Le Vent de la Chine Numéro 7

du 9 au 15 mars 2009

Editorial : Wen Jiabao au Plenum de l’ANP : ‘Fermez les écoutilles’ !

«Fermez les écoutilles, résistez à la tempête» : telle a été la tonalité du discours du 1er ministre Wen Jiabao, en ouverture du Plenum du Parlement (l’ANP) le 5/03 à Pékin. A période rare, mesures rares : face à cette crise mondiale qui malmène le pays, le patron du Conseil d’Etat a présenté un plan de survie, destiné à faire face à toutes les menaces à la stabilité du régime. Quitte à négliger d’autres thèmes traditionnels à ce forum annuel des comptes-rendus à la nation: aucune référence (c’est une 1ère historique) à Mao  ou  Jiang Zemin, presque rien sur l’étranger, ni sur la réforme politique. Et faut-il  le dire? Peu de transparence.

Premier danger : des révoltes de chômeurs qui seront 60millions d’ici décembre 2009, selon l’économiste Pieter Bottelier. Remède préconisé : la relance du marché intérieur, par ces fameux 4000MM¥ (450MM²) de crédits frais, dont 1180 à charge de Pékin. Ils seront financés par 750MM¥ de déficit budgétaire et 200MM¥ en bons émis par les provinces. Cependant la bourse mondiale avait parié sur un lourd «paquet» additionnel, jusqu’à 7000MM¥ : elle a été déçue. Pékin feint de croire que son plan tel quel, suffira à atteindre les 8% de croissance visés (alors que la Banque Mondiale parie sur 6,7%), un chômage urbain limité à 4,6% (d’autres instances prévoient 14%), et une inflation de 4%. 

Parmi les bénéficiaires, comptent l’agriculture, dotée de 716MM¥ (+120MM), la recherche scientifique-technique qui reçoit 146MM¥ (+25%), la sécurité sociale lestée de 293MM¥ (+18%). Pour encourager 9M d’emplois neufs dans l’année, Pékin offre 42MM¥. La refonte du système de santé obtient 850MM¥ sur trois ans, dont 332 à charge de Pékin. L’armée elle, a reçu une enveloppe de 560MM¥ (+15%) : un budget de sécurité qui révèle que Pékin, sous l’angle de la sécurité, s’attend au pire. La reconstruction du Sichuan obtient 130MM¥ -toutes les écoles devraient être achevées avant décembre et les travaux urgents, en deux ans, au lieu de trois.

Le régime veut donc rendre confiance, en inversant cinq ans d’austérité du crédit et en renforçant la politique depuis 2003, d’enrichissement des milieux démunis (paysans, chômeurs, 3ème âge). Ce nouveau mot d’ordre de consommation, apparaît pourtant aujourd’hui un mirage inaccessible, alors qu’en février, les importations ont chuté bien plus vite que les exportations, indiquant une incapacité structurelle de la Chine à maintenir, fut-ce sa consommation existante, et « exportant » sa crise à l’étranger -attitude qui, même à court terme, fait courir à la Chine le risque d’un  clash protectionniste.

Dans l’hémicycle, face à toutes ces propositions de Wen Jiabao, les élus applaudirent docilement, mais mollement : signe de perplexité, voire de désagrément, ou d’impopularité ! 

 

 


A la loupe : Tibet—un mois de mars sous tension 

Après des mois de préparation, le Tibet est prêt à affronter les trois échéances de tous les dangers de ce mois ci : le 10/03, c’est le 50ème anniversaire de l’arrivée de l’armée chinoise ; le 14/03, c’est le 1er anniversaire des émeutes de 2008, et le 28/03 marquera la «fête» décidée par le Parlement local, de l’abolition du servage.

Pékin exclut tout risque de troubles, tout en dénonçant le «travail de sape de  forces occidentales anxieuses de diviser la Chine, et de distraire leurs électeurs de leurs propres soucis économiques ». Mais le gouverneur du Tibet Qiangba Puncog, devant le Parlement (ANP), n’exclut pas des « petits incidents » toujours possibles.

