Environnement : Pollution – Le choc et l’éveil

En Europe, cela paraîtrait banal. Mais en Chine, qui renforce depuis 4 ans l’interdiction de la divergence d’opinion, le procès intenté par cinq avocats contre les gouvernements de Pékin, de Tianjin et du Hebei est d’une détermination peu courante. Yu Wensheng, un des avocats déclare coupable du fléau de la pollution (du million de morts prématurées/an), non les pollueurs eux-mêmes, mais l’administration taxée de complaisance.

Le juge enregistrera-t-il la plainte contre ses propres « patrons » ? Quoiqu’il arrive, c’est une alerte pour le pouvoir : la société ne supporte plus les vagues de smog –qui d’ailleurs se poursuivent sans répit. Par rapport à il y a trois ans, la différence de comportement tient au fait qu’avec l’explosion de l’usage des smartphones, la population en sait beaucoup plus sur le coût de ces microparticules en terme de sa santé (toux, céphalées) et de celle de ses enfants (reclus en appartement). Le gouvernement le sait, et un plan de mesures inédites commence à émerger.

Émanant le 13 février du ministère de l’Environnement, la plus forte des mesures est soumise pour évaluation aux milieux socioprofessionnels.
De novembre 2017 à février 2018, en 28 villes autour de Pékin, Tianjin, du Hebei, du Shandong, du Shanxi et du Henan, les aciéries devraient réduire la coulée d’au moins 50%, et les fonderies d’aluminium d’au moins 30%. Suite à ces coupes saisonnières, la production nationale d’aluminium baisserait de 17%, celle d’acier de 8%. Avec pour effet une baisse de pollution, mais aussi un raffermissement d’un marché déprimé, et une réduction de la dette des producteurs, qui s’appauvrissent en produisant moins efficacement que d’autres.  

Au Shanxi par exemple, d’après un rapport officiel, les 7 plus grandes mines publiques avouaient à mi-2016 174 milliards de $ de dettes. Dépendante du charbon (36% de son PIB), la province ne faisait rien pour diversifier ou moderniser : ses leaders à l’ancienne, affaiblis l’an passé par des arrestations en masse sous la campagne anticorruption, s’accroche à un salut dans des aides de Pékin, tout en bloquant systématiquement toute tentative de fermeture d’unités obsolètes. 

C’est contre cette mentalité que se bat le ministre Chen Jining – brillant universitaire. Avec ses 4 vice-ministres, il saisit le taureau par les cornes en descendant sur le terrain des 6 provinces durant un mois non-stop (14 février-14 mars), tournant d’usine en usine pour vérifier comptabilité, filtres, systèmes de désulfurisation,  en inspection à l’aveugle et sans complaisance. 

Le ministère veut aussi fermer dès juillet le trafic de houille du port de Tianjin. Ces 100 millions de tonnes par an, importées ou venues du Dongbei, seront désormais traitées à Tangshan à 130km au nord. Tianjin, second port minéralier du pays, y perd un marché de 100 millions de $.

 Dès septembre, comme dans tous les ports du Hebei, le transport terrestre du charbon se fera par train – le camion, trop salissant, sera banni. La province du Shanxi, une des « mines » du pays subit un moratoire de 5 ans à l’embauche minière.

Enfin dès mi-mars, date l’arrêt du chauffage urbain dans le nord du pays, la NDRC va rétablir les quotas pour chaque mine, à un équivalent de 272 jours de travail par an. 

Aussi ce plan apparaît comme une rare tentative de coup de force du ministère de l’Environnement soutenue par le sommet de l’Etat, contre les irréductibles pollueurs provinciaux. Dès maintenant, un mur de boucliers se dresse : fonctionnaires provinciaux et industriels crient à la « catastrophe » si Pékin insiste dans son plan, et annoncent des cascades de faillites publiques (qui faisaient plus que tripler au Liaoning : 346 cas en 2016, par rapport aux sept années précédentes), voire la faillite d’une province entière. Mais Xi Jinping tient bon. Le 13 février, à l’école du Parti, il exhortait des centaines de cadres de niveau ministériel à « résister aux pressions des lobbies ». C’est un discours nouveau, révélateur de la détermination d’un Etat, dos au mur.

En effet, trop souvent, les beaux plans de Pékin restent lettre morte en province, où « le ciel est haut et l’empereur est loin » (天高皇帝远). L’Etat avait promis de réduire d’ici 2020 la capacité sidérurgique de « 100 à 150 millions de tonnes ». Mais les 84 millions de tonnes soi-disant éradiquées en 2016, n’étaient que tas de rouille déjà inactifs depuis belle lurette. De plus, selon le consultant Custeel pour le compte de Greenpeace, le véritable bilan de l’année a dévoilé une hausse –pas une baisse– de capacité de 36,5 millions de tonnes…

Parmi d’autres mesures environnementales en cours de mise en place, figurent :

– le nouveau réseau de lecture de la pollution par réseau satellitaire et radars laser (efficace pour détecter la fraude des usines) ;

– l’obligation pour chaque province d’établir d’ici 2018, voire 2020, des zones à développement protégé par des « lignes rouges » bannissant les activités polluantes ;

– la vente attendue en 2017 de 800.000 véhicules hybrides ou électriques (+58%) ;

– la création d’un Parc national des « Trois fleuves » au Qinghai, de 120.000 km² protégés par 10.000 gardes, et doté de nouvelles routes et ouvrages de conservation, pour 145 millions de $ ;

– 495 milliards de $ seraient investis à travers les campagnes des 30 provinces, en conservation d’eau, décarbonisation énergétique, routes et canaux ;

– le plan de reforestation verrait le parc forestier passer de 21% du territoire en 2015, à 23% en 2020…

Tous ces efforts font disparates, et ne suffiront pas à remonter la pente. Mais ils expriment une prise de conscience. La courbe exponentielle de pollution a pénétré la zone rouge de l’insupportable –l’Etat, à quelques rares exceptions près, ne veut—ni ne peut– plus rien savoir.

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1 Commentaire
  1. severy

    Trop tard! La belle Chinoise au bois dormant est morte d’un cancer des poumons. RIP

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