Monde de l'entreprise : Fosun dans le viseur des autorités financières ?

Fosun dans le viseur des autorités financières ?

Après l’assureur Anbang, le géant de l’aérien HNA, le groupe d’affaires CEFC, est-ce au tour du conglomérat Fosun (复星), qui possède des dizaines d’entreprises dans le secteur de l’immobilier, de l’assurance, du tourisme ou encore de la santé, de se retrouver dans le viseur de Pékin ?

D’après l’agence Bloomberg, l’organisme de tutelle des entreprises publiques (SASAC) et la commission de supervision des banques (CBIRC) auraient récemment demandé aux institutions financières et à leurs filiales d’examiner leur exposition au consortium chinois, endetté à hauteur de 260 milliards de yuans (37 milliards d’euros). En réaction à la chute de ses actions en bourse de Hong Kong, le groupe a immédiatement nié ces accusations, présentant la démarche des autorités comme « une simple collecte d’informations de routine ».

Mais il n’y a pas de fumée sans feu. Ces derniers mois, Fosun s’est délesté de bon nombre de ses actifs. Le propriétaire du Club Med a ainsi vendu en mars sa filiale mode, rebaptisée « Lanvin Group », du nom de la marque parisienne rachetée en 2018. Il s’est aussi séparé en avril de l’assureur américain AmeriTrust puis a cédé le mois suivant toutes ses participations dans la brasserie Tsingtao pour 523 millions d’euros. Et cela continue jusqu’à maintenant…

Fosun justifie ces cessions en série par une volonté de se recentrer sur ses secteurs d’activités historiques, comme la santé. C’est d’ailleurs Fosun Pharma qui devait distribuer le vaccin BioNTech en Chine continentale avant que le projet ne soit tué dans l’œuf par Pékin…

Cependant, cette stratégie ressemble davantage à une tentative de récupérer un maximum de fonds qu’à un véritable recentrage. En effet, le groupe va devoir rembourser 45 % de ses créances d’ici à mars 2023, selon l’agence Moody’s qui vient de dégrader sa note…

Face à la polémique, le patron de Fosun, Guo Guangchang, a mis un terme à six mois de silence en annonçant sur son compte Weibo, son retour en Chine après une tournée internationale dans 20 pays, dont la France où il a rencontré ses partenaires hexagonaux. « Malgré le fait que plus de la moitié des salariés du groupe se trouvent à l’étranger, les racines de Fosun demeurent en Chine, pays qui restera pour toujours la citadelle de Fosun », a écrit celui qu’on surnomme le « Warren Buffett » chinois.

Cette déclaration aux accents patriotiques a poussé les internautes à s’interroger sur la situation du célèbre entrepreneur : aurait-il été forcé à rentrer en Chine sous pression des autorités ? Serait-il victime d’une lutte de pouvoir, à l’approche du XXème Congrès, lui qui a bâti son empire avec le soutien du « gang de Shanghai » de l’ex-Président Jiang Zemin ? Les rumeurs vont bon train et en disent long sur le climat d’incertitude qui plane sur les entrepreneurs privés depuis quelques années.

Cofondé en 1992 par Guo Guangchang et trois camarades de l’université Fudan (Shanghai), Fosun a connu son heure de gloire au début des années 2010, multipliant les acquisitions hors frontières. Une fièvre acheteuse partagée par plusieurs autres groupes chinois qui n’a pas été du goût des autorités, inquiètes des risques financiers que faisaient peser ces consortia sur l’économie chinoise. Depuis, la plupart de ces « rhinocéros gris » ont été soit démantelés – partiellement ou totalement – soit forcés de se recentrer sur leur cœur d’activité historique. Malgré une brève arrestation de Guo Guangchang fin 2015 afin d’« assister les autorités dans le cadre d’une enquête anti-corruption » (sur l’ancien vice-maire de Shanghai, Ai Baojun), Fosun avait miraculeusement réussi à échapper à la tempête, faisant valoir – côté pile – un taux d’endettement inférieur à celui de ses pairs et – côté face – des soutiens politiques haut placés. Aujourd’hui, le groupe peut-il toujours en dire autant ?

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