Au toit du monde, règne un couvre-feu non déclaré. Toutes les rues de Lhassa sont verrouillées par des soldats en armes, voire des chaînes. La région est fermée aux visiteurs étrangers. Les festivités du Monlam, Nouvel an tibétain, ont été boycottées : par protestation passive encouragée par le Dalai Lama qui dit : «ce Nouvel An n’est certainement pas le moment de tenir nos traditionnelles réjouissances».

Dans l’Ouest, hors du monastère de Sey (Sichuan) le 1/03, des centaines de moines furent dispersés, puis une cinquantaine manifestèrent. Quatre jours avant, à quelques km, un lama du monastère de Kirti avait tenté de s’immoler, drapeau tibétain en mains. Il serait hors de danger, mais le monastère est ceinturé par l’armée (APL).

Ainsi, après l’an passé jusqu’aux Jeux Olympiques, où une phase de négociation et d’espoir avait régné, les ponts sont rompus. Un récent voyage de journalistes a permis de découvrir une région anémiée, privées des ressources du tourisme (2,2M de visiteurs en 2008). Les migrants Hui et Han s’avouaient bien près de retourner chez eux, coincés entre chômage et inimitié de Tibétains, qui ne se sentent plus écoutés.

C’est dans ce contexte dur que s’ouvre la question de la succession du Dalai lama qui, à 73 ans, voit sa santé décliner. Tandis que la Chine prépare sa quête d’un successeur sous sa coupe, comme elle l’a fait pour le Panchen lama en 1995, les Tibétains cherchent la parade : désigner très vite après les funérailles une réincarnation, hors du territoire ; ou élire un héritier du vivant du Dalai, tel le Karmapa Lama, 3ème plus haut prélat lamaïste, 23 ans, en exil en Inde auprès du Dalai.

Enfin, malgré ces temps sombres, un concordat reste possible, dit Melvyn Goldstein, « pape » de l’analyse tibétaine. Il consisterait à reconnaître l’autorité du Dalai lama tout en lui interdisant le retour, et à octroyer aux Tibétains quelques pouvoirs autonomes… Un tel accord, prix de la réconciliation, ne peut toutefois être espéré que d’un autre leader – après Hu Jintao, le conservateur !

 

 


Joint-venture : Acquisitions mondiales : ‘la furia cinese’

Hon Hai (Taiwan), n°1 mondial de l’électronique à façon, vient d’inviter 5% de ses 600.000 employés chinois à se présenter à leur usine, pour satisfaire le carnet de commandes : tel est un des signaux nets d’embellie de l’économie chinoise.

De cette insolente santé, un autre signe est la campagne très volontariste des grands groupes financiers chinois pour acheter à l’étranger, criant à l’« occasion du siècle ».

Au 2d Plenum de l’assemblée consultative CCPPC (Conférence Consultative Politique du Peuple chinois), Jesse Wang, vice Président de la China Investment Corporation (CIC2d fonds chinois, 200MM$) annonce son départ en chasse aux rachats de firmes mondiales semi ruinées. De même, le 3ème fonds, celui de la sécurité sociale veut placer hors du pays jusqu’à 16MM$, sur les 83MM sous sa garde. Par ce biais, il veut avoir doublé d’ici 2010 ses actifs, à 150MM$, et selon JP Morgan, ses achats n’auront rien de politique. Contrairement à ceux tentés dans le pétrole brésilien (10MM$ de prêt), russe (25MM$) remboursables en nature sur 20 ans, et à la reprise par la compagnie pétrolière nationale, CNPC, pour 400M$ (27/02) du pétrolier canadien Verenex. L’Etat est aussi derrière les récentes prises de participation dans l’aluminium, le fer et le zinc en Australie, 22MM$ dont 19,5MM$ pour 18% de Rio Tinto, le second groupe minéralier global. D’autres firmes participent au festin, sur le marché intérieur : Baosteel, l’aciériste shanghaïen (30Mt de capacité), prend le contrôle de Ningbo Steel (4Mt) pour 295M$, Chang’an, le constructeur auto de Chongqing rafle ses propres parts «B» en bourse de HK, pour 117M$ -une bouchée de pain qui lui évitera de payer des dividendes.

