Le Vent de la Chine Numéro 20 (2016)
Barak Obama fut le second Président américain à fouler le sol du Vietnam (22-25 mai), pays autrefois ennemi. Pour le tribun en fin de mandat, c’était le moment de prendre congé de l’Asie et de faire le bilan de sa politique de « pivot » dans la région. À Hanoi, Obama surprit en levant 40 ans d’embargo aux ventes d’armes – le monde s’attendait au mieux à une levée partielle. Ce faisant, il confirma doublement son talent diplomatique : (1) en démentant que ce feu vert au réarmement du Vietnam pourrait être dirigé contre la Chine – Obama se bornait à enterrer une ère d’hostilité, rien d’autre ; (2) en se gardant d’associer cette démarche à des conditions en terme de droits de l’Homme, telle la libération de la centaine de dissidents en prison – les ventes d’armes seraient fonction des petits pas démocratiques que Hanoi pourrait être amenée à faire en toute liberté. Nuance !
Obama s’abstint aussi de critiquer directement l’expansion chinoise en mer de Chine du Sud– il suggéra à Tokyo en marge du G7 (sommet des leaders des USA, Canada, Allemagne, France, Royaume-Uni, Japon, Italie, avec l’Union Européenne, les 26-27 mai), que nul pays ne devait abuser de sa taille pour en malmener d’autres.
Côté chinois aussi, on fit d’abord preuve de retenue : Pékin se « félicita » de voir le Vietnam améliorer sa relation avec les Etats-Unis, et en espéra un « renforcement de la paix dans la région ». Cette tranquillité apparente se justifiait par un constat pragmatique : une alliance de défense US-Vietnam, du type de celles avec le Japon et les Philippines, n’était pas pour demain.
Assez vite cependant, les angoisses reprirent le dessus à Pékin, qui pria la Maison Blanche de « ne pas mettre le feu à l’Asie ». Car elle le sait, le retour de l’US Navy (et d’autres flottes de guerre) à la base vietnamienne de Cam Ranh, n’est qu’une question de temps. Et la Chine le voit bien, Hanoi se met sur les rangs sans perdre un jour, pour commander des bombardiers F16, des appareils de surveillance maritimes P-3C Orion, des drones… Et le Pentagone favorise tant qu’il peut les alliances militaires transrégionales, Vietnam avec Japon, Australie, Philippines, voire Inde et Indonésie… Ces rapprochements s’accélèrent, depuis l’appropriation chinoise de sept atolls des Spratleys, transformés depuis en bases.
Espérant enrayer l’isolement du pays, Chang Wanquan, ministre de la Défense, au Sommet ASEAN + Chine, à Vientiane (Laos, 25 mai), tentait de convaincre Malaisie, Birmanie et Thaïlande d’adhérer à une coopération renforcée avec son armée (APL)…
Sur le fond, cette dernière tournée asiatique d’Obama, en sa fonction de Président, annonce un tournant proche dans les relations sino-américaines, et une série d’incertitudes à tout le moins. Qui succédera à Obama ? H. Clinton ou D. Trump ? Trump promet de taxer de 45% les importations chinoises. Hillary critique l’Accord TPP, juste conclu avec 11 pays du pourtour Pacifique – accord qui doit encore être ratifié. Ce texte très ambitieux se veut la clé de voûte de l’alliance régionale voulue par Obama face à la Chine. Or selon les analystes les plus avertis, vu les rapports de forces complexes aux USA, la seule chance pour cet accord d’être voté au Congrès, serait lors d’une session de novembre, juste après la présidentielle, et en cas d’échec, son existence même serait très compromise. Il se dit d’ailleurs qu’à Pékin, dans une telle perspective, on sous-pèserait les « chances » pour la Chine d’une élection d’un Président Trump…
C’est ainsi que les tensions internes de la Chine et des Etats-Unis induisent des vibrations négatives entre ces puissances, une sorte de dérive des continents. Ces vents de tempête, il est vrai, sont contrebalancés par l’intérêt à l’entente – pour la stabilité, la relance économique. De ces deux dynamiques, laquelle prévaudra ? C’est l’inconnue des années qui viennent.
