Le Vent de la Chine Numéro 7 (2017)

du 20 au 26 février 2017

Editorial : L’empire du bonheur blanc

Il y a 20 ans, une Chine urbaine s’éveillait aux joies de la glisse. Entre temps les sports d’hiver ont conquis le pays : aujourd’hui, on compterait 7 millions de skieurs, dont 90% sont des débutants. Bilan honorable mais minuscule à l’échelle de la nation (0,5% de la population). Le secteur avance tout schuss : dès à présent, le pays compte 200 stations dont 77 avec au moins 4 remontées mécaniques, et 10  correspondant aux standards internationaux.
L’engouement est exacerbé par l’obtention en 2015 des JO d’hiver de 2022 à Pékin, Zhangjiakou et Yanqing, avec un bond de 40% du nombre de skieurs en 2016. Ainsi la Chine rattrape le Japon, double hôte olympique d’hiver (Sapporo 1972, Nagano 1998) et la Corée du Sud, organisatrice des JO de février 2018 à Pyeongchang
Cette perspective a suscité un intérêt, en Chine et en dehors, car tout est à construire, à équiper. Pour l’étranger, c’est un marché vaste et lucratif, avec besoin urgent de produits et services que la Chine ne maîtrise pas encore : d’ici 2030, la Chine de Xi Jinping veut avoir 1000 stations, 300 millions de skieurs.
Aussi, du 15 au 18 février, se tenaient à Pékin les salons annuels ISPO et Alpitec, spécialisé dans l’aménagement de la montagne. Ils battirent un record de participation (728 marques, 502 exposants), rassemblant le Gotha du sport mondial—Suisse, Autriche, Canada, Etats-Unis, Japon, France. Cette dernière délégation était plutôt dense, avec 16 firmes présentes sur les 211 fédérées du pôle Cluster montagne, et des politiciens tels P. Kanner, Ministre de la ville, de la jeunesse et des sports, et L. Wauquiez, Président de la Région Auvergne-Rhône-Alpes. Cette visite ne soutenait pas que des fins commerciales : ils avaient aussi à défendre la candidature de Paris aux JO d’été de 2024, où la Chine est influente. Une visite amicale à l’hôte des Jeux d’hiver, était pour Paris, de bonne politique.
Entre compagnies locales et étrangères, on voit vite s’instaurer, au-delà de l’inévitable rivalité, une répartition des rôles et une coopération implicite : POMA (France/Italie), Doppelmayr (Autriche), les leaders du téléphérique prospèrent dans les équipements que la Chine ne maîtrise pas, tel la télécabine sous tunnel. Oudao (France/Chine) en partenariat avec le fournisseur autrichien d’accès aux remonte-pentes Axess (Autriche), offre au skieur de renouveler son forfait sur piste avec son smartphone – une facilité qui n’est possible qu’en Chine, via le système de paiement du réseau WeChat. La Compagnie des Alpes a déjà la gérance de deux stations : Silkroad près d’Urumqi (Xinjiang) et Thaiwoo (Chongli), dite « la plus française des stations chinoises ».
En dehors de la période hivernale (5 mois de froid, favorisé par une altitude moyenne du pays relativement élevée) les stations chinoises privilégient un fonctionnement « 4 saisons », avec des activités de pleine nature : randonnée VTT, course d’orientation,  quad, tir au pigeon (d’argile), « disc golf » (pratiqué au frisbee) ou ski sur roulettes ! Avaient également le vent en poupe au salon, les « via ferrata » et tyroliennes.
Le savoyard MND, décrocha la construction de la station de Snowland (Zhangjiakou) : 55 km de pistes avec leurs équipements, pour 110 millions d’€, à livrer sous trois ans.  Dans la foulée, une JV a été créée avec un groupe de matériel minier de Zhangjiakou, pour produire et vendre en Chine entière ses systèmes de remontées, d’enneigement et de sécurité.  POMA lui, remporta l’exclusivité des remontées du site de Thaiwoo et leur entretien, pour 200 millions d’€ sur 5 ans.

