Le Vent de la Chine Numéro 38 (2023)

du 27 novembre au 3 décembre 2023

Editorial : La Chine paie sa « dette immunitaire »
La Chine paie sa « dette immunitaire »

Des salles d’attente bondées, des médecins débordés, des services d’urgence pris d’assaut, des patients qui écument les hôpitaux dans l’espoir de se faire prendre en charge, des enfants épuisés, sous perfusion (mais faisant leurs devoirs)… Nous ne sommes pas à Wuhan début 2020, mais à Pékin et dans le Nord de la Chine en novembre 2023.

En effet, depuis plusieurs semaines déjà, dans plusieurs provinces à travers la Chine, la presse chinoise rapporte une forte augmentation de l’incidence des maladies respiratoires, surtout chez les enfants.

Cette recrudescence d’infections respiratoires infantiles ne serait pas liée à l’émergence d’un « mystérieux virus » comme certains médias l’ont laissé entendre, mais au fait que la Chine vit son premier hiver depuis la fin de la stratégie « zéro Covid » il y a un an.

Cette politique sanitaire avait considérablement réduit la circulation des pathogènes respiratoires lorsqu’elle était en vigueur et donc diminué le niveau d’immunité de la population. Aujourd’hui, le pays paie donc sa « dette immunitaire » : c’est ainsi que les épidémiologistes appellent ce phénomène expérimenté par bien d’autres pays avant la Chine. C’est notamment le cas de la France qui a connu l’an passé, une explosion des cas de bronchiolite.

En Chine, circulent ainsi différents pathogènes : il y a le virus respiratoire syncytial, le SARS-CoV-2, la grippe (influenza A), mais aussi la bactérie Mycoplasma pneumoniae. Ce dernier connaitrait d’ailleurs une résurgence non seulement en Chine, mais dans tout l’Hémisphère Nord. « Les mycoplasmes peuvent provoquer des épidémies majeures tous les 3 à 7 ans », a mis en garde Tong Zhaohui, le vice-doyen de l’hôpital Chaoyang (Pékin).

Si cette bactérie ne provoque généralement que des rhumes bénins chez les personnes dotées d’un solide système immunitaire, les jeunes enfants (de 5 à 10 ans) eux, sont susceptibles de développer une pneumonie, dont les symptômes peuvent durer plusieurs semaines.

En temps normal, ces cas restent rares. Sauf qu’en Chine, cette année, les cas graves se multiplient. Les experts expliquent que cela pourrait être lié à une résistance à l’antibiotique utilisé pour soigner ce type d’infection (l’Azithromycine) particulièrement élevée en Chine par rapport au reste du monde : jusqu’à 60 à 70 % des cas chez les adultes et jusqu’à 80 % des cas chez les enfants, rapporte Yin Yudong, médecin spécialiste des maladies infectieuses.

Face à cette problématique, le docteur Tong Zhaohui rappelle la nécessité de diagnostiquer avec certitude l’origine de la maladie avant de prescrire des antibiotiques. Or, cela n’est pas toujours fait lorsque les hôpitaux sont surchargés (la médecine de ville n’existe pas en Chine).

Naturellement, l’inquiétude du public est palpable. Au sein des écoles maternelles et primaires, c’est l’hécatombe : dans certaines classes, c’est 50% des effectifs qui sont malades. Ce dimanche, le sujet le plus discuté sur Baidu était la liste des services pédiatriques disponibles, ville par ville, et leurs capacités d’accueil. Même les grandes figures de la lutte nationale contre le Covid-19, comme le docteur Zhang Wenhong, ont pris la parole pour rassurer la population.

Les Chinois ne sont pas les seuls à s’inquiéter. La sévérité des cas observés en Chine a interpellé la communauté médicale internationale. Le 21 novembre, le programme de surveillance des maladies émergentes (ProMED) émettait une alerte évoquant « une épidémie généralisée d’une maladie respiratoire non diagnostiquée ».

24h plus tard, l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) adressait aux autorités chinoises une demande officielle « d’informations détaillées sur l’augmentation des maladies respiratoires et les cas de pneumonie signalés en Chine » en vertu du règlement sanitaire international.

