Editorial : Xi Jinping, vainqueur fragile

Au sein du PCC, après 4 jours de débats (du 24 au 27 octobre), durant le 6ème Plenum du Comité Central (XVIII. Congrès), 348 membres et suppléants offraient au Président Xi Jinping le titre de « noyau central » du Parti (核心,héxīn). Ce titre inventé dans les années ’80 par Deng Xiaoping, avait été décerné à Mao (rétrospectivement), à lui-même et à son successeur Jiang Zemin, leur conférant ainsi un pouvoir absolu. Manquant de charisme, Hu Jintao n’avait pas su obtenir cette dignité. 

Xi, qui a remis au goût du jour bon nombre de slogans et idées de Mao, y voit plus encore : une nouvelle « Longue marche » inspirée de celle des années ’30, non physique mais morale. Tout membre du Parti devant désormais éviter « de lui-même » la corruption et s’imposer une loyauté aveugle – à Xi.

La promotion du n°1 était préparée de longue date. Depuis des mois, les hauts cadres étaient appelés à prononcer un serment d’allégeance—une vingtaine de Secrétaires provinciaux l’avaient déjà fait. Avant le début du Plenum, le 18 octobre, le Quotidien du Peuple martelait encore que le Parti avait besoin d’un « noyau central », et que Xi était l’homme de la tâche. Xi lui-même réitérait la demande le 24 octobre à la TV : « en notre Longue Marche, nous devons renforcer le leadership du Parti et conserver une discipline très stricte ».

Néanmoins, au Comité Permanent, les six collègues de Xi s’étaient gardés d’approuver la promotion requise. Ailleurs aussi, dans l’ombre, bien des cadres hésitaient à sauter ce pas, et pas que pour des raisons d’opposition au n°1. Le projet de Xi risquait de briser 40 ans de compromis au sein du Parti, contre le retour au culte de la personnalité de Mao, qui avait mis en danger le communisme en Chine. Si Xi Jinping, « noyau central », décidait de promouvoir un allié comme Wang Qishan au-delà des 68 ans de l’âge limite, comment empêcher ses ennemis d’exiger le même privilège ? Qu’est-ce qui empêcherait Xi de garder en main les rênes jusqu’en 2027, en trois quinquennats au lieu des deux de la norme ; de mettre en accusation Jiang Zemin et son lieutenant Zhang Dejiang (membre du Comité Permanent) ; d’évincer les dauphins de son prédécesseur Hu Jintao, à qui il avait notoirement promis en 2012 de céder sa succession ? D’un régime corrompu mais collégial, Xi proposait de passer à un « régime présidentiel – autoritaire », à la loi d’un seul homme…

Formellement, comme attendu, le Plenum a accouché de deux règlements de discipline des cadres, au ton très dur. Selon le mot-même de Xi, ils visent de mettre tous ces apparatchiks « dans une cage où ils ne puissent pas même rêver de se laisser corrompre », et de mettre un terme aux impressionnants cas d’accumulation illégale de biens, d’extravagances, de formalisme administratif et de vie dissolue. Les membres du Parti doivent « s’unir étroitement autour du leadership, avec le camarade Xi Jinping à son cœur », et « bâtir ensemble un environnement politique propre et vertueux ».

Pourtant, le communiqué final ne souffle mot du projet « rayon de soleil » évoqué avant le Plenum, qui prétendait soumettre tous les membres du Comité Central à l’obligation de publier leurs avoirs et privilèges, immobiliers ou boursiers, y compris ceux à l’étranger, y compris au nom de leurs proches, et les études de leurs enfants dans de très chères universités occidentales. Cette absence du « rayon de soleil » au communiqué final suggère en filigrane, une opposition bien plus grande qu’elle n’y parait de prime abord. Selon Zhang Lifan, commentateur politique : « Xi est seul, sur une scène branlante. Bien des gens, au sein du Parti, lui en veulent. Maintenant qu’il est devenu  le « noyau central », il a plus de responsabilités – si l’économie et le climat social continuent à se déliter, il lui en sera tenu rigueur ». 

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