Depuis le lancement en 2013 de la stratégie « une ceinture, une route » (一带一路, yīdài yīlù, ou OBOR, selon l’acronyme anglais), nombre de chantiers ambitieux fleurissent hors frontières. En 2015, 4000 projets étaient signés, pour 92,5 milliards de $, 44% des contrats extérieurs. C’est un départ « sur les chapeaux de roue ». Mais certains projets laissent une impression contradictoire : vitesse fulgurante, mais aussi immobilisme face aux obstacles rencontrés – prix à payer pour la précipitation initiale.
Au Royaume-Uni, la CGN, compagnie nationale nucléaire de Chine va financer à 33,5% le complexe de réacteurs EPR à Hinkley (Somerset), le reste étant à charge d’EDF, auteur du projet. Il en coûtera 23 milliards d’€. Or la confirmation d’EDF, faisant face à d’autres échéances, se fait attendre. Au cas où EDF devait faire défaut, CGN dément vouloir poursuivre seule ce chantier : CGN s’en tiendrait à son propre projet, un réacteur Hualong-1 à Bradley (Essex). Aussi pour l’heure, la poursuite de ce projet-phare n’est pas assurée.
Au Venezuela en 2013, la ligne TGV Tinaco-Anaco, bâtie par China Railways, devait transporter 5 millions de passagers et 9,8 millions de tonnes de fret/an, moyennant 7,5 milliards de $ (pour 468km) financés par la Chine. Or le chantier est à l’abandon. La chute du cours du pétrole, 1ère ressource du pays, l’a fait capoter. Le régime d’obédience marxiste doit 50 milliards de $ à Pékin, qui jette l’éponge…
En Russie, la ligne TGV Moscou-Kazan va mieux—Chine et Russie s’efforçant d’élargir leur alliance au-delà des livraisons d’hydrocarbures. Le tronçon de 770 km coûtera 19,5 milliards de $. Les firmes chinoises ont emporté les fournitures (sauf le matériel roulant à coproduire en Russie) et se voient promettre pour 2018 le contrat de génie civil, en JV. A terme, les 7000 km de TGV devraient rejoindre le réseau chinois, suivant le tracé du Transsibérien, pour 250 milliards de $ – mais avec quel argent, et pour quels voyageurs ?
Ces mégaprojets ne sont pas seuls à subir une naissance compliquée. En Thaïlande, les palabres pour l’axe ferré Bangkok-Nong Khai (874km) achoppent depuis 2010 sur l’insistance chinoise à tout contrôler – construction, finance et gestion. Dans l’esprit des concepteurs chinois, cette ligne est moins une entité « thaïe », importante au désenclavement du Nord du pays, qu’un tronçon de « son » axe stratégique Pékin-Singapour. Mais Bangkok a tenu bon : le 9 mai, un accord est passé, selon lequel la Thaïlande garderait la maitrise financière (même si Pékin avancera tout ou partie des fonds, en échange de l’exclusivité des fournitures), et la concession (billetterie), même si l’opérateur local sera formé en Chine.
D’autres projets ont capoté, telles les lignes Mexico – Queretaro (Mexique) ou Ryad – Medina (Arabie Saoudite). D’autres peinent à convaincre, telle la ligne Madrid—Yiwu ouverte en mars, acheminant en Chine en 18 jours (13.000km) pour 2000€ par conteneur, avec en prime des spots TV gratuits à l’arrivée. Les exportateurs espagnols ont boudé l’offre : sur 39 trains arrivés à Madrid, seuls 9 sont repartis pleins. En effet, le prix est double par rapport à celui du bateau, et cette route sibérienne n’est utilisable que trois mois par an.
