Société : « Au service du Parti… et de vos repas » 

« Au service du Parti… et de vos repas » 

Chaud devant ! Dans une directive publiée sur son compte WeChat le 11 juin, l’Administration de la réglementation des marchés (SAMR) a appelé certains livreurs de repas à domicile (les incontournables « waimai ») à faire preuve « d’un grand sens des responsabilités » en se portant volontaire pour devenir des « superviseurs sociaux à temps partiel » et ainsi « contribuer à la gouvernance locale ».

Leur mission consisterait à rapporter en images et en temps réel tout problème de sécurité alimentaire (ou autre) rencontré dans le cadre de leur travail quotidien. En échange de leur loyauté au Parti, les comités de quartier et les commerçants mettront à leur disposition des salles de repos climatisées et des cantines où ils pourront se restaurer mais aussi recharger leur téléphone, voire accéder à des soins.

Le même document souligne la nécessité pour tous les livreurs « d’être reconnaissants envers le Parti, de l’écouter et de suivre son exemple ». Une formulation qui a fait sauter au plafond les internautes : « les livreurs sont déjà surexploités et ils doivent en plus être reconnaissants ? Y-a-t-il encore une justice dans ce monde ? », s’indigne l’un d’entre eux. « Est-ce que cela veut dire que les repas livrés par des membres du Parti seront meilleurs ? », ironise un autre. « Les prochains sur la liste seront les chauffeurs de VTC et les coursiers », prédit un troisième. « Au lieu de laver le cerveau des livreurs, vous devriez plutôt réfléchir à une manière d’améliorer leurs conditions de travail », tacle un dernier.

A travers le pays, ils seraient environ 12 millions de livreurs à travailler pour les deux leaders du secteur, l’application Meituan et son rival Ele.me – autant de « détectives » ou d’« espions » potentiels qui pourraient venir prêter main forte aux comités de quartier qui maillent déjà les villes et les campagnes. Le Parti n’est jamais trop prudent. Ainsi, la reconversion des livreurs en superviseurs n’est qu’un ajustement supplémentaire du système de maintien de la stabilité sociale du Parti, qui semble souffrir d’un sentiment d’insécurité croissant.

Le soudain intérêt porté à ces livreurs tranche avec le traitement que le gouvernement avait réservé il y a quelques années aux plateformes qui les font travailler. Aujourd’hui, alors que le ralentissement économique est plus marqué et que le taux de chômage des jeunes n’a jamais été aussi élevé, les autorités ne tarissent pas d’éloges sur leur contribution à la société, notamment en matière d’emploi.

Il n’en reste pas moins que ces travailleurs qui risquent leur vie chaque jour sur la route pour livrer au plus vite quelques plats de nouilles sous peine de voir leur maigre commission s’envoler, sont souvent mécontents de leur sort et du regard que la société porte sur eux. Un terreau qui pourrait favoriser un certain ressentiment à l’égard du gouvernement. Or, c’est bien tout trouble à la stabilité sociale que les autorités veulent éviter, gardant probablement en tête la « révolution des pages blanches » qu’elles n’avaient pas vu venir en novembre 2022.

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1 Commentaire
  1. severy

    Mouchards sociaux, une nouvelle race de citoyens.
    Elle est belle, l’imagination du Parti!

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