Petit Peuple : Xilinhot – La saga de Xi Guijin, Malandrin (1ère partie)

A Hohhot (Mongolie intérieure), Xi Guijun, 44 ans, est un génie du mal, le vice chevillé au corps. Il a pourtant des qualités multiples, qui lui auraient permis de réussir tout aussi bien dans le droit chemin : avenant, courageux, endurant, il est aussi doté d’une imagination débordante. Mais non, ce qui l’intéresse, c’est la transgression. Voler lui procure, depuis l’enfance, un frisson d’excitation et passer son prochain à tabac, un plaisir presque sensuel. A cela s’ajoute un souci du détail dans la préparation de ses coups qui lui a fait gagner une réputation de grand professionnel dans le milieu du crime. En 2002, à seulement 27 ans, il était déjà à la tête de la triade des « loups blancs », qu’il avait fondée en 1995, entre 70 « frères » liés par un serment. Ensemble, ils exécutaient les plans minutieux de Xi : extorsions de fonds, hold-up, réseau de prostitution, trafic de la drogue du Triangle d’or… La prudence qu’il appliquait à l’exécution de ses méfaits lui valut longtemps une quasi-impunité. Même dans les rares occasions où il se faisait prendre, la police et les juges avaient le plus grand mal à cerner exactement sa responsabilité au sein de la bande, avec pour résultat immuable qu’il s’en tirait, au bénéfice du doute, avec une peine bénigne.

Jusqu’à ce jour de 2002, où il fut pris la main dans le sac, au beau milieu du casse de la villa du secrétaire provincial du Parti. Enfin, la police pouvait lui imputer un délit lourd et à l’issue du procès, il était condamné à 11 ans de prison. Au prétoire, cependant, cela jasait ferme : « il s’en tirait à bon compte », car pour les mêmes chefs d’accusation n’importe qui d’autre aurait écopé de 20 à 30 ans …

La main douce du juge n’était pas due au hasard. Au fil des ans, Guijun avait su mettre de côté la meilleure part de ses rapines. Avec tel magot, il avait des moyens pour s’organiser et dès sa garde à vue, il avait commencé à arroser de « hongbao » (enveloppe remplie d’argent) la moitié du tribunal, du juge au greffier. A la prison de Hohhot, un établissement de haute sécurité où il commençait à purger sa peine, il comprit vite qu’il n’y avait là aucune chance d’adoucir ses conditions de détention. Mais au moyen d’une ou deux Mercedes offertes aux bonnes personnes, il réussit en un temps record à se faire transférer en un lieu plus souriant : la prison de Xinlinhot, petite bourgade à 620km de Hohhot. Là, le jeune bandit fut accueilli comme un prince, sa réputation d’opulence et de générosité l’ayant précédé, et sa bourse commençant immédiatement à verser à flots les cadeaux. Dès la première nuit, il eut sa cellule privative remeublée et retapissée avec goût.  Ses repas lui furent livrés chaud du meilleur hôtel de la ville, avec nappe sur la table, verre en cristal et baguettes d’argent. Bien évidemment, il fut exempté du labour obligatoire, et dispensé des sessions d’études marxistes destinées à la réforme des âmes. Lui seul, après le couvre-feu, pouvait maintenir sa lampe allumée ou éteinte, suivant sa convenance.

Autre privilège, à peine une semaine après son arrivée, Xi reçut le droit de reconstituer sa triade en recrutant les membres parmi les prisonniers. Et sans perdre une minute, il lança ses « loups blancs » dans une mission exceptionnelle. Chaque nuit après le dîner, tandis que les matons se retiraient dans leurs quartiers, les hommes à sa solde sortaient à tour de rôle par équipe de trois, par les portes des cellules laissées « inopinément » ouvertes. Dans la remise des instruments aratoires, ils se servaient en pelles, pioches et brouettes, et dans un recoin obscur du pénitencier, piochaient le sol pour forer un tunnel. Xi dirigeait les travaux en personne, et toutes les deux heures, ordonnait le changement d’équipe. A trois heures du matin, on arrêtait le labeur pour retourner se coucher.

Les surveillants leur laissaient une paix royale, regardant ostensiblement dans l’autre direction -une enveloppe hebdomadaire les encourageant en ce sens. Les détenus creusaient avec enthousiasme, et le chantier avançait vite : les 500m entre le sas dans la prison et la sortie dans la forêt voisine, furent évidés en 18 mois. En février 2004, Xi, sur son trente-et-un, costume et chaussures blancs, borsalino sur le chef, inaugurait de nuit le tunnel et rejoignait en 10 minutes à travers champs le taxi commandé par smartphone.

Par la suite, Xi allait ressortir chaque semaine, tantôt pour ses plaisirs, tantôt pour le travail – car ses finances commençaient à s’amoindrir sérieusement. Le directeur de la prison, lui, se faisait des cheveux blancs en pensant aux conséquences si l’affaire venait à s’ébruiter : car le tunnel de son prisonnier l’enfonçait lui-même toujours plus vers la catastrophe, 陷入泥坑  (xiànrù níkēng). C’est pourquoi il dû protéger activement les incartades de Xi, toujours plus audacieux : comme lorsqu’en mars 2005, en fuite suite à un casse raté, sa voiture volée en percuta une autre, tuant sur le coup le chauffeur. Ou quand, deux mois plus tard, l’attaque d’un casino se solda par un blessé grave. Chaque fois cependant, il parvint à regagner sa prison par le tunnel, tandis que le directeur le couvrait du plus solide des alibis : comment aurait-il pu se trouver en même temps sur un lieu de crime, et dans sa cellule ?

Et c’est ainsi que nonobstant ces forfaits et son retour au grand banditisme, Xi Guijun se retrouva bientôt libéré par anticipation – une décision judiciaire rarissime en Chine, justifiée par son « bon comportement ». C’était en février 2007, il avait 32 ans. Il n’avait purgé que cinq ans et demi, à peine plus de la moitié de la sentence.

Mais croyez-vous que ce bandit dans la force de l’âge va se contenter de vivre de ses rentes, rentrant ainsi dans le droit chemin sur le tard ? Vous le saurez au prochain numéro !

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1 Commentaire
  1. severy

    Je parie qu’il a arrosé quelques membres du Parti pour obtenir sa carte et qu’il dirige à présent quelque obscur service soit dans le domaine de la propagande, soit dans celui de la mise à jour de la réglementation des normes éthiques, ou alors, il préside un comité secret chargé du creusement d’un tunnel entre la salle des coffres de la banque centrale et la petite remise en bois où sont rangés les vélos de secours des membres les plus éminents du gouvernement désireux de filer en vitesse en Corée du nord, les poches pleines, en cas d’urgence.

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