La réponse de Pékin se voulait rassurante : « aucun pathogène nouveau ou inhabituel n’a été détecté, pas plus que des signes cliniques inhabituels, il s’agit seulement d’une hausse générale du nombre de cas de maladies respiratoires dues à des pathogènes connus ».

Cette requête publique de l’OMS est une chose rare, qui suggère que l’organisation genevoise souhaite mettre Pékin sous pression pour obtenir davantage d’informations. D’abord accusée d’avoir fait preuve de complaisance vis-à-vis de Pékin pour avoir fait confiance aux informations partagées au compte-gouttes par les autorités chinoises lors des débuts de l’épidémie de Covid-19, l’OMS avait par la suite déploré le manque de transparence et de coopération de la part de la Chine, notamment pendant l’enquête sur les origines du Covid-19 et lors de la vague Omicron qui a suivi l’abandon de la politique « zéro Covid ». Alors que le monde entier redoute l’émergence d’une nouvelle pandémie, l’OMS se sait attendue au tournant. La Chine aussi, d’ailleurs. Car, outre la « dette immunitaire », la « dette de confiance » perdure.


Géopolitique : La construction chinoise d’une image de la Chine comme médiateur – et sa réalité
La construction chinoise d’une image de la Chine comme médiateur – et sa réalité

La difficulté de rapporter au jour le jour les événements qui concernent le pays dirigé par le Parti Communiste Chinois, dont Xi Jinping est le leader sinon incontesté du moins difficilement contestable, est qu’il faut éviter pour le journaliste de se transformer en agent des « relations publiques » chinoises.

Autrement dit, la Chine est tellement experte non seulement dans sa manière de raconter les événements comme démontrant la puissance et la grandeur du régime, mais plus encore de les « produire » afin de soutenir ce narratif que, parfois, souvent même, le simple fait de les rapporter « objectivement » est déjà une manière de jouer le jeu de la « propagande » d’Etat.

La réaction attendue est la suivante : « voyez, ce que fait la Chine, les Etats-Unis seraient bien incapables de faire de même ». On dira, bien sûr : « mais c’est injuste, pourquoi ne pas simplement reconnaître la valeur de l’action de la Chine à sa juste valeur, pourquoi ne pas lui accorder le bénéfice du doute, pourquoi ne pas accepter que la Chine soit devenue un acteur majeur de l’équilibre des forces, pourquoi dénier à la Chine sa propre agentivité en termes de performance diplomatique » ?

Par ces interrogations de « bonne foi », il s’agira de dépeindre l’analyste comme « anti-chinois », « raciste » voire « néo-colonialiste ». Disons-le une fois pour toutes : faire une analyse critique du régime de Xi Jinping, ce n’est pas prendre parti dans un débat culturel ou national sur la valeur et la grandeur de la Chine et des Chinois. De même qu’en France, critiquer le président Macron (un sport national pour lequel la France serait la première si cela devenait une discipline olympique) ne revient pas à critiquer la France ni à être considéré comme anti-français. Alors, pourquoi faire une analyse critique, proposer un regard non naïf mais sceptique sur la diplomatie ou la politique chinoise, serait anti-Chinois (le peuple) ou anti-chinois (le pays) ?

Une fois ce rappel fait, considérons donc avec circonspection et attention critique, l’événement diplomatique qui a été au centre des relations publiques chinoises durant la semaine passée.

Le 20 novembre, un communiqué de presse nous a appris que le président chinois Xi Jinping et le président français Emmanuel Macron ont convenu lundi que le conflit Israël-Gaza ne pouvait être résolu que par une « solution à deux États » (israélien et palestinien). Selon la chaîne de télévision publique chinoise CCTV qui a mis en récit l’événement du côté chinois : tous deux « estiment que la priorité absolue est d’empêcher la situation palestino-israélienne de se détériorer davantage, notamment en raison d’une crise humanitaire plus grave ». La « solution à deux États » serait le « moyen fondamental de résoudre le cycle du conflit palestino-israélien ».