Bien sûr, tout en équipant la Chine, certains exposants ont une arrière-pensée : promouvoir leurs stations-cultes, éveiller le désir des pistes de Tignes, Chamonix ou Innsbruck, auprès des clients de Wanlong ou de Thaiwoo. Ils ne sont encore que quelques milliers à opter pour ces destinations lointaines et de prestige—mais gageons que les JO de 2022 pourraient décupler les vocations.


Diplomatie : Trump, éléphant dans le magasin de porcelaine géostratégique chinoise

De par le monde, les pays s’attendaient à un grand chambardement avec l’arrivée au pouvoir aux Etats-Unis de Donald Trump, idéologue d’une défense agressive des intérêts nationaux – surtout contre la Chine. Dans les rapports avec Pékin, le scénario ne s’est avéré que trop vrai.

Sans prendre de gants, le nouveau chef de l’exécutif américain a brisé un statu quo d’alliance USA-Chine. Il y eut la menace de « taxer de 45% les exportations chinoises », l’échange téléphonique de Trump avec Tsai Ing-wen, la dirigeante de Taiwan, et l’escale qu’il lui accorda en route vers l’Amérique Latine. Il y eut la prétention de Trump de « renégocier le statut d’ »une seule Chine » contre des concessions commerciales », puis celle d’interdire aux militaires chinois l’accès aux îles artificielles qu’ils venaient de faire émerger en pleine zone maritime exclusive des Philippines en mer de Chine du Sud.

Pékin sut présenter une réponse feutrée –mais le sentiment de confiance qui prévalait jusqu’alors, disparut instantanément, pour laisser place à l’incertitude sur l’avenir. Désormais, la Chine ne croyait plus pouvoir compter sur son entente avec les Etats-Unis et le rôle stabilisateur de cette puissance à travers le monde. Elle ne croyait non plus disposer du socle financier et commercial du marché américain pour son développement – Trump ne pouvait revenir sur les vues protectionnistes affichées durant sa campagne.
Pire : si Trump mettait en œuvre sa menace de barrer à la Chine l’accès à « ses » îlots artificiels en mer de Chine du Sud, un conflit serait inévitable, cauchemar exprimé par le Conseiller d’Etat Yang Jiechi : « nous lancer dans une guerre, ne serait l’intérêt de personne ».

Face à ce basculement, la Chine a senti le besoin de se chercher un nouvel allié, une autre puissante source de stabilité et de modération. Pour un tel rôle, un seul bloc pouvait faire figure d’alternative : l’Union Européenne. La priorité nouvelle vers le Vieux continent apparaît instantanément. Récemment sur tout dossier diplomatique ou commercial, Pékin jouait USA contre Europe, afin de contraindre l’un et l’autre à surenchérir ses concessions. Mais aujourd’hui, le Président Xi Jinping penche plus ouvertement vers l’Europe et ses grandes nations.

C’est ainsi qu’à 15 jours du Plenum de l’ANP (5-15 mars) sous intenses préparatifs, Pékin accueillera du 21 au 23 février, Bernard Cazeneuve, Premier ministre français à peine nommé, qui quittera ses fonctions dans deux mois, et membre d’un Parti qui perdra probablement le pouvoir. Or la Chine n’a pas pour pratique de miser sur des partis politiques en perte de vitesse.
Si elle le fait aujourd’hui, c’est sûrement pour soutenir l’Union Européenne, contre le repli sur ses frontières. Laquelle répond sans se faire prier : à étapes forcées, elle avance pour avril ou mai, le prochain Sommet Europe-Chine, normalement prévu en juillet, donc avant les élections françaises (à tout hasard, au cas où Marine Le Pen devait être élue), et le plus vite possible afin de réaffirmer la coopération multilatérale, contre un Trump qui s’était bruyamment félicité de la victoire du Brexit au Royaume-Uni.

Dernièrement, Trump donne des signes de vouloir faire marche arrière. Le 10 février, il appelait Xi pour finalement admettre ce principe d' »une seule Chine« , essentiel aux yeux de Pékin—une déclaration qu’avant Trump, aucun Président américain n’avait eu à faire en début de mandat. 

