Santé : Les nouvelles habitudes alimentaires des Chinois pèsent sur l’avenir du pays

Les nouvelles habitudes alimentaires des Chinois pèsent sur l’avenir du pays

Depuis les années 1960, la population urbaine de la Chine est passée de 16% à 65% de la population nationale en 2023 et devrait atteindre 75% à 80% en 2035, selon le SCMP. Cet exode rural très rapide, qui a vu la création d’une douzaine de mégalopoles (Shanghai, Beijing, Chongqing, Tianjin, Shenzhen, etc.) de 10 à 32 millions d’habitants, s’est accompagné d’un changement considérable des habitudes alimentaires des Chinois.

Au fil des siècles et jusque dans les années 1980, le régime alimentaire du pays était centré sur la consommation de grains (essentiellement riz et racines amylacées dans le sud, blé et millets dans le nord, ainsi que des légumineuses sèches) et de légumes, complémentés en plus petites quantités de produits animaux variés (porc, poulet, mouton, chèvre, poisson, etc.) et d’apports lipidiques limités. Ce mode d’alimentation était à l’origine d’une cuisine parmi les plus subtiles et variées de l’humanité.

Avec l’ouverture économique de la Chine par Deng Xiaoping, les consommateurs chinois sont passés en quelques années d’une alimentation avant tout végétale à une alimentation beaucoup plus omnivore où la part animale, produits laitiers inclus, est devenue quasi-quotidienne et très significative. Par suite, selon l’économiste Jean-Marc Chaumet, « la progression des disponibilités, au cours des années 1980 et surtout 1990, est entièrement due à la hausse des disponibilités en denrées d’origine animale (y compris d’origine aquatique), qui auraient été multipliées par cinq entre 1978 et 2011. Ainsi la Chine consommerait aujourd’hui deux fois plus de viande que les États-Unis, d’après le Earth Policy Institute, ce qui décuple les besoins en calories végétales qu’il faut produire ou importer ».

En conséquence, la balance commerciale de la Chine est depuis une quarantaine d’années globalement en déficit de produits alimentaires bruts, même si elle ne cesse de progresser en produits transformés du fait de la volonté du PCC d’évoluer vers un modèle mixte d’agriculture plus durable et d’exportation.

Dans le même temps, en passant d’une vie paysanne à une existence citadine avec moins de dépenses physiques, les besoins journaliers caloriques des Chinois se sont considérablement réduits et, paradoxalement, ces derniers ont remplacé ces dernières décennies les régimes alimentaires traditionnels par une alimentation de plus en plus « occidentalisée », n’hésitant pas à intégrer la « restauration rapide » dès le 8 octobre 1990 avec l’ouverture symbolique d’un premier McDonald’s à Shenzhen.

La multiplication du nombre de supermarchés, des transports en commun et le développement du parc automobile, changeant les habitudes de transport, a sans nul doute contribué à renforcer cette évolution de la nutrition.

Depuis 1997, trois catégories d’aliments ont ainsi vu leurs volumes commercialisés exploser : les produits laitiers pour 1008%, la restauration rapide et le « snacking » pour 787% et les sodas sucrés pour 1959%. Le Chinois de la classe moyenne consomme aussi désormais 63 kg de viande par an, soit six fois plus qu’en 1978.

Cet ordinaire actuel fort enrichi en matières grasses, en sucres et en protéines, est devenu courant en Chine (en un contraste saisissant avec la famine qu’elle a connu entre 1958 et 1961, faisant entre 20 et 30 millions de morts suite au mouvement du « Grand bond en avant »). Il a conduit à un taux de surcharge pondérale atteignant désormais 50% de la population urbaine des 18 ans et plus, dont 16,4% sont obèses. Plus frappant encore, ce bilan de santé impactait l’économie du pays d’environ 260 milliards de $ de traitements et autres frais de santé liés, soit 1,81% du PIB national en 2019. Au cours des quatorze dernières années, les prévalences de l’hypertension et du diabète liées à cette nouvelle alimentation se sont notablement accrues de 10,8% et de 3,4%.

Ce véritable problème de santé publique, conséquence indirecte du boom économique qu’a connu la Chine depuis 1980, avec ses conséquences sociétales et économiques, est alarmant, même si l’on sait par l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) qu’il existe une « pandémie » du surpoids à travers le monde.

Selon l’OMS, le développement de ce syndrome pourrait coûter à la Chine 3,06% de son PIB en 2030. Avec une population vieillissante, conséquence de quatre décennies de politique de l’enfant unique, le poids sociétal de ce problème de santé ne saurait manquer de toucher la population active du pays d’ici cette date et pourrait impacter encore plus gravement le PIB chinois. De quoi tirer la sonnette d’alarme à Zhongnanhai !

Par Alain Bonjean

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