A la loupe : Le Plenum de l’ANP, et son festival Off

Placée sous un ciel d’orage, en crise extraordinaire, la session 2009 du Parlement (l’ANP) ne pouvait pas être comme les autres. Dès avant l’ouverture formelle, on voyait ce débat, d’ordinaire compassé et confiné, exploser de son cadre, s’exporter hors des murs du Grand Palais du Peuple, via différents canaux nouveaux, dont l’internet.

Dès le 28/02, Wen Jiabao, patron de l’exécutif, se livrait à son 1er bain de foule    «virtuel», pour « tchatter » avec 0,5M de Chinois inquiets, et leur donner ce message ambigu : les choses vont mieux (cf ci-dessous, papier « conjoncture »), mais l’impact de la crise mondiale sur la Chine n’a pas encore touché le fond.

Plus tard, la « toile »  abritait un autre forum, entièrement privé celui-là, aux prétentions aussi sérieuses que le Plenum lui-même : comme un festival off, aux tribuns improvisés. Certains réclamaient l’abolition de la politique de l’enfant unique. D’autres, tels l’avocat shanghaïen Yan Yiming, relevaient l’aspect discrétionnaire du plan de relance, dont on ignore toujours après 4 mois les bénéficiaires des 450MM² de manne à distribuer sur deux ans : Yang prétendait attaquer en justice la Commission nationale de de développement et de réforme (NDRC), chef d’orchestre de l’économie chinoise, à moins qu’elle ne publie la liste.

Sur le même sujet, une quinzaine de vieux dignitaires progressistes tels Li Rui, 91 ans, l’ex-secrétaire de Mao, avaient adressé depuis quelques semaines une lettre ouverte au Président Hu Jintao, le priant d’assurer que ces fonds aillent aux nécessiteux et ne soient pas détournés : eux aussi réclamaient « un peu plus de transparence ». Dans son discours, Wen Jiabao a répondu vaguement, promettant « des contrôles sévères… sur l’utilisation des fonds ». Problème de fond : après 4 mois, les PME privées et les paysans n’ont pas vu venir ces crédits de soutien. Quoiqu’ils soient le principal creuset de l’emploi.

Autre débat cocardier, sur le sort des 2 statuettes Ming razziées par les troupes anglo-françaises lors du sac du Palais d’Été (1860), juste adjugées chez Christie’s à Paris. Un certain Cai Mingchao a remporté l’enchère, mais refuse de payer, expliquant qu’il n’a voulu que saboter la vente. Certaines autorités soutiennent sans réserve l’action «patriotique», d’autres criant à la prise en otage par un opportuniste, de la crédibilité du pays. En fin de compte, après 24h, l’Etat prudent a préféré prendre ses distances.

Enfin, à la veille de la session, la Cour suprême autorise soudain les familles des victimes du lait à la mélamine de porter plainte, ce qu’elle interdisait avant. Puis, le Bureau de l’ANP adopte une sévère loi de sécurité alimentaire: mesures symboliques du régime, qui veut prouver sa capacité à écouter le peuple, sans rien concéder sur le fond : la demande de l’opinion, d’assouplissement des droits fondamentaux.

C’est ainsi que sans préjuger de résultats futurs (en général peu excitants), on voit poindre à l’horizon, dans cette ambiance de crise, des moyens d’expression inédits, bouteilles nouvelles pour le vieux vin des demandes libertaires de toujours !

 

  

 

 

 

 

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