Pourquoi ce demi-tour ? Outre-Pacifique, certains commentateurs se demandent si elle ne fait pas suite au verdict de la justice chinoise, enfin favorable à l’industriel Trump, sur son droit de marque. En dix ans, 49 entreprises avaient usurpé son nom et 77 autres demandes étaient en attente – certaines concernant des produits tels qu’un pacemaker, un préservatif ou des toilettes. Toutes ces marques « Trump » pourront sans doute être interdites, supprimant ainsi un litige très personnel du Président envers le Céleste Empire.

Plus sérieusement, Trump a pu vouloir rouvrir le dialogue, suite à un tir par la Corée du Nord (11 février) d’un missile ICBN. Pour la Chine, c’est un coup dur, car ce tir réussi donne à Washington une justification de plus pour implanter une rampe anti-missiles THAAD en Corée du Sud, projet que Pékin déteste – car elle peut aussi servir à détruire des missiles chinois. Mais pour Trump, ce tir a également de graves conséquences : Pyongyang se rapproche du moment où il pourra étendre sa menace de frappe nucléaire jusqu’à la côte Ouest des Etats-Unis.

En somme, à l’arrivée de Trump, ce sont 25 ans de géostratégie chinoise qui sont en train de voler en éclat. La remise en cause est totale, jusqu’à l’évaluation par la Chine du projet d’alliance commerciale TPP (Trans-Pacific Partnership). Avec 11 autres pays de la région, Obama avait voulu cet accord pour isoler la Chine. Mais Trump en ayant retiré son pays, Pékin à présent envisage ouvertement sa propre adhésion.

Dernier développement et non des moindres, la Chine, à mesure qu’elle se rassure sur l’alliance européenne et l’isolement croissant américain, commence à montrer les dents. Lorsque la US Navy annonce qu’elle prépare des patrouilles « de liberté de navigation » avec un de ses porte-avions en mer de Chine du Sud, Pékin l’avertit de respecter sa souveraineté et déclare préparer des amendements à sa « loi de sécurité maritime », qui imposeraient aux sous-marins étrangers la traversée de ses eaux en surface et non en immersion. La tension est palpable, et n’est pas prête à s’alléger.

 


Environnement : Pollution – Le choc et l’éveil

En Europe, cela paraîtrait banal. Mais en Chine, qui renforce depuis 4 ans l’interdiction de la divergence d’opinion, le procès intenté par cinq avocats contre les gouvernements de Pékin, de Tianjin et du Hebei est d’une détermination peu courante. Yu Wensheng, un des avocats déclare coupable du fléau de la pollution (du million de morts prématurées/an), non les pollueurs eux-mêmes, mais l’administration taxée de complaisance.

Le juge enregistrera-t-il la plainte contre ses propres « patrons » ? Quoiqu’il arrive, c’est une alerte pour le pouvoir : la société ne supporte plus les vagues de smog –qui d’ailleurs se poursuivent sans répit. Par rapport à il y a trois ans, la différence de comportement tient au fait qu’avec l’explosion de l’usage des smartphones, la population en sait beaucoup plus sur le coût de ces microparticules en terme de sa santé (toux, céphalées) et de celle de ses enfants (reclus en appartement). Le gouvernement le sait, et un plan de mesures inédites commence à émerger.

Émanant le 13 février du ministère de l’Environnement, la plus forte des mesures est soumise pour évaluation aux milieux socioprofessionnels.
De novembre 2017 à février 2018, en 28 villes autour de Pékin, Tianjin, du Hebei, du Shandong, du Shanxi et du Henan, les aciéries devraient réduire la coulée d’au moins 50%, et les fonderies d’aluminium d’au moins 30%. Suite à ces coupes saisonnières, la production nationale d’aluminium baisserait de 17%, celle d’acier de 8%. Avec pour effet une baisse de pollution, mais aussi un raffermissement d’un marché déprimé, et une réduction de la dette des producteurs, qui s’appauvrissent en produisant moins efficacement que d’autres.  

