Editorial : Chine-USA : vers la tempête ?  

Barak Obama fut le second Président américain à fouler le sol du Vietnam  (22-25 mai), pays autrefois ennemi. Pour le tribun en fin de mandat, c’était le moment de prendre congé de l’Asie et de faire le bilan de sa politique de « pivot » dans la région. À Hanoi, Obama surprit en levant 40 ans d’embargo aux ventes d’armes – le monde s’attendait au mieux à une levée partielle. Ce faisant, il confirma doublement son talent diplomatique : (1) en démentant que ce feu vert au réarmement du Vietnam pourrait être dirigé contre la Chine – Obama se bornait à enterrer une ère d’hostilité, rien d’autre ; (2) en se gardant d’associer cette démarche à des conditions en terme de droits de l’Homme, telle la libération de la centaine de dissidents en prison – les ventes d’armes seraient fonction des petits pas démocratiques que Hanoi pourrait être amenée à faire en toute liberté. Nuance ! 
Obama s’abstint aussi de critiquer directement l’expansion chinoise en mer de Chine du Sud– il suggéra à Tokyo en marge du G7 (sommet des leaders des USA, Canada, Allemagne, France, Royaume-Uni, Japon, Italie, avec l’Union Européenne, les 26-27 mai),  que nul pays ne devait abuser de sa taille pour en malmener d’autres.

Côté chinois aussi, on fit d’abord preuve de retenue : Pékin se « félicita » de voir le Vietnam améliorer sa relation avec les Etats-Unis, et en espéra un « renforcement de la paix dans la région ». Cette tranquillité apparente se justifiait par un constat pragmatique : une alliance de défense US-Vietnam, du type de celles  avec le Japon et les Philippines, n’était pas pour demain.
Assez vite cependant, les angoisses reprirent le dessus à Pékin, qui pria la Maison Blanche de « ne pas mettre le feu à l’Asie ». Car elle le sait, le retour de l’US Navy (et d’autres flottes de guerre) à la base vietnamienne de Cam Ranh, n’est qu’une question de temps. Et la Chine le voit bien, Hanoi se met sur les rangs sans perdre un jour, pour commander des bombardiers F16, des appareils de surveillance maritimes P-3C Orion, des drones… Et le Pentagone favorise tant qu’il peut les alliances militaires transrégionales, Vietnam avec Japon, Australie, Philippines, voire Inde et Indonésie… Ces rapprochements s’accélèrent, depuis l’appropriation chinoise de sept atolls des Spratleys, transformés depuis en bases.
Espérant enrayer l’isolement du pays, Chang Wanquan, ministre de la Défense, au Sommet ASEAN + Chine, à Vientiane (Laos, 25 mai), tentait de convaincre Malaisie, Birmanie et Thaïlande d’adhérer à une coopération renforcée avec son armée (APL)

Sur le fond, cette  dernière tournée asiatique d’Obama, en sa fonction de Président, annonce un tournant proche dans les relations sino-américaines, et une série d’incertitudes à tout le moins. Qui succédera à Obama ? H. Clinton ou D. Trump ? Trump promet de taxer de 45% les importations chinoises. Hillary critique l’Accord TPP, juste conclu avec 11 pays du pourtour Pacifique – accord qui doit encore être ratifié. Ce texte très ambitieux se veut la clé de voûte de l’alliance régionale voulue par Obama face à la Chine. Or selon les analystes les plus avertis, vu les rapports de forces complexes aux USA, la seule chance pour cet accord d’être voté au Congrès, serait lors d’une session de novembre, juste après la présidentielle, et en cas d’échec, son existence même serait très compromise. Il se dit d’ailleurs qu’à Pékin, dans une telle perspective, on sous-pèserait les « chances »  pour la Chine d’une élection d’un Président Trump…
C’est ainsi que les tensions internes de la Chine et des Etats-Unis induisent des vibrations négatives entre ces puissances, une sorte de dérive des continents. Ces vents de tempête, il est vrai, sont contrebalancés par l’intérêt à l’entente – pour la stabilité, la relance économique. De ces deux dynamiques, laquelle prévaudra ? C’est l’inconnue des années qui viennent.

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1 Commentaire
  1. severy

    Ne nous y trompons pas, la mèche peut être longue, dès que l’étincelle la ronge, le dénouement ne fait pas de doute.

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