On se souvient de la mission commerciale chinoise conduite en Europe en février, qui avait trusté pour 15MM$ de produits, souvent de luxe (BMW, Daimler, Jaguar): l’habile démarche entend prévenir une action concertée euro-américaine en avril, pour forcer Pékin à réévaluer de 30% ou de subir 30% de droits en rétorsion. Cependant, voici qu’une autre mission chinoise repart pour ces 4 mêmes pays (Allemagne, RU, Suisse et Espagne), histoire de « battre le fer tant qu’il est chaud »… A y regarder de près, on note que la boulimie d’investissements évite studieusement certains pays, tels la France et l’Italie, aux relations aujourd’hui très froides avec la Chine, et les Etats-Unis, qui ont déjà coûté très cher à la Chine, et dont l’économie reste imprévisible.

Tout ce processus, cependant, pose bien des questions : les Etats concernés sont-ils prêts à accepter la prise de contrôle de leurs ressources? Canberra ainsi se réserve le droit de rejeter ces deals. En outre, SAIC, le n°1 chinois de l’automobile (Shanghai) vient de prouver son incapacité à gérer le coréen Ssangyong, et l’intégrer à son groupe tout en respectant sa culture d’entreprise : tous ces autres repreneurs sauront-ils à présent mieux faire ? L’Etat lui-même semble inquiet, et active le feu orange de danger.

 

 


A la loupe : Le Plenum de l’ANP, et son festival Off

Placée sous un ciel d’orage, en crise extraordinaire, la session 2009 du Parlement (l’ANP) ne pouvait pas être comme les autres. Dès avant l’ouverture formelle, on voyait ce débat, d’ordinaire compassé et confiné, exploser de son cadre, s’exporter hors des murs du Grand Palais du Peuple, via différents canaux nouveaux, dont l’internet.

Dès le 28/02, Wen Jiabao, patron de l’exécutif, se livrait à son 1er bain de foule    «virtuel», pour « tchatter » avec 0,5M de Chinois inquiets, et leur donner ce message ambigu : les choses vont mieux (cf ci-dessous, papier « conjoncture »), mais l’impact de la crise mondiale sur la Chine n’a pas encore touché le fond.

Plus tard, la « toile »  abritait un autre forum, entièrement privé celui-là, aux prétentions aussi sérieuses que le Plenum lui-même : comme un festival off, aux tribuns improvisés. Certains réclamaient l’abolition de la politique de l’enfant unique. D’autres, tels l’avocat shanghaïen Yan Yiming, relevaient l’aspect discrétionnaire du plan de relance, dont on ignore toujours après 4 mois les bénéficiaires des 450MM² de manne à distribuer sur deux ans : Yang prétendait attaquer en justice la Commission nationale de de développement et de réforme (NDRC), chef d’orchestre de l’économie chinoise, à moins qu’elle ne publie la liste.

Sur le même sujet, une quinzaine de vieux dignitaires progressistes tels Li Rui, 91 ans, l’ex-secrétaire de Mao, avaient adressé depuis quelques semaines une lettre ouverte au Président Hu Jintao, le priant d’assurer que ces fonds aillent aux nécessiteux et ne soient pas détournés : eux aussi réclamaient « un peu plus de transparence ». Dans son discours, Wen Jiabao a répondu vaguement, promettant « des contrôles sévères… sur l’utilisation des fonds ». Problème de fond : après 4 mois, les PME privées et les paysans n’ont pas vu venir ces crédits de soutien. Quoiqu’ils soient le principal creuset de l’emploi.

Autre débat cocardier, sur le sort des 2 statuettes Ming razziées par les troupes anglo-françaises lors du sac du Palais d’Été (1860), juste adjugées chez Christie’s à Paris. Un certain Cai Mingchao a remporté l’enchère, mais refuse de payer, expliquant qu’il n’a voulu que saboter la vente. Certaines autorités soutiennent sans réserve l’action «patriotique», d’autres criant à la prise en otage par un opportuniste, de la crédibilité du pays. En fin de compte, après 24h, l’Etat prudent a préféré prendre ses distances.