Au Shanxi par exemple, d’après un rapport officiel, les 7 plus grandes mines publiques avouaient à mi-2016 174 milliards de $ de dettes. Dépendante du charbon (36% de son PIB), la province ne faisait rien pour diversifier ou moderniser : ses leaders à l’ancienne, affaiblis l’an passé par des arrestations en masse sous la campagne anticorruption, s’accroche à un salut dans des aides de Pékin, tout en bloquant systématiquement toute tentative de fermeture d’unités obsolètes. 

C’est contre cette mentalité que se bat le ministre Chen Jining – brillant universitaire. Avec ses 4 vice-ministres, il saisit le taureau par les cornes en descendant sur le terrain des 6 provinces durant un mois non-stop (14 février-14 mars), tournant d’usine en usine pour vérifier comptabilité, filtres, systèmes de désulfurisation,  en inspection à l’aveugle et sans complaisance. 

Le ministère veut aussi fermer dès juillet le trafic de houille du port de Tianjin. Ces 100 millions de tonnes par an, importées ou venues du Dongbei, seront désormais traitées à Tangshan à 130km au nord. Tianjin, second port minéralier du pays, y perd un marché de 100 millions de $.

 Dès septembre, comme dans tous les ports du Hebei, le transport terrestre du charbon se fera par train – le camion, trop salissant, sera banni. La province du Shanxi, une des « mines » du pays subit un moratoire de 5 ans à l’embauche minière.

Enfin dès mi-mars, date l’arrêt du chauffage urbain dans le nord du pays, la NDRC va rétablir les quotas pour chaque mine, à un équivalent de 272 jours de travail par an. 

Aussi ce plan apparaît comme une rare tentative de coup de force du ministère de l’Environnement soutenue par le sommet de l’Etat, contre les irréductibles pollueurs provinciaux. Dès maintenant, un mur de boucliers se dresse : fonctionnaires provinciaux et industriels crient à la « catastrophe » si Pékin insiste dans son plan, et annoncent des cascades de faillites publiques (qui faisaient plus que tripler au Liaoning : 346 cas en 2016, par rapport aux sept années précédentes), voire la faillite d’une province entière. Mais Xi Jinping tient bon. Le 13 février, à l’école du Parti, il exhortait des centaines de cadres de niveau ministériel à « résister aux pressions des lobbies ». C’est un discours nouveau, révélateur de la détermination d’un Etat, dos au mur.

En effet, trop souvent, les beaux plans de Pékin restent lettre morte en province, où « le ciel est haut et l’empereur est loin » (天高皇帝远). L’Etat avait promis de réduire d’ici 2020 la capacité sidérurgique de « 100 à 150 millions de tonnes ». Mais les 84 millions de tonnes soi-disant éradiquées en 2016, n’étaient que tas de rouille déjà inactifs depuis belle lurette. De plus, selon le consultant Custeel pour le compte de Greenpeace, le véritable bilan de l’année a dévoilé une hausse –pas une baisse– de capacité de 36,5 millions de tonnes…

Parmi d’autres mesures environnementales en cours de mise en place, figurent :

– le nouveau réseau de lecture de la pollution par réseau satellitaire et radars laser (efficace pour détecter la fraude des usines) ;

– l’obligation pour chaque province d’établir d’ici 2018, voire 2020, des zones à développement protégé par des « lignes rouges » bannissant les activités polluantes ;

– la vente attendue en 2017 de 800.000 véhicules hybrides ou électriques (+58%) ;

– la création d’un Parc national des « Trois fleuves » au Qinghai, de 120.000 km² protégés par 10.000 gardes, et doté de nouvelles routes et ouvrages de conservation, pour 145 millions de $ ;

– 495 milliards de $ seraient investis à travers les campagnes des 30 provinces, en conservation d’eau, décarbonisation énergétique, routes et canaux ;

– le plan de reforestation verrait le parc forestier passer de 21% du territoire en 2015, à 23% en 2020…

Tous ces efforts font disparates, et ne suffiront pas à remonter la pente. Mais ils expriment une prise de conscience. La courbe exponentielle de pollution a pénétré la zone rouge de l’insupportable –l’Etat, à quelques rares exceptions près, ne veut—ni ne peut– plus rien savoir.