On voit que ce narratif a d’abord pour but de montrer que la Chine n’est pas opposée à l’Occident, la France se prêtant ainsi au jeu de l’électron libre du « camp occidental » puisque, selon une longue tradition française, « l’indépendance stratégique » est une spécificité de la République dont le vaste réseau diplomatique démontre le pouvoir d’influence. Cette indépendance se signale par une certaine flexibilité par rapport à l’agenda international des Etats-Unis. Ainsi, la France a pris une attitude beaucoup plus mesurée que les autres pays européens et notamment l’Allemagne dans son soutien à Israël, mettant en évidence, le caractère « disproportionné » et contraire au droit de la guerre du bombardement des civils à Gaza. La France a donc ses propres raisons dans le fait de s’afficher en caution européenne d’une « initiative chinoise ». Cependant, il faut aussi noter que le communiqué de presse qui a fait le tour des rédactions de presse internationales émane de Pékin. Au moment où les médias chinois mettaient cet événement en avant, le gouvernement français n’avait pas encore communiqué sur cette conversation. Donc le narratif autour de l’événement a été construit par la Chine, avant même que la France s’en empare et ne puisse lui donner sens.

A cette première activité diplomatique s’en ajoute, le même jour, une autre encore plus évidente, sans être pour autant vraiment plus concluante. Le 20 novembre, les ministres arabes et musulmans appelaient à un cessez-le-feu immédiat à Gaza, alors que leur délégation se rendait à Pékin. La Chine étant, symboliquement, la première étape d’une tournée visant à mettre fin aux hostilités et à permettre l’aide humanitaire sur le territoire palestinien.

A nouveau, alors que la délégation doit rencontrer des responsables de chacun des cinq membres permanents du Conseil de sécurité de l’ONU, pour qu’ils rejettent la justification par Israël de ses actions contre les Palestiniens comme étant de la légitime défense, la communication de la Chine à ce sujet laisse à penser que Pékin est non seulement l’hôte mais l’organisateur, que seule la Chine aurait la capacité de permettre aux dirigeant arabes de se rencontrer pour prêcher la paix.

En réalité, cette visite fut précédée par un sommet extraordinaire à Riyad exhortant la Cour pénale internationale à enquêter sur « les crimes de guerre et les crimes contre l’humanité qu’Israël commet » dans les territoires palestiniens. Autrement dit, c’est ici la figure du prince héritier Mohammed ben Salmane, dirigeant de facto du royaume saoudien, qui ressort comme étant au centre du dispositif.

De même nature a été la communication autour de « la première prise de parole de Xi Jinping sur le sujet depuis le début du conflit ». On le voit d’emblée, la stratégie de communication globale a porté sur la rareté et donc l’exceptionnalité de cette parole. Comme si le fait que ce soit « la première déclaration du président chinois depuis le 7 novembre » devait donner une sorte de statut spécial à cette parole, qui aurait été attendue avec impatience par un monde désorienté, manquant de la parole de la Chine pour s’orienter au sens propre du terme, s’aligner en direction de l’Orient.

En réalité, le décalage entre la parole « présidentielle » et la chronologie révèle à la fois la lenteur de l’ajustement du discours officiel sur les événements planétaires en Chine et aussi le relatif manque d’impact de cette parole. Quel est maintenant le contenu de cette parole ?

Le dirigeant chinois a appelé à un cessez-le-feu et promu la « solution à deux États » comme la « voie fondamentale de sortie » du conflit. Lors de sa rencontre avec le Premier ministre égyptien Mostafa Madbouly à Pékin, Xi Jinping a donc déclaré : « La priorité absolue est d’arrêter les combats le plus rapidement possible, d’empêcher que le conflit ne s’étende ou même ne devienne incontrôlable et ne provoque une grave crise humanitaire ».

Le problème de cette prise de parole publique, c’est que le rôle de médiateur n’est possible que si l’on a soi-même adopté une position neutre et équilibrée tout au long du conflit. Or la parole pondérée du dirigeant chinois ne peut faire oublier le caractère partisan de la vision chinoise du conflit, ou plutôt sa neutralité « pro-palestinienne ».