Tous ces soucis sont liés aux buts initiaux du plan « une ceinture, une route ». La Chine voulait d’abord trouver de nouveaux marchés pour alléger sa surproduction en matériaux de construction. Mais ce problème eût été mieux réglé en fermant des aciéries ou cimenteries. Or trois ans plus tard, la Chine ne l’a pas fait – et va devoir le faire, quelque soit le succès des projets « OBOR ».
Une autre motivation était plus abstraite et stratégique : il fallait ouvrir des routes non maritimes, hors d’atteinte d’un blocus américain. Ainsi, la rentabilité ne pouvait pas être atteinte à l’arrivée ! Tom Miller de Gavekal Dragonomics (Pékin), cite des patrons chinois de projets OBOR qui s’attendent (en privé) à des pertes jusqu’à 80% de leur investissement au Pakistan, 50% en Birmanie, 30% en Asie Centrale. Mais ce sont des fonds publics…
Autre problème : le déploiement du plan « OBOR » se fait dans le désordre. Un économiste indonésien le remarque, provinces et ministères chinois y vont de leurs projets sans coordination (contrairement au Japon, qui supervise ses projets commerciaux extérieurs depuis son ministère du Commerce, à Tokyo).
De plus, depuis l’Université des Relations Internationales (Pékin), le professeur Chu Yin dénombre parmi la masse des investissements « OBOR », une quantité de projets médiocres, qui ne seront jamais rentables et au contraire, émettent tout un champ d’ondes négatives auprès des puissances régionales (Japon, Inde, et même Russie), tout en alimentant des soupçons de néocolonialisme dans les pays d’accueil.
Dernière donnée intéressante : les financiers institutionnels chinois se mettent à attirer les crédits étrangers vers les projets OBOR : fonds de pension, assurances ou fonds souverains internationaux se voient promettre des retours de 6 à 8% à long terme. Ainsi, la CCB, seconde banque commerciale chinoise, crée avec International Enterprise, bras financier du gouvernement de Singapour, un fonds « spécial OBOR » de 30 milliards de $. De tels projets peuvent devenir une manne pour l’étranger, combinant profitabilité et garantie d’Etat. Pour la Chine, on peut y deviner trois considérations : la raréfaction du crédit intérieur, le désir de protection du capital de ses banques, et l’expression de la détermination du pouvoir, à poursuivre le projet – en y associant le monde.
Depuis 2011, la Chine s’est lancée dans l’aventure du solaire. En 2015 la capacité installée est passée de 28,2 a 43,2 GW. Un bond en avant, qui lui a permis de prendre la première place mondiale avec 20% de parts de marché. Toutefois elle vise encore bien plus haut : fin décembre 2015, son Administration Nationale de l’Energie prétendait atteindre en 2016, avec ses renouvelables, 21% de son mix énergétique, signifiant l’installation supplémentaire de 15GW en solaire, et 20% en plus en éolien. Or sur le terrain, le rythme d’installation dépasse celui envisagé par le plan : fin mars 2016, déjà 7,1GW étaient installés, accusant une hausse de 52% sur 12 mois.
Un telle course à l’équipement aura bien sûr des incidences sur les progrès techniques : Gao Jifan, PDG de Trina Solar (premier producteur mondial) ose prédire 38% de baisse du coût de l’énergie photovoltaïque dès 2019, à 0,5 ¥ du kWh (contre 0,8 ¥ actuellement). Due aux économies d’échelle et à une montée en efficacité des cellules polycristallines, cette baisse permettrait au « PV » (secteur du photovoltaïque) de concurrencer l’électricité générée par le charbon. Canadian Solar présente une prédiction presque équivalente, avec une parité concurrentielle en 2025.
Cependant, ce marché encore tout nouveau et mal maîtrisé, aux performances tout sauf prévisibles, provoque à travers le pays des mouvements en dents de scie chez les producteurs, qui montent, puis chutent en des temps très courts : Hanergy ou Yingli, hier parmi le top 5 mondial du PV, sont en faillite, ou quasi.
