Petit Peuple : Xilinhot – La saga de Xi Guijin, Malandrin (2ème partie)

A la prison de Xinlinhot, Xi Guijun, repris de justice, mène la grande vie, ayant fait creuser par ses compagnons un tunnel vers l’extérieur, qu’il emprunte régulièrement tout en purgeant sa peine…

Une fois libéré, en 2007, Xi retourna tout bonnement à Hohhot, sa ville de naissance, où il retrouva ses compagnons de la triade des « loups blancs » pour redéployer toutes sortes de crimes et délits. Commençant à petite échelle, il alla trouver le directeur des abattoirs municipaux, lui « proposant » un contrat de protection contre d’autres bandes armées. D’abord réticent, le cadre finit par accepter cette coopération, quand il retrouva trois bestiaux empoisonnés, yeux révulsés, mousse rose sortant du mufle. Chaque mois donc, il dut verser une prime de 10 000 yuans à l’homme envoyé prendre la commission.

Xi répéta l’opération avec une compagnie de taxis, la brasserie locale, puis avec deux lignes de minibus privés. Il taxa aussi lourdement une charcuterie industrielle, la forçant à acheter exclusivement à travers son propre réseau le sel nécessaire à sa production, au décuple de sa valeur marchande. Durant toutes ces années, Xi restait dans les meilleurs termes avec le chef de la police municipale, qu’il n’oubliait pas d’arroser de ses largesses. Sa société noire ne cessait de grandir, comptant désormais des centaines de membres qui écumaient toute la région.

Son bonheur dura jusqu’à l’été 2018, soit onze années d’or, où il demeura libre de racketter la région à outrance, en toute impunité. Tout s’arrêta quand Xi Jinping, le président de la République, ordonna l’éradication de toutes les triades à travers le pays, sous peine de prison pour les cadres qui désobéiraient. Des quotas par ville et par région furent édictés, ainsi que des objectifs précis : celles de sociétés secrètes déjà dans le radar de la sécurité publique nationale.

Sous telles conditions, la police de Hohhot n’avait plus le choix, et coinça le parrain qui avait désormais 43 ans. D’abord, il fallait trouver un motif légal : rien de plus facile, une fois qu’on est déterminé à agir. Guijun fut donc incarcéré pour chantage, ayant extorqué un total de cinq millions de yuans au propriétaire d’une mine de charbon de la région. Pour ce faire, le malfrat avait commencé par menacer ce patron de le dénoncer pour équipements de sécurité insuffisants dans sa mine. Mais l’homme, membre du Parti et intime des autorités politiques locales, l’avait envoyé paître. C’est alors qu’il lui avait envoyé l’une des plus jolies filles de son réseau, avec mission de l’attirer dans une garçonnière, d’où ils furent filmés à son insu. Dès lors, il suffisait d’envoyer à cet entrepreneur le film de leurs ébats, assorti d’une menace d’envoyer le document compromettant à la commission provinciale de vérification de la discipline. En effet, telle preuve de vie extravagante et de débauche suffisait aisément à justifier son arrestation. L’homme avait donc commencé à payer, vaincu par le plus vieux stratagème du monde : le « piège de la belle » (美人计, měirénjì).

Mais c’était compter sans les services de renseignement chinois, qui poursuivaient la campagne antimafia avec rage. En septembre, l’industriel finit par tout avouer aux enquêteurs, y compris ce qu’il savait par ailleurs, sur la complicité des cadres de la prison avec les agissements criminels de Xi Guijun. Jugé sans tambour ni trompette, ce dernier écopa d’un nouveau verdict, cette fois de 14 années à l’ombre.

Les choses commençaient à sentir le roussi pour Zhao Qinglin, le directeur de la prison. Suite aux révélations du propriétaire de la mine, une enquête officielle fut lancée contre lui, son numéro deux et le secrétaire du Parti du pénitencier. Il ne lui fallut que quelques semaines pour conclure que les trois hommes, avec la complicité de treize autres gardiens, avaient su que Xi recrutait des bras pour faire creuser le tunnel, et n’avaient rien fait, ni pour le stopper, ni pour l’empêcher d’en faire usage. Par la suite, c’était encore eux qui avaient œuvré à obtenir une réduction de peine de 66 mois pour Guijun – moyennant la falsification de documents judiciaires et une demi-douzaine de faux en signatures. Zhao, le directeur, fut exclu du Parti et perdit sa place. Selon la presse chinoise, il n’échappa à des poursuites judiciaires que parce que les faits reprochés étaient prescrits. Pendant ce temps, les deux autres cadres et les 13 matons étaient démis de leurs fonctions, blâmés, rétrogradés ou mutés vers d’autres centres de détention.

On peut s’interroger sur la clémence extraordinaire de la justice envers ces hommes évidemment corrompus et qui, par leur appétit du gain, tournaient en ridicule le système carcéral national tout entier. Mais il est vrai qu’entre autorités pénitentiaires et fonctionnaires des tribunaux, on est presque collègues et on développe des affinités. Et puis pour l’Etat, traiter ses serviteurs avec trop de rigueur, c’est s’exposer au risque de les perdre. Ce fut donc la voix de la prudence, qui finalement prévalut.  Enfin, dans le cas de Xi Guijun, à 45 ans désormais, ses perspectives de se retrouver à l’air libre sont désormais des plus diaphanes, avant la soixantaine à tout le moins !

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1 Commentaire
  1. severy

    Meijenji… meijenji… Le voici donc pris au piège sans moyen de se faire la belle.

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