Sport : La dernière mue du ballon rond chinois

L’achat à prix d’or de « stars » du football par les clubs chinois, était à l’automne encore en vogue. Mais en janvier, rien ne va plus après la dénonciation officielle de ce gâchis de ressource, et de son incapacité à former la jeunesse. Or sur cette pratique, deux événements viennent de se produire, qui changent toute la donne.

Il y a d’abord eu (14 février) l’annonce par le Guangzhou Evergrande d’un plan pour remercier d’ici 2020 ses joueurs étrangers, et consacrer les ressources à la formation. Décision remarquable car l’Evergrande a été le 1er club à faire venir des stars étrangères, ce qui lui a permis d’emporter et conserver depuis 6 ans la coupe de Super League chinoise. Ce qui ne l’empêche, à peine Xi Jinping a-t-il émis son vœu, de faire « demi-tour droite », et de se faire l’avant-garde de la nouvelle consigne. Pour conserver son 1er rang national, l’Evergrande peut compter sur ses entraîneurs italien et brésilien, recrutés pour plusieurs saisons (dont l’un, rétrocédé au « Onze national », mais toujours sous sa coupe). Il peut aussi compter sur son Académie de ballon rond hors pair, aux centaines de recrues les mieux sélectionnés et formés du pays. Mais c’est un grand risque que prennent Jack Ma et Xu Jiayin, ses milliardaires copropriétaires : si les autres grands clubs tardent à le suivre, l’Evergrande confronté aux clubs renforcés par leurs stars étrangères, pourrait avoir le plus grand mal à faire le poids—en Chine, et en Asie.

Un nouvel atout peut cependant venir à la rescousse : la FFF (Fédération Française de Football) et la LFP (Ligue des clubs hexagonaux), viennent d’inaugurer un bureau du football à Pékin, pour former 5000 éducateurs d’ici 2 ans, en créant ou renforçant des campus de football. Elles seront assistées par la start-up française My Coach, qui mettra en ligne, en langue chinoise, les contenus de formation de la FFF.
Arrivant après l’Angleterre, l’Espagne, l’Allemagne et l’Italie, la France est « presque en retard », soupire Raymond Domenech, l’ex-sélectionneur national. Mais ce bureau facilitera aussi les liens entre clubs français et investisseurs chinois, pour des rachats de clubs ou contrat de sponsoring du type de celui du PSG par Huawei.

Le même jour, ouvrait à Pékin le Club Sport France, destiné à mettre en contact toutes les fédérations sportives hexagonales avec leurs homologues chinois, pour aider la Chine à réussir son objectif de 700 millions de Chinois en tenue de sport une fois par semaine, d’ici 2020… Cette création étant là aussi pour dispenser l’image d’une nation française, à la hauteur de ses rêves olympiques de Paris 2024.


Santé : H7N9 frappe à la porte

La dernière lame de grippe aviaire H7N9 en Chine datait de 2013-2014. Celle qui déferle cet hiver, accuse au 12 février, 419 cas, 100 de plus que la précédente. Plus violente, elle est aussi plus mortelle : 100 personnes sont décédées, dont 79 en janvier (contre 5 en janvier 2016).

Où se trouve le foyer originel ? Dans le Sud, au climat plus doux  permettant la transmission virale, probablement des migrations d’oiseaux sauvages. Ayant prélevé en janvier 102.000 tests sanguins et 55.000 sérums viraux dans 26 provinces, le ministère de l’Agriculture a détecté 26 cas de grippe H7N9 dans le Guangdong, Guizhou, Hunan et Jiangsu. Dans toutes ces provinces, des centaines de marchés ont été fermés, tout comme au Sichuan où quatre cas humains ont été détectés, causant la fermeture préventive de 280 étals de vente de volaille. Le 11 février, Pékin annonçait son premier malade.