De même, cette arrivée massive de « nouveaux joueurs », qui viennent concurrencer les énergies traditionnelles, provoque des problèmes en terme d’exploitation et de rendement.
Le déploiement du solaire en fanfare depuis 2012, a été dû à la promesse de primes d’installation et de rendement. Le capital local, soutenu par le gouvernement régional, commande le matériel et l’installe au plus pressé, pour « occuper le terrain », puis vendre son courant à taux préférentiel, une fois raccordé au réseau de la State Grid (SGCC, au Nord) ou de Southern Power Grid (au Sud).
Mais très vite, une telle organisation rencontre un problème d’exploitation : l’électricité solaire se trouve surtout au Nord et à l’Ouest, régions aussi grosses productrices de charbon. Un réseau à Très Haute Tension a été bâti depuis 10 ans, rattrapant en taille le réseau de toute l’Europe et acheminant le courant de l’Ouest vers la clientèle de la côte. Mais il n’est pas dimensionné pour supporter ces flux issus de la production solaire qui viennent se superposer aux flux issus des centrales classiques. State Grid arbitre donc parfois en défaveur du PV : à la fois pour garantir la survie (ou le « recul en bon ordre ») des centrales thermiques, qui sont de gros centres d’emploi, et qui produisent une énergie à 100% prévisible, contrairement aux renouvelables qui sont aléatoires et dits « intermittents ». Ceci explique l’étrange performance nationale du solaire au 1er trimestre : 11,8 TWh (térawat-heure) ont été produits, soit +48% sur 12 mois. Mais sur cette capacité, 1,9 TWh ont été « écrêtés » c’est-à-dire abandonnés, dans les régions les plus ensoleillées et lointaines : le Xinjiang a perdu 760 GWh soit 52% de sa production, et le Gansu a perdu 840 GWh soit 39%.
L’écrêtement est une cause de faible rendement. Mais elle n’est pas la seule. Une autre raison est la capacité gestionnaire encore faible. Partout au monde, le solaire a un « facteur de charge » (FdC, c’est à dire rendement) de 10 à 20%, à comparer avec un bilan de 60% pour l’hydroélectricité et 75% au nucléaire (en France). Mais le parc PV chinois en 2015 n’atteint qu’un FdC de 7 à 11%, c’est-à-dire le tiers du rendement atteint aux Etats Unis dès 2012 (24,6%). La Chine est même dépassée par l’Allemagne (11%), en dépit d’un ensoleillement allemand considérablement plus bas…
Toutefois, par son réseau à Très Haute Tension, la Chine s’est dotée d’un plan cohérent pour l’avenir, rassembler et mixer l’hydraulique du Sud-Ouest du pays, avec le solaire et l’éolien du Nord-Ouest, pour desservir la région côtière de l’Est – le tout sur un territoire double de l’Europe.
Inspiré de l’Europe, c’est un système de « mutualisation », et la Chine voit à très long terme : en octobre 2015 devant un comité de l’ONU, le Président de la State Grid proposait aux pays des cinq continents de créer une « Global Energy Interconnection », maillage planétaire de lignes à ultra-haut voltage qui convoierait l’électricité de parcs d’éoliennes fonctionnant sur les cercles polaires (régions aux plus forts vents), aux fermes photovoltaïques installées dans les déserts tropicaux. Cette énergie mutualisée serait redistribuée en continu vers les zones urbanisées et favoriserait l’électrification des usages (véhicules électriques, chauffage, cuisson…)
Des problèmes évidents apparaissent dans ce projet utopique : il suppose la fin des tensions politiques (rivalités Chine-USA-Russie) et du terrorisme, grand (Daech) ou petit (Birmanie). Il doit donc promettre de desservir aussi les régions pour l’instant insolvables telle l’Afrique, ce qui équivaut à un tonneau sans fond pour les financiers. Même sans ce handicap, ce système voit son coût d’installation évalué à 50.000 milliards de $. Un montant qu’aucun pays ni continent ne peut assumer seul, même la Chine—à moins qu’un tel système ne devienne, d’ici quelques décennies, la condition sine qua non à la survie de la Terre, face aux menaces de pollution et de réchauffement global. Une solution qui serait alors signée « Chine » !
