Alors que l’image de la Chine s’est sensiblement dégradée à l’international depuis la pandémie, la légitimité du gouvernement chinois auprès de sa population serait sortie renforcée de sa gestion de crise.

C’est ce que révèle une étude réalisée fin avril 2020 par des chercheurs chinois et canadiens auprès de 20 000 Chinois. Selon ce sondage, plus de la moitié des personnes interrogées ont affirmé avoir « davantage confiance » en leur gouvernement depuis l’épidémie, contre seulement 3,3% confessant avoir « perdu confiance ». Au total, 98% des Chinois interrogés ont déclaré faire confiance à l’État central, 95% au gouvernement provincial, et « seulement » 91% aux autorités locales.

C’est une tendance générale : moins le niveau hiérarchique est élevé, plus le niveau de confiance est bas. Il en va de même pour le niveau de satisfaction au sujet de la diffusion des informations pendant l’épidémie : 89% des sondés se déclarent satisfaits de la communication de l’État central, 77% de celle du gouvernement provincial, 74% de celles des villes, et 67% de celles des quartiers ou des villages.

Une récente affaire illustre cette confiance réduite des habitants envers les autorités qui sont pourtant les plus proches d’eux. L’incident a eu lieu au lycée 49 de Chengdu : le jour de la fête des Mères (9 mai), un élève prénommé Lin Weiqi, 16 ans, s’est jeté du toit de l’établissement. Le délai avec lequel l’école a prévenu la famille, le retard dans le visionnage des caméras de surveillance, le communiqué lapidaire de la police, l’interdiction aux parents d’entrer en contact avec les professeurs, ont conduit la mère à penser que les autorités ne lui disaient pas toute la vérité… Un manque de transparence qu’elle a dénoncé sur les réseaux sociaux. L’opinion publique s’est rapidement rangée de son côté : des dizaines de personnes se sont rassemblées devant le portail de l’école pour rendre hommage à l’adolescent et réclamer la vérité sur les circonstances de sa mort. Même les médias d’État ont appelé les autorités locales à répondre aux questionnements du public en apportant des preuves convaincantes.

Finalement, la police s’est résolue à publier le 13 mai des extraits des caméras de surveillance, démontrant le comportement suicidaire du jeune. En un retournement de situation, plusieurs internautes ont alors demandé à ce que la mère soit punie pour avoir monté l’opinion publique contre le gouvernement tandis que les personnes ayant manifesté devant le lycée sont soupçonnées d’avoir été payées par des « forces hostiles » pour déstabiliser le pays et lancer une « révolution de couleur » en Chine, « comme à Hong Kong ». La police elle, a annoncé ouvrir une enquête sur les personnes ayant propagé de « fausses rumeurs » sur l’école et les professeurs.

Si le public a réagi si vivement, c’est que cet incident a ravivé de mauvais souvenirs : ces affaires d’élèves décédés dans des circonstances douteuses ou encore le suicide suspect du secrétaire du Parti de l’université de Chengdu l’an dernier… La fâcheuse habitude des digireants locaux à dissimuler les incidents les plus graves n’aide pas à tisser un climat de confiance. La récente fuite de trois léopards du parc-safari de Hangzhou dévoilée au public 20 jours plus tard ou encore les trois semaines perdues au début de l’épidémie de la Covid-19 à Wuhan, pendant lesquelles les autorités ont tout fait pour minimiser l’ampleur de la contagion, en sont deux exemples. « Nous savions qu’ils mentaient, ils savaient que nous savions qu’ils mentaient, pourtant, ils mentent toujours », se lamente un internaute. Li Haipeng, ancien journaliste au Nanfang Zhoumo et rédacteur en chef au magazine Renwu, s’interroge : « pourquoi tous ces départements et institutions prennent-ils le risque d’être lynchés par le public au lieu de dire la vérité ? C’est parce que mentir est plus bénéfique ou profitable pour eux, leurs carrières ou leurs affaires… ». De fait, les cadres sont systématiquement évalués par leurs supérieurs sur leur capacité à maintenir la stabilité sociale. Pourtant, faire preuve d’opacité est souvent le meilleur moyen de venir la troubler…