Sur le plan diplomatique, la Chine a en réalité eu un poids extrêmement modeste dans la résolution de la crise. Le mérite de la trêve humanitaire et de l’échange d’otages revient principalement au Qatar, capable de parler à la fois aux Etats-Unis, à Israël et au Hamas. Autrement dit, que ce soit le sommet de Riyad ou l’accord du Qatar, au-delà de la lutte d’influence mondiale entre les Etats-Unis et la Chine, c’est au Proche-Orient que se situe la résolution de cette crise du Proche-Orient. Plus encore, malgré les grandes déclarations sur le « Sud Global » et le nouveau poids diplomatique de la Chine, le fait demeure que là où les Européens et les Américains ont promis chacun 100 millions d’euros d’aide, la Chine ne s’est engagée qu’à hauteur de 2 millions.

Si la parole chinoise sur la crise était relayée au même niveau que son engagement financier dans la résolution des crises mondiales, cela éviterait l’hystérie médiatique grossissant démesurément chacune de ses activités diplomatiques et de jouer, volontairement ou inconsciemment, le rôle de PR (Public Relation) de la RPC.

Par Jean-Yves Heurtebise


Monde de l'entreprise : McDonald’s et Mastercard, à contre-courant
McDonald’s et Mastercard, à contre-courant

Quelques jours après la rencontre entre Xi Jinping et Joe Biden à San Francisco, deux grands groupes américains connaissent des développements intéressants sur le marché chinois. L’un se réengage, chose rare par les temps qui courent ; l’autre y est enfin autorisé à commercialiser sa marque.

Le premier est le roi du fast-food, McDonald’s : après avoir vendu 80% de ses restaurants en Chine en 2017 au fonds d’investissement américain Carlyle et au consortium chinois Citic pour la somme de 2,1 milliards de $, le groupe aux arches jaunes vient d’annoncer racheter la part qu’il avait vendu six ans plus tôt à Carlyle. Ce rachat portera la participation totale de McDonald’s à 48 % dans ses opérations chinoises, le groupe ayant précédemment conservé 20%, tandis que celle de Citic restera inchangée (52%).

Cette opération est un joli coup pour Carlyle puisque la vente va rapporter aux investisseurs 6,7 fois leur mise ! Mais quid de McDonald’s ? Qu’est ce qui explique un tel revirement ?

Il faut remonter à 2017 : à l’époque, le géant du fast-food nourrissait un ambitieux projet d’expansion à travers l’Empire du Milieu, mais ne souhaitait pas utiliser ses fonds propres pour le financer. Ainsi, grâce à l’alliance entre Carlyle et Citic, le détenteur de la marque Big Mac a pu doubler en cinq ans le nombre de ses restaurants en Chine (5 500 enseignes) sans débourser un sou !

Ce rythme d’ouverture se poursuit d’ailleurs jusqu’à ce jour : en 2023, le groupe a ouvert un McDonald’s en Chine toutes les 10 heures, soit 900 au total ! L’objectif étant d’opérer – en franchise pour la plupart – plus de 10 000 « Màidāngláo » ( 麦当劳) d’ici 2028.

Aujourd’hui, malgré le ralentissement économique, McDonald’s croit plus que jamais au potentiel du marché chinois, notamment dans les villes de 2nd et de 3ème tiers. Ainsi, en rachetant ses parts, le groupe souhaite s’assurer que la croissance attendue sur ce marché, se réalise selon ses souhaits.

En effet, la stratégie déployée par McDonald’s Chine ces dernières années s’est réveillée payante : l’image du géant du fast-food s’étant fanée au fil du temps, le groupe a fait de gros efforts pour la rajeunir et a presque réussi à faire oublier son ADN américain, notamment en adaptant son menu aux goûts locaux. Une décision qui lui a permis de ne pas se laisser distancer par la concurrence locale et étrangère, notamment KFC et son « universel » poulet frit, n°1 du marché. Le groupe n’a pas non plus raté le coche du digital (90% des transactions à ce jour) et a développé avec succès son activité de livraison (24/24, 7 jours sur 7) ! Et alors que les consommateurs chinois sont de plus en plus regardants à la dépense sur fond de ralentissement économique, les prix pratiqués par McDonald’s sont encore perçus comme parmi les plus abordables du marché.