En juillet 2007, la CFDA, Agence des Produits Alimentaires et Médicamenteux, voyait son Président Zheng Xiaoyu, exécuté pour avoir autorisé de faux antibiotiques ayant causé des dizaines de décès. Remodelée depuis, la CFDA se montre très active : en 2016, elle crée des centaines de normes médicales, rédige une loi de sécurité alimentaire, teste des centaines de produits, négocie pour casser les prix des molécules chères contre des fléaux médicaux tels diabète, hépatite ou cancer. Elle promeut aussi l’apparition de produits génériques de bonne qualité.
L’enjeu est énorme, le marché chinois étant n°2 mondial. En 2015, la demande chinoise en médicaments pesait 115 milliards de $ – un montant qui pourrait passer à 315 milliards dès 2020. À l’export, le pays vendait pour 25 milliards de ¥ – il en livrera pour 44 milliards en 2020 –à condition que la CFDA puisse suivre le rythme. Selon Bi Jingquan, patron de l’agence, « la compétitivité pharmaceutique d’un pays dépend de sa capacité à tester et approuver les médicaments ». Or la CFDA ne dispose que de 130 contrôleurs, alors que la FDA américaine en déploie 5000. Car il s’agit d’un savoir-faire inédit en Chine, intégrant à la fois les métiers du pharmacien, du juriste et du policier— une formation qui peut prendre plus de 10 ans. Aussi, la CFDA estime à 500 maximum le nombre de tels experts en Chine.
Paradoxalement, le problème de ressources humaines de la CFDA prend sa source dans son propre succès : en densifiant son appareil de normes et règlements, elle force tous les acteurs du secteur à également employer de tels experts pour suivre la loi. Aussi, laboratoires, consultants et financiers recrutent à tour de bras, avec des arguments financiers autrement plus alléchants que ceux de l’Etat ! Pour un cadre supérieur, calcule Reuters, la CFDA débourse 120.000¥ par an, or le privé offre jusqu’à 10 fois cette somme. De ce fait, déplore Bi, de 2014 à 2016, un tiers de ses agents a été débauché.
Ces départs massifs inquiètent. Ils compromettent les ambitions de la CFDA : de recadrer et assainir les pratiques de ses 20 multinationales, de ses 6000 PME locales, et ainsi forcer ces dernières à investir massivement dans la R&D, sous peine de disparaître.
En résumé, selon Sophie Cairns, analyste, « face à l’attente en soins et remèdes, la CFDA ne parvient pas à grandir assez vite ». Un retard de croissance qui se réglera par la multiplication des cursus de formation, l’amélioration des salaires et des plans de carrière chez les « flics du médicament ».
Le 19ème Salon CHITEC, consacré aux technologies de pointe, vient de fermer ses portes à Pékin. La vedette cette année était un concept, déjà présenté lors de l’édition de 2010 : le « Transit Elevated Bus » (TEB), sorte de tramway aérien, chevauchant l’artère, au-dessus du trafic routier. La taille est imposante, 8m de large par 54m de long (4 wagons), planant à 4,7m du sol dont 2,2m sous bas de caisse—permettant ainsi le passage de véhicules de moins de 2m. L’engin surplombe deux voies de circulation, sur rails latéraux. On y accède aux arrêts surélevés, par escalators. Sa vitesse maximum est de 60km/h, et sa capacité de transport de 300 passagers par wagon, soit 1200 par rame. Des caractéristiques sûrement amenées à évoluer avec les prototypes.
