Monde de l'entreprise : McDonald’s et Mastercard, à contre-courant

McDonald’s et Mastercard, à contre-courant

Quelques jours après la rencontre entre Xi Jinping et Joe Biden à San Francisco, deux grands groupes américains connaissent des développements intéressants sur le marché chinois. L’un se réengage, chose rare par les temps qui courent ; l’autre y est enfin autorisé à commercialiser sa marque.

Le premier est le roi du fast-food, McDonald’s : après avoir vendu 80% de ses restaurants en Chine en 2017 au fonds d’investissement américain Carlyle et au consortium chinois Citic pour la somme de 2,1 milliards de $, le groupe aux arches jaunes vient d’annoncer racheter la part qu’il avait vendu six ans plus tôt à Carlyle. Ce rachat portera la participation totale de McDonald’s à 48 % dans ses opérations chinoises, le groupe ayant précédemment conservé 20%, tandis que celle de Citic restera inchangée (52%).

Cette opération est un joli coup pour Carlyle puisque la vente va rapporter aux investisseurs 6,7 fois leur mise ! Mais quid de McDonald’s ? Qu’est ce qui explique un tel revirement ?

Il faut remonter à 2017 : à l’époque, le géant du fast-food nourrissait un ambitieux projet d’expansion à travers l’Empire du Milieu, mais ne souhaitait pas utiliser ses fonds propres pour le financer. Ainsi, grâce à l’alliance entre Carlyle et Citic, le détenteur de la marque Big Mac a pu doubler en cinq ans le nombre de ses restaurants en Chine (5 500 enseignes) sans débourser un sou !

Ce rythme d’ouverture se poursuit d’ailleurs jusqu’à ce jour : en 2023, le groupe a ouvert un McDonald’s en Chine toutes les 10 heures, soit 900 au total ! L’objectif étant d’opérer – en franchise pour la plupart – plus de 10 000 « Màidāngláo » ( 麦当劳) d’ici 2028.

Aujourd’hui, malgré le ralentissement économique, McDonald’s croit plus que jamais au potentiel du marché chinois, notamment dans les villes de 2nd et de 3ème tiers. Ainsi, en rachetant ses parts, le groupe souhaite s’assurer que la croissance attendue sur ce marché, se réalise selon ses souhaits.

En effet, la stratégie déployée par McDonald’s Chine ces dernières années s’est réveillée payante : l’image du géant du fast-food s’étant fanée au fil du temps, le groupe a fait de gros efforts pour la rajeunir et a presque réussi à faire oublier son ADN américain, notamment en adaptant son menu aux goûts locaux. Une décision qui lui a permis de ne pas se laisser distancer par la concurrence locale et étrangère, notamment KFC et son « universel » poulet frit, n°1 du marché. Le groupe n’a pas non plus raté le coche du digital (90% des transactions à ce jour) et a développé avec succès son activité de livraison (24/24, 7 jours sur 7) ! Et alors que les consommateurs chinois sont de plus en plus regardants à la dépense sur fond de ralentissement économique, les prix pratiqués par McDonald’s sont encore perçus comme parmi les plus abordables du marché.

Bien sûr, ce « réengagement » de McDonald’s n’est pas à l’image de la plupart des autres sociétés étrangères, qui sont devenues réticentes à investir dans l’Empire du Milieu ou alors le font pour conserver leurs parts de marché durement acquises. Néanmoins, ce revirement stratégique de McDonald’s est assez rare pour être souligné.

L’autre grand groupe américain qui s’est illustré dans l’actualité ces jours-ci, c’est le géant du paiement Mastercard. En effet, le n°2 mondial des cartes bancaires, présent en Chine par le biais d’une coentreprise avec une société locale, vient de se voir délivrer une « licence de compensation » par la Banque Centrale. En pratique, cela va permettre aux banques commerciales chinoises d’émettre des cartes bancaires en yuans portant la marque « MasterCard ».

Pour Mastercard, c’est un combat de longue date qu’il vient de remporter. En effet, dès 2010, les Etats-Unis avaient porté plainte auprès de l’Organisation Mondiale du Commerce pour discrimination de ses sociétés de paiements sur le marché chinois. Deux ans plus tard, l’OMC donnait raison à Washington. En 2017, la Banque Centrale chinoise consentait finalement à accepter le dossier de Mastercard. Son grand rival, Visa, faisait de même. Cependant, la guerre commerciale lancée par Donald Trump et les réticences des autorités chinoises, inquiètes de voir les consommateurs chinois privés de leur carte bancaire Mastercard en cas de sanctions américaines (comme l’ont été les Russes en 2022), ont sensiblement freiné la demande du géant américain, qui n’a abouti que six ans plus tard… Mastercard devient donc ainsi le second acteur étranger à obtenir une telle autorisation en Chine, après son « petit » concurrent, American Express en juin 2020.

Ce feu vert intervient alors que le Président Xi Jinping a fait miroiter aux firmes étrangères les multiples opportunités que représente « un marché d’1,4 milliard d’habitants » et a promis davantage d’ouverture, dans le secteur financier notamment.

Si les cartes Visa et Mastercard sont déjà acceptées dans plusieurs millions de distributeurs de billets à travers la Chine depuis bien longtemps, cette autorisation enfin délivrée a un goût de trop peu et de trop tard. En effet, règne quasi sans partage sur le marché chinois, Union Pay, acteur local et n°1 mondial, de plus en plus présent à l’international. L’autre problème est que l’époque où les Chinois cumulaient les cartes bancaires dans leur portefeuille est finie depuis bien longtemps : aujourd’hui, l’heure est aux paiements mobiles, domaine de prédilection de WeChat Pay et Alipay, qui sont eux aussi davantage présents dans les pays où se rendent les touristes chinois. Cela donne une raison de moins aux Chinois d’utiliser des cartes bancaires étrangères hors frontières… Faisant feu de tout bois, les leaders du paiement mobile en Chine ont également annoncé au mois d’août que les touristes étrangers pourraient enfin relier leur carte bancaire Visa et Mastercard à leurs applications respectives – un indispensable pour tout séjour dans l’Empire du Milieu.

Sous cette perspective, cette « avancée » de Mastercard semble donc anecdotique. Mais cela n’empêche pas le groupe américain de faire preuve d’enthousiasme à l’idée de pouvoir grignoter une petite part des frais générés par les 141 000 milliards de yuans de paiements encore réalisés par carte bancaire en Chine en 2022. 

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1 Commentaire
  1. severy

    Avec les nouveaux modes de paiement qui sont « in the pipe », posséder une carte de crédit ou de débit marquée du logo de CB, AmEx, Mastercard ou VISA ou payer avec son téléphone portable ne feront pas long feu. La reconnaissance faciale, la lecture des empreintes digitales ou de la pupille semblent bien plus pratiques. On pourra ainsi faire ses courses dans le plus simple appareil pour la plus grande joie des services psychiatriques du pays.

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