Bien sûr, ce « réengagement » de McDonald’s n’est pas à l’image de la plupart des autres sociétés étrangères, qui sont devenues réticentes à investir dans l’Empire du Milieu ou alors le font pour conserver leurs parts de marché durement acquises. Néanmoins, ce revirement stratégique de McDonald’s est assez rare pour être souligné.

L’autre grand groupe américain qui s’est illustré dans l’actualité ces jours-ci, c’est le géant du paiement Mastercard. En effet, le n°2 mondial des cartes bancaires, présent en Chine par le biais d’une coentreprise avec une société locale, vient de se voir délivrer une « licence de compensation » par la Banque Centrale. En pratique, cela va permettre aux banques commerciales chinoises d’émettre des cartes bancaires en yuans portant la marque « MasterCard ».

Pour Mastercard, c’est un combat de longue date qu’il vient de remporter. En effet, dès 2010, les Etats-Unis avaient porté plainte auprès de l’Organisation Mondiale du Commerce pour discrimination de ses sociétés de paiements sur le marché chinois. Deux ans plus tard, l’OMC donnait raison à Washington. En 2017, la Banque Centrale chinoise consentait finalement à accepter le dossier de Mastercard. Son grand rival, Visa, faisait de même. Cependant, la guerre commerciale lancée par Donald Trump et les réticences des autorités chinoises, inquiètes de voir les consommateurs chinois privés de leur carte bancaire Mastercard en cas de sanctions américaines (comme l’ont été les Russes en 2022), ont sensiblement freiné la demande du géant américain, qui n’a abouti que six ans plus tard… Mastercard devient donc ainsi le second acteur étranger à obtenir une telle autorisation en Chine, après son « petit » concurrent, American Express en juin 2020.

Ce feu vert intervient alors que le Président Xi Jinping a fait miroiter aux firmes étrangères les multiples opportunités que représente « un marché d’1,4 milliard d’habitants » et a promis davantage d’ouverture, dans le secteur financier notamment.

Si les cartes Visa et Mastercard sont déjà acceptées dans plusieurs millions de distributeurs de billets à travers la Chine depuis bien longtemps, cette autorisation enfin délivrée a un goût de trop peu et de trop tard. En effet, règne quasi sans partage sur le marché chinois, Union Pay, acteur local et n°1 mondial, de plus en plus présent à l’international. L’autre problème est que l’époque où les Chinois cumulaient les cartes bancaires dans leur portefeuille est finie depuis bien longtemps : aujourd’hui, l’heure est aux paiements mobiles, domaine de prédilection de WeChat Pay et Alipay, qui sont eux aussi davantage présents dans les pays où se rendent les touristes chinois. Cela donne une raison de moins aux Chinois d’utiliser des cartes bancaires étrangères hors frontières… Faisant feu de tout bois, les leaders du paiement mobile en Chine ont également annoncé au mois d’août que les touristes étrangers pourraient enfin relier leur carte bancaire Visa et Mastercard à leurs applications respectives – un indispensable pour tout séjour dans l’Empire du Milieu.

Sous cette perspective, cette « avancée » de Mastercard semble donc anecdotique. Mais cela n’empêche pas le groupe américain de faire preuve d’enthousiasme à l’idée de pouvoir grignoter une petite part des frais générés par les 141 000 milliards de yuans de paiements encore réalisés par carte bancaire en Chine en 2022. 


Vocabulaire de la semaine : « Agent pathogène, secteur immobilier, Mastercard »
« Agent pathogène, secteur immobilier, Mastercard »
  1. 爆发, bàofā (HSK 6) : éclater, éruption
  2. 呼吸道, hūxīdào : voies respiratoires
  3. 病原体, bìngyuántǐ : agent pathogène
  4. 感染, gǎnrǎn (HSK 6) : infection
  5. 医院, yīyuàn : hôpital
  6. 儿科, érkē : pédiatrique
  7. 挤爆, jǐ bào : saturer, être bondé
  8. 医护人员, yīhù rényuán : personnel médical
  9. 新冠病毒, xīn guān bìngdú: virus du nouveau coronavirus (Covid-19)
  10. 流感病毒, liúgǎn bìngdú: virus de la grippe