À propulsion électrique, il épargne par an 800 tonnes de fuel, et évite 2500 tonnes de CO2 de rejet dans l’atmosphère, selon Song Youzhou l’ingénieur en chef. Éliminant 40 bus, il doit fluidifier le trafic des décennies futures—ou plus vraisemblablement mitiger l’augmentation inéluctable du parc automobile urbain, avec 20 millions de nouveaux conducteurs attendus par an, pour la plupart en ville.
Au niveau des coûts, bonne nouvelle : un tel engin se contente d’emprunter les axes existants, et ne coûte que 16% du budget d’un métro. Il raccourcit aussi le temps de construction en épargnant le besoin de forage en sous-sol.
Restent les obstacles prévisibles, ou non, de cette technologie non testée : comment passeront les bus, mini-vans, camions ? Les ponts, périphériques et échangeurs routiers devront également être refaits. Les arbres et monuments peuvent être menacés par le passage de ces monstres roulants. Ce concept trouvera ainsi plus facilement sa place dans des villes nouvelles, où tout est à faire, en tant qu’outil d’urbanisme. Et tous les avantages liés à la propreté de l’air, dépendront de la manière dont l’électricité est produite.
Toujours est-il que le prototype en construction à Changzhou (Jiangsu) devrait être testé à partir d’août à Qinhuangdao (Hebei). On peut ainsi conclure que la Chine de demain sera de moins en moins consommatrice, et de plus en plus productrice de nouvelles technologies urbaines.
Depuis son arrivée à Pékin en 2008, Jiajia, native de Xiamen, suivait sans hésiter sa voie vers la fortune – une voie parsemée de pétales de roses, aux côtés de jeunes adultes nés une paire de baguettes en argent dans la bouche.
Avant de monter à la capitale, cette fille gracile et toujours élégante, avait étudié à Singapour, aux frais d’un père millionnaire. Et depuis son entrée à Pékin, à 25 ans, elle était dans les « affaires ».
En Chine, la finance est l’apanage d’une élite en un club exclusif entre gens bien nés, où l’on rentre coopté. Avec son charme naturel, Jiajia s’était insérée sans difficulté dans ce microcosme aux mœurs faciles. Elle y gagnait sa vie comme dans un rêve, brassant 10 projets en même temps, immobilier, soja du Brésil, porte-conteneurs… Ces contrats en millions de dollars animaient ses journées, et finançaient ses loisirs nocturnes, sorties en Ferrari ou en avion privé, à Pékin ou ailleurs, avec une ribambelle d’autres joyeux fêtards.
Dans un séminaire international en 2011, Jiajia avait rencontré Oliver, économiste européen, plutôt bel homme sur sa quarantaine. Le trouvant à son goût, elle l’avait revu, puis introduit dans son cercle privé. De longues heures ce soir-là, elle avait papillonné entre ses amis et son hôte. Tous grignotaient d’un air blasé les mets importés les plus chers du monde, homard, caviar gris de Sibérie ou huîtres de Nouvelle Zélande, tout en sirotant à la paille le Château Lafitte de 20 ans d’âge.
À minuit soudain, dans un coin d’ombre, elle avait pris la main d’Oliver, et les yeux dans les yeux, d’un ton de petite fille sage, lui avait fait valoir ceci : lasse des coureurs de jupons qui n’en voulaient qu’à son argent, elle cherchait un amant plus romantique (làngmàn, 浪漫). S’il voulait, il n’avait qu’à venir s’installer chez elle ! « Et mon emploi ? », avait objecté Oliver éberlué. « Tu n’en auras plus besoin, je te donnerai tout ce qu’il te faut », avait-elle rétorqué. « Mais… je suis marié », avait-il ajouté, croyant couper court à la proposition. « Tu n’as qu’à divorcer, ce sera sans peine : c’est moi qui paie », lui avait-elle alors dit d’un gracieux sourire, comme une évidence.
Non sans sagesse, Oliver avait décliné l’offre. Ils étaient pourtant restés en contact amical, ce qui lui permit de la retrouver en mai 2016.
Elle lui apparut plus posée et assagie, dans sa villa cossue, dans une villégiature pour expatriés et nouveaux riches hors de Pékin.