Le problème provient en effet de la préférence culturelle chinoise pour la volaille achetée vivante, favorisant la transmission—soit par la fiente, soit par le sang. Nombre de malades manipulaient la volaille : éleveurs, vendeurs, acheteurs. Une fois l’homme contaminé, une grippe violente se déclenche après quelques jours d’incubation, mortelle une fois sur quatre—en fonction de la rapidité de l’appareil médical à pouvoir entamer les soins.

Du front de cette lutte, remontent des nouvelles contradictoires. Pour Pékin toujours en demande de nouvelles rassurantes, le pic de l’épidémie est franchi, résultat des cordons sanitaires et des abattages préventifs. Mais pour le Center for Health Protection (CHP) de Hong Kong, on en est loin, avec 69 cas (dont 9 fatals) du 6 au 12 février en 10 provinces, avec épicentre entre Hubei, Zhejiang et Jiangsu. Sur ces cas, âgés entre 22 et 85 ans, seuls 40% avaient un contact démontré avec la chaîne aviaire avant  infection. Les autres pourraient avoir été contaminés directement par l’homme, démontrant une mutation dans le virus. C’est une perspective préoccupante, tout comme la recrudescence des derniers jours : « situation anormale », conclut un porte-parole du CHP.

Cela dit, l’heure n’est pas à l’angoisse. La Chine est bien équipée, et la lutte est coordonnée en temps réel avec la FAO, l’OMS et les CDC (Center for Disease Control) du ministère de la Santé. Les détecteurs dans les gares et aéroports sont en alerte rouge : le pays est prêt.


Petit Peuple : Shiquan (Shaanxi) – Ménage à trois (2ème partie)

Résumé de la 1ère Partie : Victime d’un accident de mine en 2002, Xu Xihan est devenu paraplégique. En 2007, son épouse Xie Xiping, suite à une crise , a failli mourir sans qu’il puisse l’assister. Choqué, Xihan veut divorcer et ainsi lui rendre sa liberté…

Depuis ce drame, Liu Zongkui, l’ami d’enfance de Xu Xihan, soutenait le couple comme il pouvait, s’ingéniant à leur prêter assistance physique et morale. Une aide dont, à dire vrai, Liu aurait fort bien pu avoir besoin lui-même. De toute sa vie active en effet, il n’avait jamais pu obtenir que des postes précaires, défavorisé qu’il était par sa faible éducation. Dernièrement, pour survivre, il s’était laissé tenter par un emploi de marin au long cours : ainsi chaque année après le Chunjie, il descendait sur Ningbo (Zhejiang), à 1600 km de là pour s’embarquer à bord d’un chalutier pour 6 mois, en mer de Chine du Sud. La paie lui avait permis d’acheter un petit logement. Ainsi, en 2005, avait-il pu courtiser une fille du coin, se mettre avec elle en ménage : le mariage était fixé pour septembre. Puis il était parti en mer… En juillet, de retour au bercail, il avait trouvé le nid vide : partie la fiancée, embarquant avec elle la télé, le frigo, tout le mobilier conjugal !

Malgré sa peine, Liu n’oubliait pas Xu Xiping et Xie Shiping : chaque dimanche il partait pour leur village de Shiquan, aidait Xiping à entretenir la maisonnée, tandis qu’elle faisait prendre l’air aux deux enfants de 8 et 3 ans…

Deux ans plus tard en 2007, Xiping eut cette crise potentiellement catastrophique, sans que Xihan ne puisse rien faire pour la secourir. Suite à quoi il prit cette résolution inébranlable de divorcer pour la laisser refaire sa vie. Le dimanche suivant, quand Liu arriva  avec son traditionnel sac de fruits « pour la convalescence », dès que sa femme fut hors de portée, il lui ouvrit son plan, à mi-voix.