目前中国大陆爆发多种呼吸道病原体混合感染,各地医院儿科门诊挤爆医护人员也大批感染。11月21日,中共专家承认新冠病毒流感病毒、支原体肺炎病毒等多种呼吸道病原体混合感染。

Mùqián zhōngguó dàlù bàofā duō zhǒng hūxīdào bìngyuántǐ hùnhé gǎnrǎn, gèdì yīyuàn er kē ménzhěn jǐ bào, yīhù rényuán yě dàpī gǎnrǎn.11 Yuè 21 rì, zhōnggòng zhuānjiā chéngrèn xīnguān bìngdú, liúgǎn bìngdú, zhīyuántǐ fèiyán bìngdú děng duō zhǒng hūxīdào bìngyuántǐ hùnhé gǎnrǎn.

Il y a actuellement une épidémie d’infections mixtes causées par de multiples agents pathogènes respiratoires en Chine continentale. Les cliniques pédiatriques de divers hôpitaux sont surpeuplées et un grand nombre de membres du personnel médical sont également infectés. Le 21 novembre, des experts du Parti communiste chinois ont admis la co-infection par plusieurs agents pathogènes respiratoires, incluant le virus du nouveau coronavirus, le virus de la grippe, le virus de la pneumonie à chlamydia, et d’autres.

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  1. 制定, zhìdìng (HSK 5) : établir, formuler
  2. 房企, fáng qǐ: entreprises immobilières
  3. 白名单, bái míngdān : liste blanche
  4. 引导, yǐndǎo (HSK 6) : guider
  5. 融资, róngzī: financement
  6. 允许, yǔnxǔ (HSK 4) : permettre, autoriser
  7. 提供, tígōng (HSK 4) : offrir, fournir
  8. 短期贷款, duǎnqī dàikuǎn : prêts à court terme
  9. 地产, dìchǎn : secteur immobilier
  10. 措施, cuòshī (HSK 5) : mesure

据彭博社报道,中国监管部门拟制定50家房企白名单”,引导银行为其融资并首次允许银行提供无抵押短期贷款。据中国房地产报报道,这份“白名单”主要由金融机构筛选。如果这些救市措施出台,或将是中国迄今最有力的救市尝试。

Jù péngbóshè bàodào, zhōngguó jiānguǎn bùmén nǐ zhìdìng 50 jiā fáng qǐ “bái míngdān”, yǐndǎo yínháng wéi qíróngzī bìng shǒucì yǔnxǔ yínháng tígōng wú dǐyā duǎnqí dàikuǎn. Jù zhōngguó fángdìchǎn bào bàodào, zhè fèn “bái míngdān” zhǔyào yóu jīnróng jīgòu shāixuǎn. Rúguǒ zhèxiē jiùshì cuòshī chūtái, huò jiāng shì zhōngguó qìjīn zuì yǒulì de jiùshì chángshì.

Selon un rapport de Bloomberg, les autorités de régulation chinoises envisagent d’établir une « liste blanche » de 50 entreprises immobilières, pour guider les banques dans leur financement et leur permettre pour la première fois d’accorder des prêts à court terme non garantis. Selon China Real Estate News, cette « liste blanche » sera principalement sélectionnée par des institutions financières. Si ces mesures de sauvetage sont mises en œuvre, elles pourraient constituer la tentative la plus puissante de la Chine pour sauver le marché jusqu’à présent.

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  1. 万事达, Wànshìdá: Mastercard
  2. 成立, chénglì (HSK 5) : créer, fonder
  3. 合资, hézī : joint-venture
  4. 运营, yùnyíng : exploiter, opérer
  5. 银行卡, yínhángkǎ: carte bancaire
  6. 清算机构, qīngsuàn jīgòu : organisme de compensation
  7. 批准, pīzhǔn (HSK 5) : approuver
  8. 实际, shíjì (HSK 4) : réalité
  9. 允许, yǔnxǔ (HSK 4) : permettre, autoriser
  10. 品牌 , pǐnpái : marque, marque de fabrique

中国央行周日(2023年11月19日)表示,万事达卡与拥有政府背景的网联清算有限公司(NetsUnion Clearing)成立合资公司可以开始在中国运营银行卡清算机构。这一批准实际允许国内银行发行“万事达”品牌的人民币银行卡。万事达卡是第二家进入中国市场的外国支付网络运营商。2020年6月,在中美双方达成贸易协议,美国运通(American Express)成立的一家合资企业获得了类似许可。