À 33 ans, elle avait gardé ses traits enfantins, un peu innocents, un peu vulnérables de poupée faite femme. Une série régulière de retouches chirurgicales avaient aidé à protéger son beau visage de toute ride.
Jiajia restait dans les affaires, active en bourse et dans l’import-export. De son agenda cependant avaient disparu les sorties en bolides et les nuits blanches en club privé. Car désormais, elle était chargée d’âme, mère célibataire, la forçant à quelques compromis face à la vie.
Le matin était réservé à son bien-être, avec des cours de yoga intensifs. Vers midi, elle sortait déjeuner en ville, rejoignant ses amies ou relations d’affaires. L’après-midi était consacrée aux rendez-vous avec les clients, aux visites d’expositions, musées, galeries d’art ou encore défilés de mode.
Matin et soir, elle voyait Xiaodou, son fils de 2 ans, quoique pour un laps de temps invariablement bref. Dès 7h30 du matin, dans sa chambre, se reproduisait le même rituel : une fois rafraichie, Jiajia sonnait la ayi n°1 pour se faire coiffer, puis se mettait en tenue. Puis vers 8h moins le quart, elle passait au salon, où l’attendaient sa mère et l’enfant, en train de prendre leur petit-déjeuner, assisté par l’ ayi n°2.
La collation durait un quart d’heure, sans cajoleries – un soin réservé à la grand-mère. Puis la « ayi-chauffeur » n°3, l’emmenait en BMW à l’école pré-maternelle. Là, avec la vingtaine d’autres élèves, Xiaodou était pris en main par une armée de puéricultrices étrangères qui les occupaient de jeux informatiques, comptines et chants en chinois et en anglais, de siestes et de dinettes. Cette école sélectionnait évidemment ses enfants par ses prix exorbitants. En leur offrant quatre ans d’avance sur « l’enfant moyen », elle les préparait à des rôles de futurs maîtres d’empires d’affaires, et leur promettait de leur enseigner les talents pour reprendre le moment venu les rênes du pays.
Un samedi après-midi, Oliver rendit visite à sa chère amie. Alors qu’on servait le thé dans le salon, le smartphone de Jiajia sonna soudain. Une expression d’alerte au visage, elle décrocha et tout de suite, changea de ton, de la femme d’affaires à succès, à une vassale pétrie de respect et d’obéissance aveugle : « oui, oui, je viens tout de suite avec Xiaodou –je serai chez toi dans une heure– le temps du trajet ».
« Il faut que j’y aille », s’excusa-t-elle, prenant brusquement congé, « le maître m’attend ». Marchant vers la berline où l’attendait la chauffeur, moteur en marche, elle expliqua qu’en prévision de ces appels, elle avait une valisette de toile toujours prête dans le coffre.
Chez Oliver, cette scène stupéfiante dynamita soudain l’aura d’autonomie et d’opulence que Jiajia s’était forgée au fil des années. Mais qui était ce « maître » ? Pourquoi vivait-elle seule sans lui ? Était-il vraiment le prince charmant ? Et cette existence qu’il lui réservait, était-ce vraiment le « bonheur tombé du ciel », (xǐ cóng tiān jiàng, 喜从天降) ?
Vous saurez le fin mot de l’histoire la semaine prochaine !
27-30 mai, Canton : CWMTE, Salon des machines de production
31 mai – 5 juin, Pékin (The Place) : Roland Garros in China
30 mai – 2 juin, Shanghai : ALTM, ILTM, Salon international des voyages de luxe
1-3 juin, Canton : Shoes & Leather Guangzhou : Salon international de l’industrie de la chaussure et du cuir
1-4 juin, Pékin : WMF, Salon des machines et accessoires pour meubles, articles de bois
6-8 juin, Canton : Wire & Cable Guangzhou, Salon international des fils et des câbles
7-13 juin, Chongqing : AUTO Chongqing, Salon international de l’industrie automobile