Politique : Du redressement dans l’air

À quatre mois du XIX Congrès d’octobre, l’effort public de contrôle de la pensée se durcit, dans un style idéologique plus connu depuis 40 ans. Le 30 juin,  la China Netcasting Services Association (rassemblant 600 producteurs de l’audiovisuel) édicta des lignes directrices à tout contenu destiné à être diffusé sur internet, court-métrage, documentaire, dessin animé… Sans force de loi (faute d’avoir été votées) les normes imposent un pré-visionnage par au moins deux auditeurs à ces créations, pour en évaluer la qualité politique, morale, esthétique. Est banni (entre autres) tout « comportement sexuel déviant » – inceste, baiser suggestif, et surtout homosexualité, qui bénéficiait depuis 15 ans d’une tolérance étatique. En outre, le 27 juin, la SAPPRFT, tutelle de l’audiovisuel, instaurait un système de notation des plateformes littéraires, selon leur conformité aux slogans politiques. Puis du 1er juillet jusqu’au XIXe Congrès d’octobre, tout cinéma doit diffuser avant le film un clip idéologique de 4 minutes, brodant autour du « Rêve de Chine » (cf photo). Consigne officielle : « racontez bien l’histoire de la Chine, diffusez les valeurs chinoises modernes, consolidez la puissance de la Chine ».

C’est ainsi que la censure, hier limitée au contrôle politique et de l’actualité, s’étend aujourd’hui à tous les domaines de la culture web, visant ainsi ouvertement la jeunesse, au-delà des libres penseurs. Depuis mai, 291 plateformes de streaming ou de potins de célébrités, suivies par des millions d’internautes, furent contraintes à fermer. 10.000 journalistes furent mis à pied. « Tout cela signifie un retour à l’idéologie, afin de combattre la perte de l’esprit révolutionnaire », selon Qiao Mu, intellectuel pékinois. Pourtant, croient les producteurs culturels, une telle censure risque de s’avérer inapplicable, faute de surveillants en nombre suffisant pour cette montagne d’images, surtout face aux émissions live, impossibles à prévisionner. Le but réel visé, craignent les artistes, serait de favoriser une progression insidieuse de l’autocensure. 
A Chengdu (Sichuan), la plateforme « nuage rouge malin » (智慧红云) va bientôt préparer, pour tout fonctionnaire, une note morale à partir de données sur sa régularité aux réunions, ses diplômes, son état-civil (ses mœurs conjugales), son patrimoine (pour la corruption), et ses commentaires en ligne (délation). On assiste donc à un effort historique de reprise en main. Reste à démontrer sa capacité à s’imposer dans la durée, son efficacité et son acceptabilité. Tant il est vrai qu’en Chine comme ailleurs, on n’impose pas le civisme par l’ennui, ni la loyauté par la contrainte.

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