Zhōngguó yāngháng zhōu rì (2023 nián 11 yuè 19 rì) biǎoshì, wànshìdá kǎ yǔ yǒngyǒu zhèngfǔ bèijǐng de wǎng lián qīngsuàn yǒuxiàn gōngsī (NetsUnion Clearing) chénglì de hézī gōngsī kěyǐ kāishǐ zài zhōngguó yùnyíng yínháng kǎ qīngsuàn jīgòu. Zhè yī pīzhǔn shíjì shang yǔnxǔ guónèi yínháng fāxíng “wànshìdá” pǐnpái de rénmínbì yínháng kǎ. Wànshìdá kǎ shì dì èr jiā jìnrù zhōngguó shìchǎng de wàiguó zhīfù wǎngluò yùnyíng shāng.2020 Nián 6 yuè, zài zhōng měi shuāngfāng dáchéng màoyì xiéyì, měiguó yùntōng (American Express) chénglì de yījiā hézī qǐyè huòdéle lèisì xǔkě.

La banque centrale de Chine a annoncé le dimanche 19 novembre 2023 que la coentreprise formée par Mastercard et la société de compensation gouvernementale NetsUnion Clearing peut désormais commencer à opérer en Chine en tant qu’organisme de compensation pour les cartes bancaires. Cette approbation permet effectivement aux banques nationales d’émettre des cartes bancaires en yuan sous la marque « Mastercard ». Mastercard est le deuxième réseau de paiement étranger à entrer sur le marché chinois. En juin 2020, une coentreprise créée par American Express, avait obtenu une licence similaire suite à un accord commercial entre la Chine et les États-Unis.


Petit Peuple : Pékin – Meng Duanmu : la terreur et la superstition
Pékin – Meng Duanmu : la terreur et la superstition

A 57 ans, Meng Duanmu (pseudonyme), fils du sérail, s’était fort enrichi dans sa fonction de général de l’Armée Populaire de Libération. Sous le soleil, il possédait des dizaines d’appartements de standing à travers le pays, ainsi qu’un palais dans son village natal, copie miniature de la Cité Interdite.

Or un beau jour, sa fortune s’inversa – le clan qui le protégeait perdit ses appuis et devint vulnérable. Suite à quoi, il ne fallut que 3 mois pour voir les inspecteurs débarquer au manoir.

De sa caverne d’Ali Baba, ils chargèrent 4 camions pleins de bidules hétéroclites mais toujours hors de prix : diaphanes vases « coquille d’œuf » de Jingdezhen, objets inélégants mais d’or massif pesant au bas mot quelques kilos (une vasque, un navire, un buste du grand Timonier), « bi » géants (disques cosmogoniques) en jade blanc d’époque Han…

Parmi ce luxe extravagant figurait un objet simple et austère, coffre en bois rouge foncé, vide… Les limiers déconcertés s’interrogèrent du regard, jusqu’à ce que l’un, plus fin que les autres, éclate de rire !C’était du « táomù » 桃木, acajou qui en chinois se prononce comme « 逃目 », « échapper au regard ». En cachant cette boite parmi ses trésors, Meng avait prié les Dieux de lui épargner un coup du sort !

A Pékin, d’autres enquêteurs fouillant son bureau, eurent la surprise de découvrir trônant sur la table, une grosse pierre, manifestement sans la moindre valeur. Le secrétaire de Meng leur révéla qu’un magicien le lui avait cédé à prix faramineux, en raison de ses vertus prétendument miraculeuses. Tant qu’elle resterait sur son bureau, elle le tiendrait à l’abri des griffes de la justice, civile ou militaire…

Hélas pour ce naïf général, quand la déveine arrive, elle s’incruste ! Une fourmilière de comptables vint éplucher ses comptes, et ne mit pas longtemps à déceler un trou de 10 millions de ¥ !

