A la loupe : Tibet—un mois de mars sous tension 

Après des mois de préparation, le Tibet est prêt à affronter les trois échéances de tous les dangers de ce mois ci : le 10/03, c’est le 50ème anniversaire de l’arrivée de l’armée chinoise ; le 14/03, c’est le 1er anniversaire des émeutes de 2008, et le 28/03 marquera la «fête» décidée par le Parlement local, de l’abolition du servage.

Pékin exclut tout risque de troubles, tout en dénonçant le «travail de sape de  forces occidentales anxieuses de diviser la Chine, et de distraire leurs électeurs de leurs propres soucis économiques ». Mais le gouverneur du Tibet Qiangba Puncog, devant le Parlement (ANP), n’exclut pas des « petits incidents » toujours possibles.

Au toit du monde, règne un couvre-feu non déclaré. Toutes les rues de Lhassa sont verrouillées par des soldats en armes, voire des chaînes. La région est fermée aux visiteurs étrangers. Les festivités du Monlam, Nouvel an tibétain, ont été boycottées : par protestation passive encouragée par le Dalai Lama qui dit : «ce Nouvel An n’est certainement pas le moment de tenir nos traditionnelles réjouissances».

Dans l’Ouest, hors du monastère de Sey (Sichuan) le 1/03, des centaines de moines furent dispersés, puis une cinquantaine manifestèrent. Quatre jours avant, à quelques km, un lama du monastère de Kirti avait tenté de s’immoler, drapeau tibétain en mains. Il serait hors de danger, mais le monastère est ceinturé par l’armée (APL).

Ainsi, après l’an passé jusqu’aux Jeux Olympiques, où une phase de négociation et d’espoir avait régné, les ponts sont rompus. Un récent voyage de journalistes a permis de découvrir une région anémiée, privées des ressources du tourisme (2,2M de visiteurs en 2008). Les migrants Hui et Han s’avouaient bien près de retourner chez eux, coincés entre chômage et inimitié de Tibétains, qui ne se sentent plus écoutés.

C’est dans ce contexte dur que s’ouvre la question de la succession du Dalai lama qui, à 73 ans, voit sa santé décliner. Tandis que la Chine prépare sa quête d’un successeur sous sa coupe, comme elle l’a fait pour le Panchen lama en 1995, les Tibétains cherchent la parade : désigner très vite après les funérailles une réincarnation, hors du territoire ; ou élire un héritier du vivant du Dalai, tel le Karmapa Lama, 3ème plus haut prélat lamaïste, 23 ans, en exil en Inde auprès du Dalai.

Enfin, malgré ces temps sombres, un concordat reste possible, dit Melvyn Goldstein, « pape » de l’analyse tibétaine. Il consisterait à reconnaître l’autorité du Dalai lama tout en lui interdisant le retour, et à octroyer aux Tibétains quelques pouvoirs autonomes… Un tel accord, prix de la réconciliation, ne peut toutefois être espéré que d’un autre leader – après Hu Jintao, le conservateur !

 

 

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