Enfin, à la veille de la session, la Cour suprême autorise soudain les familles des victimes du lait à la mélamine de porter plainte, ce qu’elle interdisait avant. Puis, le Bureau de l’ANP adopte une sévère loi de sécurité alimentaire: mesures symboliques du régime, qui veut prouver sa capacité à écouter le peuple, sans rien concéder sur le fond : la demande de l’opinion, d’assouplissement des droits fondamentaux.

C’est ainsi que sans préjuger de résultats futurs (en général peu excitants), on voit poindre à l’horizon, dans cette ambiance de crise, des moyens d’expression inédits, bouteilles nouvelles pour le vieux vin des demandes libertaires de toujours !

 

  

 

 

 

 


Argent : L’incendie de la CCTV ‘Vous avez dit bizarre? – comme c’est bizarre !’

Voici un mois que s’est éteint l’incendie, parti d’un feu d’artifice interdit, qui grilla en six heures les 30 étages et 103.000m² d’une tour encore en construction de la CCTV, dite «TVCC». Disparurent ainsi un hôtel 5 étoiles de 241 chambres, un centre logistique et un cinéma. Mais depuis lors, au fil de l’enquête, transpirent d’autres relents et fumées sentant le soufre, dont l’excellent journal Caijing a eu écho.

Directeur des travaux, ancien de la CCTV (20 ans de maison) Xu Wei avait tous pouvoirs sur le «fonds de construction» de 20MM¥. Il avait monté un réseau maximisant ses profits, en faisant transférer des fonds par 3 sociétés-écran, CCTV Gauging, Ying Xiang ou Da Xin Heng Tai. Cette dernière avait changé 3 fois de main en 18 mois (toujours dans le milieu des amis de Xu), et amassé 100M¥ de commissions pour services à la maison mère. De même, la facture du spectacle alignait 1M¥, soit le triple du coût réel, quoique Xu Wei ait déjà touché en tout bien tout honneur, 80.000¥ de commission sur ce contrat confié à une société pyrotechnique. Ces anomalies et d’autres, avaient pulvérisé le budget de construction de la TVCC, agréé quatre ans plus tôt par la tutelle SARFT : de 7,7MM¥, à plus de 12MM¥.

Après le sinistre, très vite, la direction du groupe avait émis deux thèses, d’abord acceptées par la presse comme l’expression de la réalité :  le constructeur et le pyrotechnicien supportaient à deux la responsabilité du désastre, et ‚ la tour était réparable. Les dégâts restaient «limités», la structure étant intacte, comme une bonne part du matériel entreposé. Mais depuis, ces allégations sont mises en doute par la police, dit Caijing. La direction est soupçonnée d’être l’initiateur de l’événement, puisqu’elle avait déployé un réseau de caméras pour le filmer. CCTV Gauging, le bâtisseur a aussi ses torts, pour n’avoir pas bloqué l’initiative dont elle connaissait les risques. Et ici vient s’interposer cette information curieuse et dérangeante : avant l’incendie, les inspecteurs de qualité avaient détecté des vices de forme dans 8 des 26 zones visitées. Autant dire que le partage des responsabilités sera très délicat, dans ce milieu très politique, où  pour 2MM¥ de matériel «flambant neuf» (pour ainsi dire) ont été perdus, ainsi que la vie d’un pompier, par l’obstination d’un décideur.

Quoiqu’en dise la CCTV, les chances de réparer sont minimes: les pompiers estiment la structure affaiblie, vulnérable aux secousses sismiques. Sous de tels aléas, nul ne prendra la responsabilité d’autoriser un bricolage de tous les dangers. L’avenir même de la TVCC est « noir », même si la grande tour, sa voisine, doit être normalement emménagée. Et l’office de télévision du régime, hier critiqué pour l’intérêt et la créativité de ses productions, l’est désormais aussi pour son irrespect des lois !

