Agriculture : Le retour d’un riz impérial

C’est l’histoire d’un riz disparu et retrouvé. A l’époque Ming au XVII. siècle, le roitelet de Mangshi (Yunnan) s’en alla à Pékin, comme tous les vassaux, faire acte d’allégeance à l’empereur. Avec lui, il apportait quelques sacs d’un riz rare, dit « haomu », qu’il offrit au souverain. Le résultat dépassa toutes ses espérances ! S’étant délecté, le souverain le rebaptisa « Gongmi » (贡米 ou riz du tribut), et en commanda 500kg en guise de tribut annuel, l’affranchissant ainsi d’un paiement en espèces sonnantes et trébuchantes ! 

Trois siècles plus tard, la fortune du Gongmi changea durant la révolution culturelle. Il faillit disparaître : Pékin privilégiait le volume sur la qualité, et rejetait cette graminée au cycle lent (180 jours), ne permettant qu’une récolte par an.

Il fut sauvé au début des années 90 par la firme agronomique locale Zhefang. Après une recherche génétique pour booster ses performances, à 7,2 tonnes à l’hectare, son patron Shen Jiabi voulut  le recultiver. Du fait de sa croissance lente, le Gongmi concentre les arômes du terroir, et garde une fermeté inimitable.

Pour promouvoir le Gongmi, Zhefang offre aux cultivateurs semences et engrais, à condition qu’ils lui livrent leur récolte. De la sorte, la vallée proche de Mangshi cultive 13.000 hectares de Gongmi, dont une fraction en qualité « bio », sans pesticides (remplacés par des insecticides électriques, alimentés par panneaux solaires). Rien ne se perd : une fois le riz décortiqué, le son passe dans l’aliment d’élevage porcin (très recherché pour sa chair ferme), dont les déjections finissent en engrais naturel dans la rizière. Enfin le grain écarté pour cause de qualité insuffisante, va à la distillation en un alcool localement renommé.

Quinze ans plus tard, le riz de l’empereur a restauré sa gloire d’antan, et Zhefang prospéré par son coup de génie. Classé parmi les 10 meilleurs riz du pays, il se vend jusqu’à 1000 yuans du kg pour les meilleures variétés, et son prix plancher atteint le double du marché, soit 16 yuans le kilo pour les sous-espèces – double du cours normal. Cette  culture locale s’avère un puissant outil de lutte contre la pauvreté, assurant 3000 à 5000 yuans de revenu annuel à 140.000 petits paysans, pour la plupart d’ethnies Dai ou Jingpo. De ce fait, Zhefang été désignée une des 16 meilleures firmes agronomiques du pays.

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