Meng dut alors avouer qu’il avait voulu offrir une nouvelle sépulture à ses parents. Le pactole avait été partagé entre le marbrier, le doreur, le sculpteur… Une troupe de moines taoïstes avait aussi touché sa part pour accompagner les ossements, à coups de gongs et cymbales, de pleurs spectaculaires, de mantras et génuflexions, pour une mémorable cérémonie funéraire.

Mais l’essentiel était tombé dans la bourse d’un devin, autoproclamé « le Sage du Xinjiang », payé pour détecter le site au meilleur « fengshui » (风水), source méridienne de bonnes ondes, pour que reprenne le repos des parents, à l’issue du dérangement.

Il est légitime de s’interroger sur la motivation réelle du général : la piété filiale ou l’espoir d’acheter à ses aïeux une protection contre les démons ? Toujours est-il qu’elle lui valut un nouveau chef d’inculpation, pour « comportement féodal et superstition ».

Que Meng soit poussé par l’avidité à s’enrichir, on pouvait le comprendre. Mais pourquoi mêler à cela des sornettes de grand-mère, que même les jeunes ne gobent plus depuis longtemps ? Un chercheur universitaire s’est penché sur la question, et sa réponse vaut qu’on s’y arrête.

Durant toute sa carrière, le soldat gourmand avait dû subir 24h sur 24h le risque de la délation. Plus il montait en grade, plus il amassait des biens, et plus il vivait dans l’effroi du châtiment, faute de pouvoir deviner d’où viendrait la dénonciation : de collègues jaloux, de journalistes, de rivaux du clan d’en face, de sa propre femme (chaque fois qu’elle lui découvrait une nouvelle amante) ?

Meng était le lièvre à découvert dans la pinède, avec les collets tendus de tous côtés, prêts à happer ses membres à tout moment. Une telle menace empoisonnait tous ses plaisirs. Cette réalité était si effrayante qu’il préférait se réfugier dans un autre monde, celui des magiciens qui lui procuraient réconfort et sommeil profond.

L’explication était honnête. Mais pourquoi, quelques jours après le passage des agents du Parti, dans son parc déjà déserté des jardiniers, n’entendait-on pas, à l’aube, le général Meng sanglotant dans le gazon en balbutiant : « Seigneur Bouddha, et vous Père, Mère, pourquoi ne voulez-vous point m’accorder votre grâce » ?

Cette fois, l’incantation ne se référait plus à la terreur d’être dénoncé, mais bien à celle d’apparaître dans l’au-delà vêtu des nippes honteuses et souillées par sa débauche. C’était le combat avec l’ange, le besoin éperdu d’obtenir pour ses péchés, le pardon « des Dieux et des hommes en colère » (神人共愤, shén rén gòng fèn).

Planqués dans leur buisson, les limiers ne purent que prendre acte de la ferveur religieuse stupéfiante mais indiscutable de ce très haut serviteur de la nation. Bientôt, cette scène figurerait en pièce à conviction dans son dossier, et dernier clou planté dans le cercueil de sa carrière. 

NDLR: Notre rubrique « Petit Peuple » dont fait partie cet article raconte l’histoire d’une ou d’un Chinois(e) au parcours de vie hors du commun, inspirée de faits rééls. Ce « Petit Peuple » a été publié pour la première fois le 25 septembre 2014 dans le Vent de la Chine – Numéro 32 (2014)

 


Rendez-vous : Semaines du 27 novembre 2023 au 7 janvier 2024
Semaines du 27 novembre 2023 au 7 janvier 2024

29 novembre – 1er décembre, Shanghai : MTM, Salon international consacré aux technologies des tubes et tuyaux

5 – 7 décembre, Canton : PharmChina, Salon international de l’industrie pharmaceutique et de la santé

5 – 7 décembre, Canton : NFBE – Natural Food And Beverage Expo, Salon international des aliments naturels et des boissons santé

5 – 8 décembre, Shanghai : Labelexpo Asia, Salon international de l’industrie de l’impression et de l’emballage

5 – 8 décembre, Shanghai : Marintec, Salon international et conférence sur l’industrie maritime

17 – 19 décembre, Shanghai : China Wedding Expo, Salon du mariage

17 – 19 décembre, Shanghai : Photo & Imaging, Salon chinois de la photo et de l’image numériques