Petit Peuple : Changsha – la jalousie de Zhang Ying (2ème partie)

Le couple Zhang Ying/Feng Mei bat de l’aile – Feng a quitté le foyer. Mais l’annonce d’un bébé peut tout changer. Elle décide donc de revenir à la maison ! 

 Après les  années orageuses, on eût pu s’attendre que l’arrivée d’un enfant assagisse le jeune couple. Il n’en fut rien : à peine Feng Mei de retour à la maison en novembre 2015, chez son mari et ses beaux-parents, les disputes reprirent de plus belle, sur toute question, même la plus futile. Comme pour la punir de sa fuite du foyer, la belle-mère menait la danse. Au nom de la santé du futur héritier, Feng était sommée chaque jour de faire la sieste, de renoncer aux sorties, aux visites des copines (« qui la fatiguaient »), de cesser de grignoter les arachides à la badiane ou les graines de potiron dont elle raffolait. Plus grave, Zhang Ying et sa mère lui faisaient la guerre pour qu’elle cesse son travail, et renonce à son lien au monde, à son salaire. Chaque jour un peu plus, Feng Mei se sentait bâillonnée, dépossédée d’avance de cet enfant qu’elle portait. Suite à la énième séance de critique oiseuse et malveillante, n’y tenant plus, elle prit ses cliques et ses claques, pour rentrer chez ses parents, enceinte jusqu’aux dents.

Zhang Ying le mari esseulé restait déstabilisé, entre fureur et perplexité, incapable de comprendre dans cette évolution qu’il ne maitrisait pas, sa propre responsabilité. Car rien ne serait arrivé, s’il avait osé tenir tête à sa mère pour protéger son épouse. Une fois Feng partie, la mère n’arrangea rien, en lui reprochant de n’avoir su tenir son épouse sous contrôle, par manque de virilité mâle… Pour éviter ces humiliations, au sortir du travail le soir, il fuyait à son tour le foyer. Presque chaque nuit, il se consolait dans les KTV, poussant la chansonnette avec les copains, ou des filles de rencontre.

En février 2016 Zhang Ying commença à ressentir des douleurs pelviennes. Après examen, l’urologue lui apprit qu’il souffrait d’une infection de la prostate. Elle lui faisait risquer la stérilité. A l’annonce de cette nouvelle désagréable, il réfléchit et en tira la conclusion que Feng était forcément coupable. Elle l’avait sans doute trompé avec un autre homme, qui la lui avait repassée. De toute manière, Feng était quand même la responsable, puisqu’elle l’avait abandonné…

Alors qu’il était dans sa chambre à l’hôpital, ressassant ces pensées moroses, Feng l’appela depuis la maternité pour lui apprendre la nouvelle, la seule qui puisse encore sauver leur couple : depuis quelques heures, il était père d’un garçon en parfaite santé !  Mais la bonne nouvelle arrivait trop tard : avec sa mère, Zhang Ying avait déjà décidé que l’enfant n’était pas de lui. À Feng qui lui demandait d’aller au bureau d’Etat civil pour reconnaître leur fils, il déclina sèchement : il n’avait « aucun moyen de  reconnaître l’enfant illégitime » (无发认领, wúfā rènlǐng). Et vu les circonstances, elle comprendrait bien qu’il ne puisse contribuer en quoi que ce soit aux frais de subsistance et d’éducation du rejeton. Et il raccrocha. 

Soutenue par ses parents et ses frères, Feng était blessée et triplement lésée, ayant perdu cette fois définitivement mari, honneur, et soutien pour cette bouche à nourrir. Régulièrement, elle le rappelait chez lui pour insister que Pingping était bien son fils. Mais Zhang Ying, ou sa mère, raccrochait en entendant sa voix.

Deux ans passèrent jusqu’à ce jour de mai 2018 où Zhang et les siens décidèrent de divorcer et convoquèrent Feng Mei au tribunal, selon la procédure en cas de désaccord. Face au juge, le mari offrait à titre de compromis, de reconnaître l’enfant, de payer pension, et de laisser la garde à son ex-femme, si elle, de son côté, acceptait un test génétique, histoire d’en avoir le cœur net.

Et c’est alors que Feng Mei sortit son arme secrète, longuement affûtée : elle acceptait le test ADN, mais à une condition. Devant notaire, chacun mettrait 300.000 ¥ comme enjeu du pari, et comme compensation pour la souffrance psychologique du gagnant. Si Pingping n’était pas de lui, l’argent serait pour Zhang Ying. Mais s’il était de lui, et s’il l’avait injustement accusée, ce serait elle qui raflerait la mise ! L’annonce du pari avait laissé Zhang ahuri, écarquillant les yeux et regardant ses parents perplexe. Quand le juge lui demanda s’il relevait le pari, il ne sut que balbutier que « non, il ne pouvait pas ».

Ce faisant bien sûr, il se mettait dans la pire des situations. Face au juge, il admettait n’être plus si sûr de l’infidélité de sa femme, tout en persistant à réclamer la séparation. « La prostatite du mari, statua le magistrat, n’était pas en soi la preuve d’une infidélité de son épouse ». Et comme le test ne pouvait pas être imposé en l’absence d’unanimité, le divorce fut prononcé aux dépends du mari, astreint au paiement d’une pension et perdant la garde de l’enfant. La chance avait tourné en faveur de Feng Mei, qui récupérait tout – pension, enfant, honneur ! Et plus personne désormais ne pouvait lui contester le droit d’organiser sa vie et celle de son fils, comme elle l’entendait.

 Pour arriver à cette renaissance, il en avait fallu, des orages, des humiliations et des pleurs. Mais Feng a gagné. En prenant les bonnes décisions avec courage et tête froide, elle s’est moqué du « qu’en dira-t-on ». Zhang Ying lui reste emberlificoté, sous l’emprise de sa mère. Tout cela pour n’avoir jamais su se libérer de ses privilèges d’enfant unique et gâté, ni assumer ses responsabilités d’adulte.

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1 Commentaire
  1. severy

    Et voilà, ma bonne dame. Le sort est jeté et le bébé aussi.
    Il ne reste plus qu’à mettre cette nouvelle en vers, d’ajouter une morale et de faire apprendre cette fable à tous les petits enfants.
    C’est du bon boulot.

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