 

 


Pol : Au Parlement, bruits de couloirs, et salle des pas perdus…

Au Parlement, bruits de couloirs

Dans les boyaux du colossal Palais du Peuple, les 3000 édiles, les centaines de diplomates et reporters font plus leur miel dans les couloirs que dans l’hémicycle : à bavarder tout en marchant, ou à avaler un gobelet de thé qu’un huissier leur remplit, main gantée de blanc sur son thermos. Futiles ou profondes, mille rumeurs s’échangent

Président de la division Mer du Sud de la Cnooc, Song Enlai fait son lobbying pour que l’Etat lui donne les moyens de conquérir plus d’espace maritime autour des archipels Spratley et Paracelses, guignés par les pays riverains, Vietnam en tête (29 îles occupées). Song réclame, non la possession militaire des îles, mais plus d’équipements et d’exonérations d’impôts pour permettre à son groupe d’apprendre à maîtriser le forage profond (au-delà de 900m). Le temps presse, avertit-il : « pour occuper le terrain, on est dans les 5 dernières minutes »!

Question sur toutes les lèvres, la crise, sa durée et la justesse du plan de relance. Wu Jinglian, économiste, avoue n’être «pas devin»: aucune idée sur la durée de la crise.

Mais sur la technique du tsunami de subventions, il n’est pas convaincu —à long terme. L’objectif est d’amener les gens à consommer plutôt qu’épargner. Et pour cela, il manque bien des choses, tel le passage à une économie de services, à l’informatisation, à l’initiative privée : évolution incompatible avec un eldorado de crédit aux grands groupes d’État. Ce en quoi il rejoint Steven Green, l’analyste de Standard Chartered : « Placer la barre de la croissance à 8%, ne dit rien sur les créations d’emplois » !

 

Kong Dong, Président d’Air China affirme à qui veut l’entendre, que son groupe ayant perdu déjà 6,8MM¥, n’a pas déposé et ne déposera pas de demande d’argent frais du gouvernement. La presse le citait pourtant depuis un mois comme ayant fait cette démarche -Air China réclamait « davantage » que China Eastern, qui avait reçu 3MM¥. Or, croit savoir Caijing, la réponse serait tombée, c’est Non.

Se pose donc la question du refinancement d’Air China -le dernier des trois grands transporteurs publics à l’avoir pas été renfloué. Mais pour le transporteur pékinois, il s’agit aussi, pour l’heure, de sauver la face.

Plenum ANP—la salle des pas perdus (suite)

     Fan Xiaojian, vice ministre de l’agriculture sonne le tocsin: la lutte contre la pauvreté a perdu en puissance, la misère réapparaît. Sans salaires, des centaines de millions de démunis risquent de ne pouvoir acheter leur pitance -d’où la menace rampante sur la paix sociale.

    Sans  doute mandaté pour redorer l’image de sa maison Bai Yansong, sémillant présentateur à la télévision nationale, CCTV, se répand en sorties médiatiques.    [1] Bai dénonce trop de sondages dans les média et sur la toile. Selon lui, interroger sur mille sujets graves l’homme de la rue, c’est empiéter sur le travail des élus et aussi altérer sa sérénité en créant un climat polémique -«laissons aux élus la charge de penser pour les masses». [2] il milite pour que l’assemblée siège à plein temps et non seulement 8 jours par an. On réglerait ainsi bien des problèmes, car « dans le système socialiste, le législatif est un maillon essentiel ». [3] « pour protéger les étudiants du chômage de la crise, un édile a proposé de les garder en université jusqu’au 3ème cycle : tout le monde a bien ri, car la proposition est absurde. Mais l’idée est originale, et cet élu a eu le courage de la rapporter. Que tout le monde en fasse autant: toutes les idées sont bonnes à prendre».

NB : Bai, ainsi, milite pour la censure : un comble, pour un journaliste. Il se trouve qu’une campagne de nettoyage vient de déferler sur l’internet, éteignant 3000 sites et 270 blogs accusés de pornographie. La jeunesse se défend en créant un calembour, en rebaptisant cette campagne «cheval de boue de prairie» (草泥马 cao ni ma), qui est un mouton du Gobi, mais qui sonne comme une expression très crue exprimant la colère. Très vite, la CCTV a partagé ce sobriquet de «cao ni ma», du fait de son goût pour l’autocensure. Dans ces conditions, les propos de Cai qui ne faisaient que confirmer son image, ont suscité bien des quolibets sur internet !