« Pourquoi Xiping encore jeune et belle, se disait-il, devrait-elle restée emmurée dans le handicap de ma paraplégie ?». Et pourquoi son copain Zongkui devait-il rester à jamais sans compagne, ayant perdu toute confiance après la trahison de sa fiancée ? Et puis il y avait autre chose : durant les années passées à observer ces deux êtres qui se sacrifiaient pour lui, Xihan avait bien capté leurs petits regards discrets l’un vers l’autre, la tendresse qu’ils se refusaient par fidélité : mais alors, pourquoi un tel sacrifice ? Lui-même pouvait aisément répondre à leur bonté : que Zhongkui, dans la fleur de l’âge, endosse envers Xiping le rôle de mari, tout en assumant les responsabilités de couple, envers les enfants, et envers l’ex-mari paralytique ! Moyennant une convention, un geste collectif inédit, une seconde chance se profilait pour ces trois êtres, marqués d’une croix noire par le destin.

Le plan était audacieux. Il s’en ouvrit à son copain qui comprit vite, et accepta. Convaincre Xiping fut une autre paire de manche. Elle fut d’abord choquée à l’idée d’un vaudeville graveleux, de quolibets des voisins, du qu’en dira-ton. Mais la patience de Xihan, le soutien discret de Zongkui et le sentiment absolu d’absence d’alternative, finirent par venir à bout de ses préventions.

En 2009, au bout de sept années de grabat, Xihan entreprit de sortir de la maison pour la 1ère fois – en fauteuil roulant. Dans un mini van loué pour l’occasion, avec sa femme, Zongkui le marin et les enfants, tous parés de leurs plus beaux atours, ils s’en allèrent à l’Etat civil de Shiquan, au bureau des divorces. Là, les fonctionnaires médusés hésitèrent longuement face à leur requête insolite, tinrent entre eux un long conciliabule. D’abord partagés entre amusement et indignation, ils furent pris au jeu de l’émotion contagieuse, face à cette situation complexe de générosité réciproque. Ils octroyèrent donc le divorce. Puis le petit groupe passa au bureau d’à côté pour dresser le nouveau contrat de mariage entre Xiping et Zongkui, assorti d’un engagement écrit des conjoints de ne jamais abandonner l’ex-mari ! Enfin tous repartirent comme ils étaient venus, pour se retrouver avec une poignée d’amis et l’officier d’Etat civil, autour d’un petit banquet préparé pour la circonstance.

Depuis lors, la famille recomposée a renoué avec le bonheur du temps d’avant l’accident de la mine. Xiping garde la haute main sur le potager, la basse-cour et les soins de l’ex-mari. Placé (par l’entremise de la mairie) dans un poste correct, Zongkui rapporte les deniers du ménage. À 20 ans, Tuxin l’ainée, diplôme en poche, travaille et vit en ville. À 15 ans, Tuhao marche bien au collège – des espoirs d’université sont permis, et Miaomiao le petit dernier, à 5 ans, fils de Zongkui et de Xiping – est le chouchou.

L’esprit de la demeure, est une joie teintée d’espièglerie, et d’un sentiment confus que rien désormais ne peut plus leur arriver. Par un tour de passe-passe de leur invention, ils ont – ils le savent – fait la nique au destin. En chinois, cela s’appelle « s’arracher d’un seul coup à l’insignifiance » (名扬天下, míng mǎn tiān xià) ! 


Rendez-vous : Semaine du 20-26 février 2017
Semaine du 20-26 février 2017

21-23 février, Canton : China LAB, Salon international et Conférence sur les appareils de laboratoire et d’analyse en Chine

21-23 février, Canton : PCHI, Salon des soins personnels et des cosmétiques

22-25 février, Canton : Music Guangzhou, Salon international des instruments de musique

22-25 février, Canton : Soundlight Guangzhou, Salon international des technologies du son et des éclairages

22-25 février, Shanghai : China Wedding, salon international du mariage

23-25 février, Canton : GITF, Salon international du voyage

25-27 février, Jinan : China (Jinan) International Power transmission & Control technology – Jinan International Industrial Automation, Salons des technologies d’automation industrielle et de contrôle