Editorial : Les pieds dans le sable de Beidaihe

Comme chaque mois d’août (3-13 août), le conclave balnéaire de Beidaihe à 300km de Pékin, réunit les plus hauts dirigeants du pays, anciens leaders ainsi que 58 universitaires, conviés pour préparer la ligne politique des douze prochains mois. Instauré par Mao, certains soupçonnent que ce rendez-vous soit aujourd’hui en perte de vitesse pour une raison majeure : Xi Jinping ayant accédé en 2016 au statut de « cœur du Parti », il peut décider de se passer de consensus dans ses choix de gouvernance. Toutefois, cette réunion constitue une occasion idéale pour le « leader du Peuple » de renforcer sa base de soutien et ajuster ses politiques.

Ce fut d’ailleurs à Beidaihe que le Bureau Politique se mit d’accord pour tenir le 4ème Plenum en octobre prochain, ayant pour thème la gouvernance du Parti. Une annonce qui se faisait mystérieusement attendre depuis février 2018. Le Plenum se déroulera alors que « le pays traverse une période de grands chambardements, inédits depuis 100 ans », une allusion aux relations qui se détériorent avec les Etats-Unis, mais aussi à la crise qui secoue Hong Kong depuis trois mois.

A ce sujet, il y eut consensus pour la qualifier de « révolution de couleur ». Mais la question au coeur de tous les débats était de faire intervenir ou non l’armée (APL), sur le qui-vive depuis des semaines. Si elle devait s’y résoudre, la Chine sait qu’elle le paierait au prix fort en termes d’image et de confiance face au monde. En pleine guerre commerciale avec les Etats-Unis, et alors que Trump met sur la table le dossier de Hong Kong comme un des facteurs pouvant aider à la résolution du conflit, occuper l’île endommagerait sans doute pour des années toute relation avec l’Occident… Et cela effacerait tout espoir de convaincre Taïwan de retourner dans le giron de la Chine, sous le principe d’« un pays, deux systèmes » appliqué à la RAS. Voilà ce qui retient Pékin.

On ne voit guère plus de chaleur dans les relations qu’entretient la Chine avec d’autres pays, dont la France, avec laquelle la relation n’est plus au beau fixe. Dernier incident en date : Paris octroyait en mai l’asile politique à Grace Meng, l’épouse du Président d’Interpol emprisonné en Chine pour corruption. Du coup, Pékin décidait de rompre toute coopération entre les deux polices – une collaboration pourtant profitant à la Chine, lui permettant de suivre en France la trace des « cadres nus », en fuite avec une fortune détournée de l’Etat chinois… La venue en Chine d’Emmanuel Macron en novembre dégèlera peut-être la situation. Une chose est sûre : la relance des relations sino-mondiales dépendra en premier lieu de la capacité de la Chine au compromis et à se tirer de sa confortable impassibilité.

Pour finir sur une note plus guillerette, l’agenda des festivités du 1er octobre était finalement dévoilé le 29 août. Le jour du 70ème anniversaire de la fondation de la République Populaire de Chine, Xi Jinping donnera un discours, puis distribuera des décorations de la République, des médailles de l’Amitié aux partenaires étrangers, ainsi que d’autres distinctions honorant des parcours exemplaires. Il sera suivi d’une parade militaire qui promet d’être encore plus spectaculaire que celle de 2015, célébrant le 70ème anniversaire de la fin de la seconde Guerre mondiale et de la victoire sur le Japon. L’APL y dévoilera ses dernières armes, parmi les plus sophistiquées. Le soir, spectacle et feux d’artifices prendront place à Tian’anmen. Et à l’inverse d’il y a quatre ans, le public devrait y être convié. Cette date est d’une importance capitale pour le régime, qui a déjà accru le niveau de sécurité et de contrôles à travers le pays pour éviter tout débordement. A Pékin, les chiens sont déjà appelés à rentrer à la niche !

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