   Les journalistes se répètent la rumeur en provenance d’Inde, sur l’attaque terroriste du 3/03, contre l’équipe de cricket sri-lankaise en visite à Karachi (Pakistan). Les auteurs seraient proches d’Al Qaeda, et la raison, punir le gouvernement pakistanais pour avoir fourni des armes à Colombo et facilité l’écrasement de la rébellion de la minorité tamoule, à 7% musulmane. Or dans cette guerre civile, Colombo a aussi été équipé par la Chine, qui lui a livré radars, blindés, fusils d’assaut T56, canons anti-aériens et autres missiles. Justement, depuis mi-février, la Chine ne délivre plus aucun visa de tourisme depuis le Pakistan : pour prévenir des attentats du même type, sur son sol…

 

 

 


Temps fort : Le programme 2009, en déroulé

Voici quelques jalons du discours de Wen Jiabao en ouverture de la session plénière du Parlement (ANP) :

Sur l’acquis de 2008 : 30.000MM¥ de PIB ; 11M d’emplois créés; revenu du citadin passé à 15.781¥ (+8,4%), du paysan à 4.761¥ (+8%); bénéficiaires du revenu minimum : 66M ; assurés médicaux ruraux : 814M (91,5%);

Sur la crise: Il deviendra plus difficile de [continuer à battre nos records] de récoltes céréalières et de revenu des paysans. Mais le pays se trouve encore pour une longue période en « une phase d’opportunités stratégiques ».

Sur le crédit: en 2009, la masse monétaire montera de 17% et celle des prêts de 5000MM¥. Firmes et particuliers paieront 500MM¥  d’impôts en moins, en baisses de TVA, d’impôts des PME, en détaxe à l’export et en suppression de 100 redevances.

Marchés: nous renforcerons les marchés de l’occasion et de la location automobile et immobilière;  nous favoriserons l’expansion de chaînes de distribution en milieu rural. D’ici 2011, 10M de HLM seront bâties.

Agriculture : nous poursuivons l’objectif de 50Mt de grain supplémentaire; dans l’année, 60M de ruraux obtiendront l’eau courante, 5M de fermes recevront la fosse à méthane, et 40M de ruraux, la prime de pauvreté de 1196¥ (moyenne). Il faudra «stabiliser» les droits des paysans, même migrants, sur leurs terres allouées. Leur cession devra se faire dans la légalité, le libre consentement, avec compensation.

Migrants : On favorisera… des PME financières rurales de diverses formes. On encouragera les migrants à s’établir à leur compte en leur région d’origine et de créer des entreprises : ils recevront du crédit, du terrain, des stages, des assurances-retraites adaptées, et les règlements de création de PME seront assouplis.

PME : les fonds de promotion passeront de 3,9 à 9,6MM¥ (x2,5)

Plans locaux : Nous visons un développement coordonné par régions. L’Est, force motrice, doit percer d’autres fronts à l’international. Centre, Ouest et Nord-Est doivent renforcer les infrastructures, la protection de l’environnement. Une politique précise viendra, de réimplantation, au Centre et à l’Ouest, d’industries délocalisées.

Réchauffement global : on appliquera le programme national anti-changement climatique pour renforcer notre capacité à y faire face. On poursuivra les expériences de transfert commercial des droits d’émission de pollution.

Yuan : on perfectionnera le mécanisme de taux de change du ¥, qui restera stable, à un niveau équilibré.

Taiwan : nous poursuivrons  la coopération…  établirons graduellement un outil d’échanges spécifique. Nous sommes prêts… à organiser l’entrée de l’île aux organisations internationales.

 

 

 


Petit Peuple : Jiangyin : un tiroir-caisse à la place du coeur

A 48 ans Yang Juan, négociante en textiles est une femme qui a réussi : son flair et son goût du risque ont fait d’elle une des notables de Jiangyin (Jiangsu), sa ville natale.

Le soir après le travail, elle observe en son miroir son corps encore désirable, mais qui se fane. C’est alors qu’elle a l’intuition d’avoir raté quelque chose, dans cette existence étouffante où elle n’échange rien depuis longtemps avec son mari indolent, sa fille ado insolente. Alors, elle ressent l’appel lancinant des sens, la velléité de dynamiter cette vie mal réglée.

