissent à demander à Jianbin son n° de téléphone – il ne refuse jamais.

Le voilà déjà sur internet, de face, trois quart et profil, avec commentaires croustillants sur ses crêpes « à croquer», « fondant sous la langue» etc. A ce régime, il ne faut que quelques semai-nes pour que l’affaire démarre, franchissant à plein gaz le cap des 400 crêpes/jour (11h à 23h), au prix de 1,5 à 3,5¥ (pour la complète). Ce qui regarnit la caisse. Com-me la rue de la décadence va passer sous les bulls du même maire (jaloux qu’on ait foulé aux pieds le nom de lui choisi), Jianbin déménage rue Denggao (bien plus convenable) où il prend non un, mais deux sites. Il fait imprimer les enseignes, les cartes de visite au logo créé par ses pom-pom-girls : son propre nom, celui de l’affaire («la crêpe du beau gars») et une petite pub promettant en plus de la crêpe, quelques secondes du temps de l’amphitryon, sa signature et son sourire, le tout pour 2,5¥ – c’est donné, non ?

A mesure qu’il oublie le temps des vaches maigres, remonte un rêve d’adolescence : se faire mannequin, avec son 1m83 et sa taille de guêpe. Mais il le sait bien, il est 10 ans en retard, côté études et métier.

On ne réussit que par la persévérance, la course à l’expertise. Jianbin renonce, au nom du proverbe 织当访婢 (zhī dāng fǎng bì): « si c’est à ravauder, c’est pour la cousette». En Belgique, cela ce dit « le savetier ne va pas plus haut que le talon » : pour vivre heureux, il faut accepter sa propre condition !

 

 


Rendez-vous : A Pékin – le Forum des entreprises françaises ‘ Travailler ensemble ‘

17-20 mai, Canton : ChinaPlas, industries plastique et caoutchouc

18-20 mai, Shanghai : SIAL, Salon de l’alimentation, vins et spiritueux

18-20 mai, Shanghai : China Coat Expo de traitement des surfaces

18-20 mai, Xi’an : CNHC, Salon des équipements de chauffage /AC

19-21 mai, Pékin : CIPATE, Salon des équipements de police et technologies d’anti-terrorisme

19-20 mai, Pékin : Forum Travailler Ensemble des entreprises françaisessous le signe de l’innovation

20-22 mai, Suzhou : Salon des PME/PMI