Par le plus grand des hasards l’occasion survint en mai 2008, au salon de coiffure. Sous les ciseaux du figaro, elle vit à côté d’elle un homme mince et bronzé, d’une nonchalance virile à couper le souffle. Cet homme- là, décida-t-elle en un souffle, il le lui fallait ! Durant les trois mots échangés, bien sûr, pas question, dès la 1ère fois, d’échanger les adresses – on est en Chine. Mais Jiangyin est petit et le cercle d’amis de Yang est à la mesure de sa fortune : elle n’eut aucun mal à retrouver la trace du jouvenceau,et fit une découverte jubilatoire: ce trentenaire tirait le diable par la queue, sans emploi fixe pour nourrir sa famille. Un peu d’argent arriverait à point, pour mettre du beurre dans les épinards. 

Quelques jours après, sur l’oreiller, elle lui dicta ses conditions. Un contrat fut même signé. A 2000¥/mois, il serait à sa disposition quand elle le sonnerait. Mais la réciproque à lui, lui serait interdite : il ne fallait pas confondre les rôles, et l’affaire ne devait pas s’ébruiter ! C’est ainsi que, comme dans la chanson de Polnareff, «pour un peu d’argent, elle se payait son corps », indifférente au fait qu’ « une autre ait son coeur »…

Zeng fut d’abord ravi de ce gagne-pain facile et plaisant. Mais il déchanta vite, le temps de réaliser qu’il n’était pas «amant», mais gigolo. Et qu’à ce maigre prix, il devait satisfaire cette mante religieuse, et en plus, mentir à sa femme, sur cette double vie non choisie !

Puis Yang Juan, non contente de violer l’homme, écorna le contrat : en guise des 2000¥ promis, elle se mit à lui glisser  après chaque rencontre 2 ou 3 billets de 100¥ pour tout potage, ce qui lui faisait la moitié de son dû. Puis elle partait satisfaite, le laissant au lit, à fumer son mégot et sa rage.    

Au bout de 4 mois, en août, la coupe fut pleine. Zeng alla à Suzhou voir l’ami Zhang Liang, tenancier d’une petite maison de jeu. Zhang lui avait dit qu’il s’y entendait à faire cracher les mauvais payeurs. Après réflexion, il suggéra ceci. Puisque la matrone refusait de casquer, il fallait l’enlever, à l’aide de Gao Hai Qiang, 3ème larron, et de quelques uns de ses croupiers.

Le matin du 7 septembre, Yang, appelée par Zeng, tomba dans le piège. Puis son mari reçut, par téléphone, la deman-de de rançon. Mais les apprentis-gangsters avaient eu bien tort de parier qu’il leur obéirait et n’appellerait pas la police ! Dès la 1ère minute, les limiers subodorèrent qu’ils avaient affaire à des amateurs : ils n’exigeaient que 50.000¥, somme ridiculement basse pour ce ty-pe de délit à haut risque. De plus, les instructions données à la famille, sentaient les nigauds à plein nez : au guichet de banque où ils étaient venus toucher leur magot, les inspecteurs n’eurent aucun mal à les alpaguer. Notre gigolo, lui, se fit serrer devant l’ATM, où il retirait son dû avec la carte de la captive. Les policiers constatèrent alors son honnêteté relative : il n’avait pris que les 9000¥ qu’il  estimait avoir gagnés à la sueur de son front, en quatre mois et demi.

Et voilà ce beau monde sous les verrous. Ils prendront entre 5 et 7 ans à l’ombre, selon le cas. Tandis que la richarde s’en tire indemne, et même sans remords. Yang n’a qu’un regret, s’être dévoilée à tout Jiangyin, dont elle est devenue la risée : la ville vibre de lazzis sur la rombière qui mégote pour la chair fraîche, et a cherché à aimer sans payer. Pour avoir cru qu’avec de l’argent, elle pouvait « harnacher même le diable à son moulin » (有钱能使鬼推磨, yǒu qián néng shǐ guǐ tuī mò), mais à force d’avarice, le diable s’est libéré, et c’est lui qui la fait danser, à présent !